samedi 21 mars 2020

BARTÓK – Le pince de bois (ballet -1917) – Pierre BOULEZ (1992) – par Claude Toon



- Bartók cette semaine Claude, ce n'est pas souvent, pas un concerto ni un quatuor qui font partie de ces œuvres majeures…
- Houlà, t'as révisé le sujet à mort Sonia… Comme tous les premiers compositeurs modernistes, Bartók est difficile à commenter…
- Sans doute, c'est quoi le Prince de bois comme genre ?
- Un ballet un peu négligé, moins bluffant que le Mandarin merveilleux mais bien vivant quand dirigé avec dynamisme…
- Et c'est le cas avec Pierre Boulez à tous les coups…
- Les gravures sont rares, cette mouture la plus récente a été enregistré avec le très musclé symphonique de Chicago, un must de ces disques pour DG en numérique…

Bartók et son enregistreur à rouleau de cire
Bartók n'aimait à l'évidence pas les œuvres trop longues, à l'inverse des postromantiques comme Mahler ou Richard Strauss. Même son unique Opéra, Le château de Barbe-bleue ne dure qu'une heure. Côté ballets, contrairement aux grandes partitions de Tchaïkovski (1H30-2H), on ne compte que deux ouvrages courts : le Mandarin merveilleux dont la durée et l'argument font songer à Petrouchka de Stravinsky (Clic), et le Prince bois, un conte de fée traité en ballet pantomime en un seul acte d'une quarantaine de minutes seulement. Certes, la seconde composition n'égale pas la rigoureuse structure du Mandarin, mais le négliger à ce point me semble excessif. Les fureurs mélodiques du Mandarin frappent l'auditeur d'emblée. À l'inverse, la thématique du Prince de bois n'est peut-être pas aussi imaginative et survoltée mais l'orchestration est très colorée et comme supposé par Sonia, du talent du chef d'orchestre dépend de magnifier de belles couleurs orchestrales ; normal pour un conte de fée…
Il ne faut pas oublier que même (et surtout) en cette période de guerre, Bartók est l'ami de Ravel, lui aussi amateur d'ouvrages sans note destinée à meubler, et l'admirateur de Debussy ou encore de Stravinsky, deux compositeurs de Ballets de 10 à 35 minutes… L'heure n'est plus aux répétitions héritées de la forme sonate, des arguments s'étirant sur des dizaines de tableaux répartis en 3 à 4 actes. On pourrait dire que la musique guide la chorégraphie et non l'inverse comme du temps de Delibes ou Tchaïkovski et ses valses à répétitions même si délicieuses. Par ailleurs, avec notamment les ballets russes de Diaghilev, les tutus, pointes et l'académisme d'un petit pas laissent la place à des styles de danses moins guindés, des costumes en harmonie avec le statut féérique ou social des personnages. (Vous avez déjà vu un mandarin chinois en collant moule-bite vous ?) Peintre et costumier d'avant-garde sont sollicités. Malgré un argument digne d'un conte pour enfant, Bartók s'affirme résolument moderniste…

