jeudi 7 mai 2020

LE CERCLE DES DERNIERS LIBRAIRES de Sylvie Baron (2018) - par Nema M.



Nema pédale comme une forcenée sur son vélo d’appartement. Bel équipement qui permet de simuler des côtes et de suivre sur un écran les efforts fournis. Sonia, charitable, lui tend une gourde d’eau et lui dit :
- T’es bientôt arrivée au sommet de ton fichu col ?
- Heu, heu… non… presque… plus que 12 km…
- Mais pourquoi cette passion soudaine pour le vélo ?
- Je… voulais voir… si… heu, heu c’était si dur que ça, le vélo en montagne…

Sylvie Baron
Mais oui, au fait, pourquoi cette passion soudaine pour le vélo ? C’est encore un effet secondaire du confinement. A force de rester chez soi, des envies bizarres se développent. Au lieu de pouvoir aller sur mes chantiers habituels, arpenter des constructions en cours, humer l’odeur fade du béton qui sèche ou celle de la ferraille qui rouille, me voilà contrainte de rester à télé-travailler sur plans toute la journée. Il faut que je bouge. Bon, c’est vrai qu’a priori le vélo ce n’est pas mon truc, mais parfois au détour d’un roman une envie vous vient qui peut vous surprendre vous-même…

Pour me détendre, je viens en effet de terminer la lecture d’un roman intitulé « le Cercle des derniers libraires ». Confinés comme nous le sommes, sans librairie d’ouverte, est-ce bien raisonnable de faire l’éloge de ces boutiques de proximité qui assurent un lien social agréable entre gens qui se passionnent, parfois pour des histoires à dormir debout ?

Adrien Darcy est un sportif de haut niveau, un cycliste, qui malheureusement a eu un grave accident de la route. Comme il est également journaliste à La Montagne et qu’il commence à se remettre, le rédacteur en chef de ce quotidien régional, Charles Batifol, lui propose de faire un papier d’investigation autour de trois faits divers pour le moins surprenants : trois libraires morts, tous les trois un 20 du mois (août, septembre, octobre) et dans la même région (Brioude en Haute-Loire, Aurillac dans le Cantal et Chamallières dans le Puy de Dôme). A priori des morts accidentelles ou qui, en tout cas, n’ont pas de liens entre elles. Adrien n’est pas très content de ce type de mission, très loin du domaine sportif, il rechigne un peu mais il y va. Et c’est tant mieux pour nous.
Arrivée à Saint-Flour en voiture, en plein brouillard et pluie d’automne. Douleurs un peu partout. Mais les clochettes qui teintent à l’ouverture de la porte de la jolie petite librairie « Les livres  penseurs », aident notre héros endolori à pénétrer dans un monde qui n’est pas trop le sien : celui de la lecture et de la passion pour les histoires, les romans, les guides, les bandes-dessinées… La première prise de contact avec Emma Pélissier, la jeune libraire au rire facile et franc, n’est pas simple. Pourquoi ce journaliste inculte veut l’interviewer ? Au fil des pages leur relation s’améliore nettement même s’il y a des doutes, des hauts et des bas, car les deux ont des caractères assez forts. Ils vont partager le même but : comprendre s’il y a ou non un lien entre les trois morts et si il pourrait y en avoir d’autres. « A bookseller serial killer »,  on dirait le titre d’une série américaine…
Saint-Flour place de l’église
Adrien s’installe dans une ancienne ferme transformée en chambres d’hôtes pas très loin de Saint-Flour, tenue par Patrick Crueze, un ami d’Emma. Certes un endroit très confortable et Tom un gamin de 12 ans fils du propriétaire est sympathique, mais Patrick est un veuf aigri, un peu trop porté sur la bouteille. Et peut-être aussi sur Emma.
Le Cercle des derniers libraires est une association crée par Emma. Elle réunit quelques dizaines de libraires de quartiers, dans la région Centre Auvergne mais pas seulement, passionnés par leur métier et ayant des idées pour faire vivre leurs boutiques. Mais on s’aperçoit qu’il y a peut-être bien quelqu’un qui n’est pas pour ce genre de lieu, car les morts font tous partie de ce Cercle. Nombreuses seront les pistes : un ardent défenseur de la vente en ligne ? Un écrivain dépité et jaloux ? Une vengeance ?... Adrien rend visite à ces libraires, explique sa démarche d’investigation, apprend comment on gère une librairie et découvre un univers qui lui était totalement étranger.

Finalement notre héros se transforme petit à petit en détective privé. Pas vraiment d’indices, des alibis qui vont qui viennent. Compliquée toute cette affaire. Par exemple, il y a la voiture d’Emma, une petite fourgonnette blanche qu’elle n’hésite pas à laisser à la disposition de quelques amis, la même fourgonnette semble-t-il que celle impliquée dans l’accident mortel d’un des libraires... Il faudra être bien attentif, le moindre détail compte, jusqu’à quelques odeurs particulières. Mais chut, il ne faut rien révéler. Il y aura donc des morts, un vol, un début d’incendie, un chien ou plutôt un chien et une chienne, une fête des libraires, une foire de terroir, des aller-et-venues entre Saint-Flour, les villes des libraires, Clermont-Ferrand où Charles attend des nouvelles.  

Plein d’entrain, ce roman nous emporte allègrement dans des paysages qui font envie et des lieux chaleureux. Et au passage, il y a quelques petites spécialités culinaires comme truffade et aligot qui vous feront saliver. Si Emma et Adrien ont des personnalités fortes, ce ne sont pas les seuls. Vous découvrirez Elisabeth une libraire aux idées bien arrêtées, Gilbert un veuf de libraire pas si inconsolable que l’on pourrait le croire, Hubert le libraire « marchand de soupe » et bien d’autres personnages vivants et hauts en couleur.

Sylvie Baron est née en 1956. Après une carrière d’enseignante et de co-auteur de livres scolaires, elle s’est orientée vers l’écriture de romans et s’est installée en Auvergne. Plusieurs de ses œuvres ont reçu des prix. Elle aime visiblement nous concocter des romans policiers, un peu dans le style Agatha Christie

Bonne lecture et, dès que vous le pourrez, faites un saut chez votre libraire de proximité…

Editions De Borée
256 pages

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