jeudi 26 mars 2020

LA PARTIE ET LE TOUT de Werner Heisenberg, (Souvenirs, 1920-1965), édition corrigée 2016 - par Nema M.



- Nema, c’est quoi ce bouquin jaune… Mais c’est une collection sérieuse ?  Champs Sciences… Tu n’es pas dans la ligne éditoriale du Blog dirait M’sieur Luc…
- Sonia ça suffit. Il y a des livres qui se lisent vraiment comme des romans même s’ils sont écrits par des savants.
- C’est qui Werner Heisenberg ?
- Ô petite ignorante ! Il a eu le prix Nobel de physique en 1932 pour ses idées sur une nouvelle théorie de la mécanique quantique.
- Au secours ! Fuyons ! On va encore partir dans des trous noirs…

Rassurez-vous, malgré l’a priori de Sonia, je vous garantis un agréable moment avec cette histoire. En effet, cette histoire nous guide pas à pas vers la physique de l’atome et son évolution entre les années 20 et 60 du siècle passé, tout en étant un récit à la première personne qui raconte les interrogations mais aussi tout simplement la vie d’un chercheur passionné (et accessoirement bon pianiste amateur) : Werner Heisenberg.

On démarre début des années 20 avec des études à l’université de Munich. Maths ou physique théorique purs ? Faut-il vraiment en passer par des petits problèmes à régler pour avoir une vision claire de la question étudiée ?  Le jeune Werner essaye de trouver sa voie. Il discute avec ses professeurs et d’autres étudiants comme lui. Et tout au long de ces récits souvenirs, vous verrez combien la discussion est importante dans sa vie : être au sein d’un cercle d’amis à confronter des idées qui parfois vont dans le même sens, mais pas forcément, est un plaisir. Comprendre le point de vue de l’autre, essayer de mieux formuler sa vision des choses, le tout si possible dans un cadre naturel agréable (Werner aime beaucoup la montagne et les randonnées, ses amis aussi ; par beau temps ou surpris par la neige ; parmi ces loisirs partagés, il y aura aussi quelques promenades en mer, parfois épiques, avec rencontre improbable de baleines…).
Pour ne citer que quelques-uns de ces guides ou amis chercheurs et universitaires, retenons Max Planck et sa théorie des quanta, Niels Bohr le danois qui fait le lien entre les idées de Planck et la conception atomique de Rutterford et avec qui les échanges seront nombreux (et parfois un peu houleux)  et bien sûr l’ami de la même génération, Wolfgang Pauli, plus orienté maths que branché sur les résultats expérimentaux de la physique. Jeune homme Wolfgang est un homme de la nuit alors que Werner est très nature et appréciera toute sa vie le charme des promenades en devisant.

Atome de silicium
Un atome, pour faire le plus basique possible, en gros, c’est un noyau et des électrons. Première petite question : existe-t-il des trajectoires ou des orbites d’électrons à l’intérieur de l’atome ? Pas simple à prouver mais les travaux de Bohr offrent une révolution dans la vision de l’atome et posent les débuts de la mécanique quantique. C’est à Göttingen en 1921 que Werner Heisenberg rencontre pour la première fois Niels Bohr. La physique n’est pas une science exacte, au cours du temps de nouveaux concepts se forment. La structure interne de l’atome semble montrer les limites de la physique antérieure. Peut-on se donner une image, une représentation de l’atome ? 
L’atome a-t-il une structure stable ou est-il en permanence dans une transition d’un état à un autre et, pourquoi et comment, quel est le rôle des quanta de lumière dans tout ça… Vous verrez (ou pas) des électrons sauter d’une orbite à une autre (oups !), en vous interrogeant sur le rôle des champs magnétiques (c’est quoi au juste ?). Vers la fin des années 20, Werner Heisenberg fait un séjour aux USA. L’occasion pour lui de côtoyer des scientifiques aux approches différentes, plus pragmatiques peut-être. Ce que l’on considère à un instant t comme  une loi de la nature n’est pas absolue mais au contraire peut être sujette, au fil des découvertes et des recherches, à des modifications. Et ainsi petit à petit, la physique atomique va progresser jusqu’à aboutir vers la fin des années 30 à une découverte qui conduira à un bouleversement mondial par l’utilisation qui en sera faite : la fission de l’uranium par Otto Hahn (BOUM !!!). Einstein y avait pensé mais voilà, cela a été fait.

