jeudi 5 mars 2020

Ian DAYEUR – de Ferré, Ferrat à… LUI-MÊME… - Rencontre avec Claude TOON



- Sonia, vous vous rappelez l'article sur la mémoire et la mer de Léo Ferré…
- À ça oui Claude ! On avait épluché, dictionnaire en main, la versification de ce texte merveilleux mais surréaliste dans sa rédaction, oui, oui, et pourquoi cette question ?
- J'ai cherché sur You Tube si d'autres chanteurs avaient fait des reprises de cette chanson, il y avait Bernard Lavilliers, sincère mais décevant, Hubert-Félix Thiéfaine plus habité, d'autres que je ne cite pas, je n'ai pas accroché, et j'ai découvert Ian Dayeur…
- Je ne le connais pas, mais je crois que ça va changer, et ça donnait quoi sa prestation à ce monsieur ?
- Ben j'avais été interloqué par le style un peu "rock" de son adaptation, mais j'avais applaudi sa prise de risque face à une chanson culte… J'avais mis un petit commentaire en ce sens…
- Houlà ! Un peu irrité le gars du coup de ce jugement même nuancé ?
- Ben justement pas du tout, on a échangé sur le web et par téléphone, et comme en plus d'apporter une seconde vie à Ferrat notamment, il compose et chante de très bons textes, a publié plusieurs albums ; l'idée a donc germé d'une interview pour ce billet…
- Ah c'est cool…

