vendredi 1 mai 2020

RAMBO de Ted Kotcheff (1982) par Luc B.


Le nom du personnage est presque passé dans le domaine public, c’est dire la portée de cette série dans l’univers collectif. Et on a coutume de railler cette série, sauf que, le premier opus est tout juste excellent ! Sorti en 1982, réalisé par l’efficace Ted Kotcheff, c’est aussi mine de rien un des premiers films grand public à parler du Vietnam du point de vue des vétérans.

Le sujet était tabou aux Etats Unis, à peine 7 ans après le retrait de l’armée américaine du Vietnam - les films sur la France collaborationniste ont mis du temps à se faire, et se comptent sur les doigts d'une main de lépreux . Il y avait eu VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER (Michael Cimino, 1978) qui décryptait l’avant, le pendant et l’après-guerre, ou LE RETOUR de Hal Ashby la même année (avec et sur l'impulsion de Jane Fonda). Mais ni APOCALYPSE NOW ou PLATOON ne parlaient de cet aspect, l’action étant sur place. Il faudra attendre le deuxième opus vietnamien d’Oliver Stone et NE UN 4 JUILLET (1989) pour parler de ce qu’on ne pouvait pas parler. Le film RAMBO est tiré d’un roman du canadien David Morrell, paru en 1972, édité en France qu'après le succès du film.

