vendredi 20 mars 2020

LA BONNE EPOUSE de Martin Provost (2020) par Luc B.


J’ai vu ce film lors d’une avant-première organisée le 8 mars, journée de la Femme. Ca ne pouvait pas mieux tomber, vu le thème ! La salle était pleine à craquer, 99% de femmes, dont le billet était gratuit pour l’occasion. Moi, j’ai payé ! LA BONNE EPOUSE est une comédie franchement réussie, un brin caricaturale, mais la comédie demande parfois de forcer le trait, ce qui déclenche à la fois le rire, et la réflexion.
Le scénariste et réalisateur Martin Provost situe intelligemment son récit en 1967. En Alsace, le couple Van der Beck tient une école privée pour jeunes filles, afin de les préparer à leur future vie de femme, d’épouse. Paulette Van der Beck s’occupe des cours de maintien, comment servir le thé, de comptabilité du ménage (mais il revient au mari de valider les comptes et gérer l’argent) et de sexualité, le fameux devoir conjugal. Gilberte, sa belle-sœur, veille-fille fan d’Adamo, tient le cours de cuisine. Et une religieuse, Marie Thérèse, dirige l’internat.
Un mot tout de suite sur ce personnage génialement jouée par Noémie Lvovsky, qui provoque le rire à chaque apparition, ancienne résistante adepte du fusil de chasse, qui voit des communistes partout, et horrifiée que parmi les nouvelles élèves l’une soit rousse, incarnation du Diable !
La situation se complique pour l’école quand Robert van der Beck casse sa pipe. Madame doit donc gérer l’institution criblée de dettes, s’en ouvrir au banquier André Grunvald, qui se trouve être son amour de jeunesse, mais qui a aussi tapé dans l’œil de la belle-sœur…
Tout est très bien soigné dans ce film, décors, costumes, images, on pense immédiatement au François Ozon de POTICHE ou HUIT FEMMES, un univers graphique, en ligne claire. Martin Provost sort du huis-clos de l’école avec une grande et belle scène en extérieur, Paulette et son amant gambadant dans les prés comme de jeunes amoureux. Le temps passe, les évènements de mai 68 changent la donne, Paulette Van der Beck entrevoit un début de liberté. Géniale scène où elle s’achète un pantalon, qui aux dires de Gilberte lui fait un « super cul », puis ajoute : « mais tu vas le porter aussi pour sortir ? » !
Il y a une pointe de vaudeville, avec le couple PauletteAndré, quinquagénaires transis d’amour se retrouvent clandestinement à l’hôtel, passent outre les conventions, lui n’hésitant pas à grimper à la gouttière pour rejoindre sa belle. A noter une scène fameuse lorsque Gilberte comprend que son amour platonique est vain : tout laisse à penser à un geste tragique de sa part, par dépit, mais Martin Provost, par une ellipse de montage, la fait montre métamorphosée dans une robe aérienne (et de très mauvais goût !) alors que les pensionnaires partent en bus à Paris au salon de l’art ménager !
Il faut citer aussi le reportage d’une équipe télé dans l’institution Van der Beck, à qui le gouvernement a offert un lave-vaisselle. Et sœur Marie-Thérèse de déclamer : « je remercie Yvonne De Gaulle et Arthur Martin » !
Je serai sans doute un peu plus critique envers les personnages des élèves. Les comédiennes ne sont pas en cause, mais les portraits manquent de nuances. La fille délurée qui fait le mur est forcément une jolie blonde, la pucelle (qui lors d’une soirée entre filles soutient mordicus qu’elle n’a pas de clitoris, quelle idée, pour quoi faire !) est d’un physique quelconque et affublée de lunettes atroces. On passera aussi sur l’inévitable amourette lesbienne parce qu’on n’en connait ni les tenants et aboutissants, juste que parce que ça fait joli dans le décor ?
Le film vire dans la dernière scène à la comédie musicale, un effet collatéral de LA LA LAND ? Pourquoi pas, cela ajoute une touche de fantaisie, mais je ne suis pas certain d’y adhérer totalement. Par contre, le film tient beaucoup à la qualité des interprètes. François Berléand qui fait du Berléand, Edouard Baer qui sort de ses rôles habituels, Yolande Moreau qui elle turbine dans le même registre, mais son personnage est très attachant, Noémie Lvovsky géniale donc, et bien sûr Juliette Binoche.
Cette actrice est tellement belle, joue sur sa démarche, ses mimiques, ses gestes d’une précision diabolique - la comédie requière ces qualités – elle est  merveilleuse dans ses tailleurs cintrés rose, un  look Jacky Kennedy, débitant ses répliques à la mitraillette (on pense à la reine Katharine Hepburn) en maitresse femme dépassée par la situation, son nouveau statut de chef d’entreprise, qui doit tout apprendre d’un monde dont on l’a tenue à l’écart pendant 30 ans.
Je vous avais parlé d’elle à l’occasion de UN BEAU SOLEIL INTERIEUR de Claire Denis (2017) magnifique portrait d’une femme de 50 ans, contemporaine, elle étincelait. Rebelote, mais cette fois dans la France gaullienne, deux films à mettre en parallèle, pour dire les talents de cette actrice.
C’est bien écrit, bien filmé, merveilleusement joué, c’est rythmé, coloré, et surtout : on rit. Une vraie comédie, donc.

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C’est ma dernière "chronique de sortie de film" puisque les salles de cinéma sont proscrites ! Et de toutes façons vous n'auriez pas pu aller le voir... Je suis au chômage technique, mais heureusement, il reste ma pile de DVD... Je vous propose un quizz. Ma prochaine chronique sera : 
1) un film en noir et blanc 
2) français
3) genre polar et" Nouvelle Vague"
4) l'acteur principal est aussi chanteur
5) Bobby Lapointe fait une apparition...

D’ici là, portez-vous bien et faites pas les cons...
couleur  -  1h50  -  format scope 

4 commentaires:

  1. ...et le réalisateur c'est F Truffaut ?

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  2. Heu... oui ! Donc tu as quasiment trouvé... J'ai donné trop d'indices, je ferai plus dur la prochaine fois !

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    1. Ok!...
      Tiens, cadeau:
      https://www.youtube.com/watch?v=QUW7PvvbbO4&feature=emb_logo
      Ça devrait te faire plaisir Lucio
      J L

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  3. Merci ! Eh ben, je ne savais même pas qu'ils étaient en studio. Le titre n'est pas terrible...

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