Contrairement à Mozart, Beethoven, Mahler qui n'ont pas daigné répondre à mes sollicitations d'interview (BêcheursJ), Ian Dayeur a accepté de jouer le jeu. Qui mieux que lui peut nous faire découvrir ses passions, le pourquoi du comment de son admiration pour des chanteurs (dont le génie se fait rare) comme Léo Ferré et Jean Ferrat. Et bien entendu nous parler de lui comme auteur compositeur interprète, ses disques, spectacles et projets.
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1 - Salut Ian, personne ne te connait parmi les déblocnoteurs qui ne sont pourtant pas tous câblés "classique"… De là à en déduire que tu ne fais pas la une des canapés de Drucker ou équivalents, il n'y a qu'un pas… Donc, allons direct au but : quel parcours de la petite école à la parution de ton dernier album ?
"Bonjour Claude, non je n’ai pas la chance de m’asseoir sur ce canapé qui a l’air fort confortable d’ailleurs… De la petite école à mon dernier album ? J’ai eu l’impression de vivre plusieurs vies, notamment artistiques. J’ai été élevé par mes grands-parents, mon enfance a été plutôt douce. Ado je fabriquai de fausses guitares pour imiter Santana, Dire Straits etc, et je chantais, je chantais beaucoup. Mes origines Italiennes peut-être qui s’exprimaient… Puis je me suis enfermé dans ma chambre pour apprendre la guitare, je m’enfermais et je pouvais jouer 8h sans interruption. A 18 ans j’ai rejoint l’équipe de Mama Béa Tekielsky pour une tournée, c’était le départ de l’aventure. En parallèle j’avais écrit une dizaine de titres que j’avais maquettés sur Avignon, des chansons assez expérimentales on va dire. Je me souviens d’un saxophoniste renommé dans la région qui avait joué dessus, qui m’a dit « C’est bon ce que tu fais, t’en vendras pas un ! » A côté de ça en tant que guitariste j’étais dans plein de projets qui m’emmenèrent dans toute la France et à l’étranger. Vers mes 30 ans, j’ai monté un groupe « Les maux de Zoé ». On gagna un concours sur Paris. Le groupe Ange nous avait sélectionné pour un concert au Zèbre de Belleville. Le groupe a duré cinq années. Je jouais dans un orchestre à cet époque, on accompagnait les stars du moment ou celles sur le retour. Je sentais qu’il fallait que j’arrête, je voulais revenir à ma première idée, celle pour laquelle j’avais appris la guitare : écrire des chansons… J’ai sorti mon premier album solo « ID » avec le titre « Belle France » qui eut un petit écho sur le net, un public se forma autour de ce que je faisais, du coup j’ai continué à écrire et à sortir des disques jusqu’à maintenant."
Festival Jean Ferrat
2 – Parmi tes six albums, un CD hommage de 16 titres hits chantés par Jean Ferrat, une idole de ma jeunesse dans les années 60-70… à la fois pour les chansons tendres, les textes d'Aragon et le militant humaniste… Serait-il déjà oublié ? Des titres comme "Cuba si" ou "c'est un joli nom camarade" sont-ils de facto démodés ? Tu participe au Festival Ferrat, pas un hasard…
On n’oublie pas les personnes qu’on a aimées… Je ne sais pas si un Bashung ou même un Brassens aurait eu autant de succès s'ils devaient commencer maintenant. J’ai du mal à imaginer Léo Ferré connaitre la gloire en diffusant « les amants tristes » sur Facebook… Le problème n’est pas les artistes mais ceux qui les mettent en lumière. Maintenant il faut paraitre avant que d’être. Les informations défilent sous nos yeux à une vitesse folle. C’est souvent le plus flashy, le plus pétillant qu’on aperçoit. J’ai toujours préféré la cuisine traditionnelle au fast food… La chanson engagée peut trouver un public en raison de l’actualité de notre société mais on la muselle fortement. Le festival Ferrat m’a permis de m’exprimer plus librement avec mes chansons.
3 – Sur ton site, je compte cinq albums sans prendre en compte le Ferrat… Comment choisis-tu tes thématiques et ton style rédactionnel en fonction de ces dits thèmes…
J’écris quand je ne peux plus faire autrement, quand les émotions sont trop fortes, quand le spleen de la mélancolie m’empêche de parler. On a deux sujets véritables, la vie et la mort, le reste n’est que littérature ou agencement. Les questions sociétales actuelles me touchent beaucoup, être artiste c’est accepter la précarité, les hauts et les bas, en ce moment on sent que le socle est instable. Mon autre sujet de prédilection c’est l’amour et son éventail de sentiments. Je me laisse guider par le vent qui m’habite.
4- On parle de toi dans ton site comme un groupe à toi tout seul. Tu travailles avec un groupe de musiciens officiel ou en réunissant des fidèles suivant les opportunités, les divers types d'arrangements de tes titres ?
J’enregistre beaucoup seul. Je joue les guitares, les basses, les batteries, les pianos, etc. Et quand j’ai un pote qui est dispo il vient poser son instrument. Mais je travaille essentiellement seul. Je travaille toujours en urgence ; quand une chanson est finie, je l’enregistre, il peut être 4h du matin. N'étant pas très patient, j'ai pris l’habitude de tout enregistrer dès que la chanson est là.
Portrait par Idea-Di-Benedetto
5 – Question bateau, c'est quoi la vie d'artiste (comme chantait Léo Ferré) en 2020 ? Les studios ? Les tournées ? L'opiniâtreté voire des coups de blues ? Comment expliques-tu sans polémique ou acrimonie le succès de la facilité dans la "chanson française", celle d'un Gims ou d'un Christophe Maé ?
La vie d’artiste n’a pas changé, c’est la même que celle chantée par le grand Léo. La vie d’artiste c’est ne pas comprendre ce qui se passe autour de nous, c’est souffrir pour exprimer le beau, c’est le luxe de prendre son temps pour tenter de coucher ses états d’âmes, c’est vivre avec un truc qui bouillonne au fond des tripes. La vie d’artiste ne changera pas, elle nait dans la souffrance. Je ne connais aucun artiste qui sort d’un cocon de soie. Si tu n’as pas de déchirures, qu’as-tu à exprimer ? Rien. Comme les artistes que tu nommes dans ta question.
6 – Tes projets pour les années à venir ? Pour terminer ce papier, j'aimerais parler d'un album particulier… Lequel est ton chouchou ? Si c'est le cas…
Mes projets sont de jouer mes chansons sur scène. De partir sur la route avec les gens que j’aime. D’enregistrer des chansons, d’essayer de m’améliorer dans l’écriture. Puis surtout mon projet, c’est de vivre ! De tout prendre en pleine face comme le vent. En ce moment j’écoute beaucoup Léo Ferré, je crois même que c’est le seul que j’écoute tous les jours. Je suis un inconditionnel de Brassens et j’écoute aussi beaucoup de classique, notamment Brahms. Dans un autre style il y a Chet Baker qui me retourne la tête. Je n'ai pas d’album chouchou en particulier. Il y en a un que j’écoute beaucoup par la force des choses en ce moment, c’est mon dernier album que je suis en train de finir « Paradis d’enfer ».
Merci Ian,
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Pour consulter le site de Ian [www.iandayeur.com] – Un grand choix de titres extraits de ses albums sont à écouter. [Albums]

Je propose : Encore une fois de l'album Ornithologie, puis La valse noire de l'album Les maux de Zoé. Puis Que serais-je sans toi sur un texte de Louis Aragon, une chanson de Jean Ferrat de 1965. Ça ne me rajeunit pas, Sonia ! La chanson ne vieillit pas… elle.



1 commentaire:

  1. Bravo Ian tu es toujours au top et tu sais bien que je suis ta fan depuis tes débuts. Je trouve que tu devrais être mieux reconnu. Les gens ne savent ce qu'ils perdent en ne l'écoutant pas. Je t'adore et je te fais des gros bisous à bientôt Jacotte Bosloup

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