Béla Balázs
Bartók compose son ballet entre 1914 et 1916 mais il faudra attendre 1917 pour l'achèvement de l'orchestration plutôt luxuriante. Il fait donc suite à l'écriture en 1911 de l'opéra Le Château de Barbe-Bleue qui n'a pas encore été créé… La genèse de l'opéra sera complexe et c'est le ballet qui est créé en premier à l'Opéra de Budapest le 12 mai 1917 sous la direction d'Egisto Tango. L'argument est l'œuvre du poète Béla Balázs (également : théoricien du cinéma, cinéaste, écrivain, dramaturge, romancier, feuilletoniste, auteur de contes et de nouvelles ; il y a des gens comme ça !) qui avait déjà rédigé le livret pour Le Château de Barbe-Bleue inspiré à la fois par le conte de Charles Perrault et le drame de Maeterlinck mis en musique par Debussy, Schoenberg ou SibeliusBéla Balázs choisit une thématique similaire : celui des amours impossibles contrariés par les mauvaises ondes. En l'occurrence un conte qu'il avait publié en 1913, Le prince de bois. Lorsque le comte Banffy directeur de l'opéra de Budapest apprend que Balázs a confié la composition à Bartók, il n'est guère enthousiaste. Le conte n'a pas envie de la musique d'un ethnologue et d'un chercheur sur une théorie des sons et harmonies qui semble plus adaptée à l'obtention du prix Nobel de physique (mécanique ondulatoire) qu'au remplissage d'une salle de concert.
En 1917, Bartók ne s'est pas encore imposé parmi la nouvelle école musicale hongroise, il ne le fera jamais complètement, refusant tout académisme. Bartók a déjà exposé à travers ses premiers quatuors, entre autres, son désir de révolutionner totalement son langage : structure saccadée, dissonances des gammes tonales à la Debussy lorgnant vers le dodécaphonisme de Schoenberg, dislocation mélodique dans la polyphonie, violence et dramaturgie du propos. En un mot tout ce qui ne plait pas au public peu friand de nouveautés… Tiens, les six quatuors, six autres monuments à explorer dans ce blog…
Egisto Tango maestro d'origine italienne (1873-1951) va sauver la mise par son intérêt pour l'avant-gardisme et offrir à Bartók son premier succès. Il récidivera l'année suivant lors de la première du Château de Barbe-Bleue. Bartók n'est plus considéré comme un théoricien extravagant mais comme un vrai musicien !
L'ouvrage comporte sept danses suivant une courte introduction orchestrale. Je donnerai un aperçu de cette histoire féérique en commentant la composition. Même si l'orchestre évite les déchaînements paroxystiques, l'orchestration est délirante et concurrente de celles de Mahler ou Strauss : 4 flûtes+ picolo, 4 hautbois + cor anglais, 4 clarinettes + petite clarinette et clarinette basse, 4 bassons + contrebasson, 3 saxophones (alto, ténor, baryton – c'est un cas unique), 4 cors, 6 trompettes, 3 trombones, 1 tuba, timbales, grosse caisse, cymbales, caisse claire, triangle, tam-tam, glockenspielxylophone, castagnettes, un célesta, deux harpes, cordes.