Heisenberg et Bohr
Werner Heisenberg s’investit non seulement dans les travaux scientifiques purs mais aussi dans la vie de l’université de Leipzig dès le début des années 30. D’ailleurs il œuvrera également à la création d’un Institut de recherche atomique dès la fin des années 50, afin de contribuer à assurer que les projets scientifiques soient conformes aux nécessités réelles de la société civile (et non détournés à des fins politiques et dévastatrices). 
Les conversations entre amis ou relations dans différents domaines de recherche amènent à évoquer des sujets très divers comme l’impact des découvertes sur la théorie Darwinienne de l’évolution, ou plus largement sur les liens qui pourraient être mis en place entre la physique et ses avancées, et la recherche dans le domaine de la biologie. Toujours preuve de cette très grande ouverture d’esprit, vous verrez que des réflexions sont développées également autour de la philosophie : la loi de causalité dans la forme donnée par Kant pourrait être remise en cause par la nouvelle mécanique quantique. Même si pour un événement constaté, on n’a pas encore trouvé la cause, cela ne signifie pas forcément que la cause n’existe pas. Vous suivez ?

Tout cela est très sérieux certes, mais en même temps assez facile à lire. Et vous découvrirez que ces chercheurs sont aussi capables de jouer au poker et, bien entendu on ne se refait pas, à partir de là de dériver sur le rôle du langage et de la relation de celui-ci avec la réalité.

Alentour de Göttingen 
Fallait-il fuir et s’installer aux USA ou rester en Allemagne ? A cette épineuse question, Werner Heisenberg a beaucoup réfléchi et bien sûr pesé le pour et le contre. Très attaché à son pays, finalement il reste en Allemagne en pensant à l’après-guerre. Il sera appelé sous les drapeaux et intégré à  l’Office des armements à Berlin. Il y fait son possible pour freiner les travaux pouvant conduire à la bombe atomique. La grande question du rôle du scientifique pour empêcher l’utilisation de découvertes qui peuvent être détournées de finalités pacifiques (comme la production d’électricité) vers des buts d’une dangerosité extrême (comme la bombe atomique) s’impose à lui. Ce qui lui permettra d’avoir une approche raisonnée des liens entre le pouvoir et le savoir et influencera ses propositions pour l’Institut de recherche atomique quelques années plus tard.

Dans le contexte de la guerre, se pose le problème métaphysique des valeurs, et aussi peut-être de l’influence de la religion, de ce qu’il convient de faire ou pas, de ce à quoi l’individu devrait aspirer pour lui-même mais aussi collectivement.  Vers le milieu des années 60, quand la reconstruction de la RFA est terminée, quand l’ère de la consommation de masse commence, Elisabeth, l’épouse de Werner Heisenberg, s’interroge sur la jeune génération qui ne s’intéressera pas forcément au grand contexte général mais restera peut être focalisée sur le détail et l’application pratique de toute nouvelle découverte… sur son bien être… et si c’est le cas où cela pourrait-il conduire ?   
Nota : pendant sa scolarité Nema ne s’est pas particulièrement intéressée à la physique de l’atome. Merci d’excuser toute approximation, voire erreur, qui pourrait s’être glissé dans le texte précédent. Pour plus de précisions (dans une certaine limite) contactez Claude Toon.

Bonne lecture !

421 pages, Champs sciences (édition corrigée 2016 Flammarion)

Inclassable, disons document… et donc pas de note.

2 commentaires:

  1. En complément Bidule mouton du Chablais préconise : "Le neutrino de MAJORANA"
    Majorana est un physicien italien, qui a travaillé avec FERMI et rencontré HEISENBERG
    Particulièrement génial, il a disparu, très jeune, dans des conditions mystérieuses
    (voir Etienne KLEIN, à la recherche de Majorana)
    Le polar se passe au CERN (Centre Européen de Recherche Nucléaire) et alterne des retours dans le passé des années 20-30 et l'enquête actuelle.
    Un bon polar qui rprend assez clairement aussi les fondamentaux de la physique quantique

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  2. Désolé, jai oublié de mettre le nom de l'auteur
    Nils BARRELLON pour le neutrino de MAJORANA

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