C’est un vrai
coup de (battement) cœur, une comédie qui m’a enthousiasmée, tournée en 1939 par Henri
Decoin avec Danielle Darrieux en haut de l’affiche. A l’époque, ces deux-là
sont mariés. Pour la petite histoire, Decoin tombe raide dingue amoureux de Darrieux
sur le tournage de L’OR DANS LA RUE (1934), faites le calcul, elle n'a que 16 ans et lui 44. Suivez
mon regard… Au secours #meetoo !
Decoin aura tout fait, athlète célèbre (natation, champion, jeux olympiques) puis journaliste
sportif, auteur de théâtre, de scénario, puis metteur en scène. Darrieux est la
star de l’entre deux guerre, actrice, chanteuse, musicienne (elle abandonne le violoncelle car sa mère trouvait indécent qu'une jeune fille écarte les cuisses pour jouer de cet instrument, ce sera donc le piano). Elle tourne dans le premier
film de Billy Wilder alors exilé en France. Avec Decoin ils partent aux
Etats Unis où ils découvrent la comédie américaine, dite screwball comedy, ces
films joués à cent à l’heure, exemple avec Cary Grant et Katharine Hepburn dans
L’IMPOSSIBLE MONSIEUR BEBE (1938) de Howard Hawks.
Darrieux et Julien Carette |
C’est donc
sous l’influence d’Howard Hawks, Preston Strugers, Léo McCarey ou Ernst
Lubitsch (on y pense) qu’Henri Decoin tourne BATTEMENT DE CŒUR. On est loin
des comédies méridionales avec Fernandel, ou de celles de Marcel Carné
scénarisées par Prévert. Le ton, le rythme est calqué sur les comédies
américaines, mâtiné de vaudeville français. Le scénario est juste un modèle du
genre, comment vous raconter le départ de l’intrigue sans déflorer le film ?
La jeune
Arlette, échappée d’une maison de correction, est recueillie par Aristide, un
escroc qui dirige une école de pickpockets. Après les cours théoriques, vient
la pratique. Ca rime. Arlette doit faire ses preuves dans la rue. Elle vole une épingle
à cravate à un homme riche qui s’avère être un ambassadeur. Qui
prend Arlette sur le fait (géniale scène du cinéma) mais plutôt que de la dénoncer à la police, l’engage
pour voler à un homme la montre qui contient la
preuve de l’infidélité de sa femme. Sauf que. L’amant s'appelle Pierre de Rougemont, et avec Arlette, c’est le coup de foudre.
Et ce n’est
que le début ! On a droit à un tourbillon de situations et de quiproquos
où vont se croiser d’autres personnages. 1) Aristide qui veut récupérer la
montre dérobée, car il prend un pourcentage sur ce que ses élèves volent et considère
Arlette comme une traitre à la cause. 2) Yves (excellent Julien Carette) pote
de chambrée d’Arlette qu’elle fera embaucher comme domestique chez Pierre de
Rougemont avec qui elle emménage, Rougemont la croyant de naissance noble. 3) Roland
Medeville, un parasite oisif qui vit aux crochets de Rougemont, qui pense régler ses problèmes d'argent en proposant un mariage blanc à Arlette.
Ah les gambettes ! Avec Jean Tissier et Claude Dauphin |
La mise en
scène d’Henri Decoin est millimétrée et inventive dans les cadrages, la profondeur de champs, de longs
plans qui laissent les acteurs évoluer. On retiendra cette scène géniale
où Arlette, réfugiée dans un cinéma
après avoir volé la montre de l’ambassadeur, le retrouve assis à ses côtés dans
la salle lui demandant de lui restituer l’objet dérobé, sans aucune logique
dans la chronologie des faits, mais un maximum d’effet comique. Ou lorsqu’Arlette,
assise entre Pierre et Roland qui lisent leurs journaux, tente d’allumer la
cigarette de Pierre.
Qui dit screwball
comedy à la française, dit tempo, et acteurs au top. L’interprétation délaisse
les pauses théâtrales des années 30, le ton est très moderne pour l'époque. Toutes les
vedettes d'alors sont là, Saturnin Favre en Monsieur Aristide, ignoble crapule,
Julien Carette (vu souvent chez Renoir "il était un petit navire, il
était un petit"... dans LA GRANDE ILLUSION c’est
lui) gouailleur hors pair, Jean Tissier génial en oisif anarchiste, pianiste à
ses heures (on a droit évidemment à une chanson de Darrieux, délicieux rossignol), André Luguet en
ambassadeur cocu, digne jusqu'au dernier poil de moustache, Junie Astor, sa femme, l'utra-classe incarnée, et Claude Dauphin,
qu’on verra devant les caméras d’Allégret, Ophüls, Guitry, Duvivier et même
Mankiewicz ou Ettore Scola…
Ce film est
juste un petit bijou étincelant qui pétille comme un 14 juillet, les situations sont drôles,
cocasses, tout repose sur Danielle Darrieux, toute en insolence et naturel,
tellement belle, sexy et espiègle. Aarffff...
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La semaine prochaine :
- malgré le titre, on reste en noir et blanc
- c'est ce qu'on appelait la qualité française
- au casting y'a du lourd, le patron et sa cour
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La semaine prochaine :
- malgré le titre, on reste en noir et blanc
- c'est ce qu'on appelait la qualité française
- au casting y'a du lourd, le patron et sa cour
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Par hasard, y'aurait pas cette réplique dans le film de la semaine prochaine? "Dans le temps, si on t'avait foutu à la lourde chaque fois que t'as fait des conneries, t'aurais passé ta vie dehors".
RépondreSupprimerJe n'ai pas retenu cette réplique en particulier, mais ce serait bien le genre.
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