Dans le roman, il s’agissait de fustiger la philosophie hippie, qui sous l’étendard peace and love, rejetait ces vétérans belliqueux qui n’avaient pourtant pas demandé à partir se battre. Cet aspect n’apparait plus dans le film, c’est même parce que John Rambo a une allure de hippie, guenille et cheveux longs, qu’il est arrêté par Will Teasle.
Lors de la dernière scène du film, le long monologue de John Rambo avant qu’il ne se rende aux autorités est très clair. L’homme-machine gorgé de testostérone, craque en sanglots (je cite de mémoire) : « Là-bas j’étais entouré, aimé, admiré, on me faisait confiance, je dirigeais des hommes, on m’en a félicité, j’étais un héros, j’étais utile. De retour chez moi, je ne suis plus rien, les portes se ferment, on a honte de moi ». Tout est dit en deux minutes.
C’est ce qui arrive à John Rambo, qui rentre au pays son baluchon sur l'épaule, s'enquiert de ses camarades de combat, tous morts. Il s'arrête dans une bourgade pour trouver de quoi manger. Son apparence de clodo hirsute fait peur, les hommes du shérif Will Teasle le mettent au trou pour vagabondage (classique réplique de westerns, "on n'aime pas trop les étrangers par ici"...). Traité comme une larve, battu, humilié (le jeune David Caruso à la manœuvre) John Rambo en proie à des souvenirs de torture leur défonce la gueule et s’enfuit dans les montagnes. Passablement contrarié, Will Teasle se lance à sa poursuite. Et ça dégénère franchement. John Rambo devient l’homme à abattre, au sens propre.
J’aime beaucoup cette réplique. Alors que les policiers subissent échecs sur échecs, que la situation s’envenime, un officier de l’armée débarque, le colonel Trautman, qui a formé Rambo. Le shérif Will Teasle, vexé dans son autorité, lui lance : « vous essayez de sauver votre poulain ». L’autre rétorque : « Je ne viens pas sauver Rambo de la police, je viens sauver la police de Rambo ». Excellent ! La tronche de Teasle à ce moment, qui ne comprend pas encore ce que cela signifie. John Rambo est une machine de guerre, le reste du film en fera la démonstration.
As du camouflage, John Rambo utilise les techniques échafaudées au Vietnam. En montagne, il fabrique des pièges pour stopper ses poursuivants. C’est comme dans le film PREDATOR, les flics tombent un à un contre un ennemi invisible, on n’entend que les cris de détresse, ça devient franchement flippant, John Rambo est partout et nulle part. Grande scène classique où il se recoud lui-même une plaie au bras, même pas mal, je me suis moi-même retiré des sparadrap sans broncher. La scène avec l'hélico est fameuse, où Rambo hurle son désarrois, comme la fuite dans l'ancienne mine, le braquage du camion militaire, et bien sûr les dernières scènes en ville, que Rambo plonge dans le noir en dézinguant les poteaux électriques. On est presque dans RIO BRAVO ces policiers prisonniers et assiégés dans leur propre prison, mais pas par une meute de tueurs, par un seul homme.
Immédiatement Ted Kotcheff fait monter la tension. Pas de blabla, le film fait à peine 1h30. Droit au but et dégraissé sur l’os. La filmographie de Kotcheff ne brille pas spécialement de chef d’oeuvre, mais on lui doit un autre film sur le Vietnam, RETOUR VERS L’ENFER, l’année suivante, avec Gene Hackman qui monte une équipe de barbouzes pour retrouver son fils resté prisonnier là-bas. Pour RAMBO il est certain qu’un Cimino aurait élevé le film dans la stratosphère avec un sous-entendu politico-social plus marqué, Kotcheff s’intéresse davantage à l’action pure, c'est ce qu'on lui demande, et il fait le job.  
J’aime beaucoup la photo du film, qui rappelle d’ailleurs celle des premières scènes de VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER, âpre, grisâtre, pas de couleurs franches, assombrie par la nappe de plomb des nuages. Les arrière-plans montrent souvent ces paysages de montagne perdue dans la brume (tournage au Canada, à Hope), il fait froid, humide, ça flotte, on patauge dans la boue de neige fondue, les pires conditions qui soient. Mais c’est aussi pour sans cesse rappeler le terrain de chasse de John Rambo, univers hostile, on ne le voit pas, mais il est là, tapi quelque part, prêt à surgir.
Evidemment, ce film est indissociable de son interprète Sylvester Stallone. Avec ROCKY, le gars est tout de même à l’affiche de deux des plus célèbres franchises du cinéma. Qui dit mieux ? Harrison Ford dans STAR WARS et INDIANA JONES ? (De Funès dans LES GENDARMES et FANTOMAS ? Je plaisante...). A part quelques scènes à sauver du RAMBO 2, la suite de la série ne vaut pas tripette, d’abord parce que le scénariste Stallone (il va même jusqu’à réaliser l’opus 4) fait d’un anti-héros dénonçant l’Amérique, un héros nationaliste chargé de la glorifier. Un contre-sens total, mais business is business.
Beaucoup de stars avaient été approchées pour le rôle, Dustin Hoffman, Steve McQueen, De Niro, Michael Douglas… à condition d’édulcorer le scénario, peu flatteur envers cette Amérique triomphante (nous sommes en 1981, ère Reagan). Stallone qui était déjà une star grâce au succès des premiers ROCKY a justement dit oui à condition d’être co-auteur et pouvoir préserver l’essence du script. C’est tout à son honneur, et question royalties, signe d’un bon instinct, puisque la série a eu un succès considérable. 
Le shérif Teasle est joué par l’acteur Brian Dennehy**, un colosse que j’adore, on connait tous sa tête, sa carrure, il est génial. Acteur de théâtre avant tout, il a beaucoup tourné pour le télé. Et j’adore aussi sa veste en daim doublée en moumoute, coutures apparentes, je vous livre un secret : je rêve de vivre au nord canadien juste pour pouvoir en porter une ! (allo, docteur ? est-ce que c’est grave de fantasmer sur un manteau ?). Le colonel Trautman est joué par Richard Crenna, le rôle de sa vie, mais saviez-vous qu’il joue au côté d’Alain Delon dans le dernier film de JP Melville, UN FLIC (1972), amoureux de Catherine Deneuve ?
Bref, tout ça pour dire que RAMBO est un grand film, moqué à cause des suites idéologiquement suspectes, qui pâtissent de ce que deviendra son scénariste/interprète plus tard. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il est un de mes films de chevet, mais un film qu’on regarde toujours épaté par son efficacité à chaque rediffusion.

**Brian Dennehy est décédé le 16/04, à 82 ans. Mince...     

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La semaine prochaine : 
- DD y est filmée par son mari
- en cette période troublée, c'était bon de rigoler un coup
- les américains en ont fait un remake

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couleur  -  1h30  -  scope 1:2.35

4 commentaires:

  1. Entièrement d'accord, pour moi c'est un très grand film effectivement desservi par des suites dont la différence de niveau donne le vertige. Perso j'aurai mis au moins un clap de plus, non mais des fois!!!

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  2. Ouais ouais, bon film, mais c'est devenu une caricature.
    Crenna, c'est aussi le capitaine Collins dans La Canonnière du Yang-Tsé, avec Steve McQueen. Je crois d'ailleurs que c'est le seul film dans lequel McQueen meurt à la fin.
    Crenna joue aussi dans Le Solitaire de Fort Humboldt, assez flippant, avec Charles Bronson, vraiment bien!
    Pour la semaine prochaine, y'aurait pas Ginger Rodgers qui jouerait dans le remake?

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  3. Y'a Ginger Rodgers dans le remake...

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  4. Plutôt caricatural en effet. Pour la veste tu devrais en trouver dans une boutique spécialisée "rétro" (une friperie quoi LOL!)

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