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Opéra de Budapest
[V1-0:0] Introduction : Les connaisseurs de l'Or du Rhin de Wagner ou du Pelleas de Debussy seront en terrain connu. Du silence surgit doucement un thrène sombre et lugubre : une forêt à l'aube, lieu de tous les maléfices… Contrebasses et roulements de timbales ppp sont rejoints par les violoncelles puis les bassons, les altos, etc. Un moyen-Âge crépusculaire et une atmosphère de tragédie, de sorcière, de haine, de mort ; mais pas trop. Bartók déploie un long crescendo qui se conclut par un passage allant aux accents juvéniles ; il y aura un beau prince et une délicieuse princesse… cool ! Le rideau s'ouvre : à gauche : un château, à droite un autre château et entre les deux, une épaisse forêt. Une fée surveille le château de gauche et une princesse qui s'ennuie ferme en prenant un bol d'air…
[V1-5:15] Danse de la princesse dans la forêt : Début des amourettes et hostilités suivant un flot mélodique articulé et contrasté à l'orchestration très colorée et élégiaque. Une musique peut-être difficile à suivre sans le support visuel de la chorégraphie. Bartók fait appel à une technique propre au poème symphonique, chaque section souligne une péripétie, pas de thème ni de leitmotiv. La princesse sort de son ennui pour danser. Ah, le prince ouvre la porte (celle du château de droite), voit la princesse et tombe raide mort, non amoureux. La fée, outrée, oblige la donzelle à rentrer dans le château (gauche) ; la garce !
Merci à pelodelperro pour la publication You Tube, mais je trouve les illustrations vraiment laides… affaire de goût J.
[V2-0:0] Danse des arbres. Bartók compose un passage empreint de tensions, un flot mélodique tempétueux, un climat de furie scandé par les percussions et martelé par les timbales et diverses percussions, et tout cela baignant dans des rugissements de cuivres. Il faut dire que le prince tente de traverser la forêt pour rejoindre la belle, mais la fée donne vie aux arbres pour l'en empêcher. Il s'épuise dans sa lutte contre le sortilège, mais ouiiiii… Ah mince, la fée à transformer le ruisseau qu'enjambe une passerelle ; pire qu'un orage cévenole…
Il vécurent heureux et...
[V3-0:0] Danse des vagues : Le prince tente sa chance à la Tarzan-Weissmuller pour franchir les flots qui ont emporté la passerelle. Pour attirer le regard de la princesse, le jeune homme brandit un bâton portant sa couronne et une mèche blonde… La jeune fille finit par capter l'appel et descend au pied de la colline. Mais la fée donne l'apparence du prince au bâton ; le voilà enfin le prince de bois ! La musique est passionnante, le passage le plus long. Le travail d'orchestration est chiadé, l'incursion des saxophones symbolise-t-elle les tentatives courageuses du prince, celle des flûtes, les émois de la princesse ? Pierre Boulez et la somptueuse et vigoureuse phalange de Chicago met tout cela en place au cordeau sans négliger l'humour de cette histoire d'amourette plutôt bon enfant.
[V4 et V5] Danse de la princesse avec la poupée de bois : Je n'insiste pas sur la richesse de la partition, les conflits concertants au sein de cet orchestre à l'effectif pléthorique. Une quinzaine de minutes de danses un peu folles dans laquelle surgissent des motifs folkloriques sans doute glanés par Bartók pendant ses visites dans les villages hongrois et roumains… Une partition aux mille couleurs, et pas très facile pour l'orchestre ; comme équilibrer les niveaux sonores entres cuivres, timbales, xylophone et glockenspiel [V4 -3:00 à 5:20]. L'affaire se complique, je résume : Le prince prostrée somnole, désespéré ; la fée (pas méchante, disons "taquine") s'en attriste et lui offre une couronne et un manteau de fleurs, il devient le prince de la forêt et la fée le conduit à sa chérie… (Sonia, arrêtes de sangloter comme une bécasse).
[V6-1] La princesse tiraille le prince de bois pour l'obliger à danser : le pantin de bois a perdu toute énergie : Le prince de bois s'écroule façon püzzle. La princesse voit le vrai prince et s'en étonne. Bartók caricature la situation : les motifs extravagants se succèdent, on pense à un concerto pour orchestre de chambre et percussions illuminé d'une facétieuse allégresse, un déchaînement cocasse de timbres…
[V6-2 – 1:55] Danse de séduction de la princesse : La princesse sort de son état hypnotique et tente de séduire par une danse lascive. Pris de panique, le prince tente de fuir. La princesse le poursuit mais se heurte à la forêt (comprend qui pourra).
[V6-3 – 3:33] Danse de l'amour : Bartók développe un passage sombre et dramatique pour souligner la détresse des jeunes gens. Ah, enfin le prince semble capter. Il s'en retourne et voit la princesse en larmes, il la prend dans ses bras et le rideau tombe… [8:08] La conclusion rayonne de bonheur extatique (un peu trop), les saxophones font leur retour en même temps que le prince s'abandonne à ses sentiments, une scène heureuse baigné par une tendre mélopée des cordes et des cors et le scintillement de la harpe et du Célesta…  (Partition).
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Peu de version concurrente : celle de Pierre Boulez dans les années 60 avec la Philharmonie de New-York dans un double album CBS-Sony est de bon aloi mais la prise de son est moins transparente.
L'enregistrement de Antal Dorati de la même époque pour Mercury avec L'orchestre symphonique de Londres révèle la fureur, les dissonances et le travail diabolique sur les percussions du compositeur, une autre référence.  
Enfin, plus récents, le chef hongrois Ivan Fischer a gravé plusieurs des œuvres de Bartók pour orchestre avec son orchestre du festival de Budapest. On appréciera à la fois la célèbre finesse analytique et poétique du chef et la subtilité de la prise de son. Le prince de bois existait également en album isolé, mais pour les disques Philips, il faut savoir fouiner, à part des "occasions" hors de prix…
(5/6 pour chaque album)

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2 commentaires:

  1. CÉU disse que portugal nao tem trabalhos e tudos muito pobres tambem. Visite meu Blog

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  2. O Alentejo Espanhois sempre! !

    os portuguesitos não gostam de seu pais

    https://www.youtube.com/watch?v=3j1lBCtLy44&feature=youtu.be


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