jeudi 19 mars 2020

Kaikhosru Shapurji SORABJI - Opus Clavicembalisticum pour piano (1929/1930) – par Diablotin


Découvrons un monstre… 


- DIABLOTIN : Sonia, aujourd'hui, je te propose de découvrir un monstre ! D'ailleurs, comment définirais-tu un monstre, candide que tu es ?
- SONIA : Facile ! C'est moche et ça fait peur ! Je crains le pire !
- DIABLOTIN : Il n'y aucune raison d'avoir peur ! Un monstre, c'est juste quelque chose qui sort de l'ordinaire et qui provoque l'étonnement par son aspect inhabituel.
- SONIA : Ciel, toi aussi, tu vas me faire découvrir des choses arides comme les quatuors de Chostakovich de Maître Claude, auxquels je n'ai toujours rien compris ?
- DIABLOTIN : Rassure-toi Sonia, c'est moins aride mais pas forcément plus facile d'accès que les œuvres que tu viens de citer.
- SONIA : Ça ne me rassure pas ! Et c'est quoi, ce monstre ?
- DIABLOTIN : Il s'agit peut-être de la plus ambitieuse, ample et difficile œuvre jamais écrite pour le piano…
- SONIA : Ah, c'est du Liszt, je suis rassurée ! J'aime bien, et Maître Claude nous en a déjà parlé !
- DIABLOTIN : Pas du tout, tu t'égares, ma jeune amie. Il s'agit d'un corpus intitulé "Opus Clavicembalisticum", dont le compositeur est Kaikhosru Shapurji Sorabji.
- SONIA : Ô ciel ! On dirait un Indien qui a composé en latin : curieux mélange !!!

Kaikhosru Shapurji Sorabji
Kaikhosru Shapurji Sorabji est, comme son nom ne l'indique pas, un musicien anglais (1892-1988) qui doit une grande partie de sa réputation à ses œuvres pour le piano, longues, complexes, passablement abstruses et profondément ancrées dans un conservatisme formel de bon aloi !
Leur durée, généralement gargantuesque, ferait presque passer les plus ambitieuses œuvres pour piano de Liszt ou de Busoni pour d'aimables bluettes de salon… La plus connue est sans doute ce fameux "Opus Clavicembalisticum", achevé en 1930, et dont le nom et l'attrait pour le formel pourraient avoir été inspirés par la "Fantasia Contrappuntistica" de Busoni.
"Opus Clavicembalisticum" dure environ quatre heures, l'œuvre étant divisée en trois parties de durée croissante. Chaque partie est elle-même composée de fugues, toccatas ou passacailles, formes qui avaient été "popularisées" par Jean-Sébastien BACH notamment, et qui étaient déjà relativement archaïques du vivant de ce dernier, selon le schéma suivant :
• Partie 1 (Pars Prima) : I. Introïto - II. Preludio-Corale - III. Fuga I - IV. Fantasia - V. Fuga a due soggetti
• Partie 2 (Pars Altera) : VI. Interludium, tema cum XLIV (44) variationibus - VII. Cadenza I - VIII. Fuga III a tre soggetti
• Partie 3 (Pars Tertia) : IX. Interludium Altertum : Toccata-Adagio-Passaglia cum LXXXI (81) variationibus - X. Cadenza II - XI. Fuga IV a quattro soggetti - XII. Coda Stretta.

Les mouvements sont de durée variable, de quelques petites minutes pour l'introduction et les Cadenzas à près d'une heure pour la partie IX : il faut donc une sacrée dose de patience et de concentration pour ne pas perdre le fil à l'écoute de cette œuvre, et se ménager des temps de pause conséquent entre chaque partie.

L'œuvre n'a d'ailleurs été interprétée dans son intégralité qu'une petite vingtaine de fois -24 exactement- en concert.

Le compositeur, dont les talents de pianiste virtuose sont discutés aujourd'hui encore, la joua une première fois en 1930, puis il fallut attendre 1959 pour qu'une deuxième version intégrale soit proposée au public, par le virtuose anglais John Ogdon.
Le pianiste Jonathan Powell s'en est fait une spécialité, puisqu'il l'a jouée 10 fois en concert depuis 2003. "Opus Clavicembalisticum" n'a d'ailleurs été joué qu'une seule fois en France, par le pianiste Geoffrey Douglas Madge, en 1988. Trois enregistrements de cette gigantesque partition sont également parus : un somptueux coffret de John Ogdon chez Altarus Records, en 1989, très bien enregistré et accompagné d'un remarquable livret; et deux coffrets de Geoffrey Douglas Madge -1983 puis 1989 chez BIS Records-. J'ai tendance à préférer Ogdon, à la très belle sonorité et un peu moins ostentatoirement virtuose, mais c'est vraiment une affaire de goût !
- DIABLOTIN : Maintenant, Sonia, je te propose non pas de lire cette partition, mais simplement de la regarder : visuellement, elle est du plus bel effet ! Quant à écouter l'œuvre, soit tu t'enfermes dans ta chambre pendant 24 heures pour essayer de l'appréhender en entier, soit, plus sagement, tu la dégustes par petits bouts !
- SONIA : Mmmouaais… Je crois que je vais opter pour la seconde solution ! Tiens maître Claude joue au Webmaster et nous propose une playlist de votre disque de John Ogdon, un gros monsieur, le pianiste, pas Claude… 




1 commentaire:

  1. quatre heures ??? En comparaison, John Cage et son 4'33'' peut aller ce rhabiller ! ;)

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