The Solution est un énième projet du Suédois Nicklas Andersson, alias Nick Royale, l'homme aux multiples casquettes. Au sens propre comme au figuré.
Pour mémoire, Andersson a été un pionnier de la scène Death-metal suédoise avec le groupe Entombed qui, au crépuscule des années 90, va intégrer des éléments plus Rock'n'roll. Ce qui va lui valoir l’appellation de Death'n'Roll.
Andersson est peut-être plus connu sous le pseudonyme de Nick Royale, qui va lancer sur les routes de Scandinavie et d'Europe un combo totalement imprégné par la scène Rock de Detroit - du Garage-rock au Heavy-rock énervé du MC5 - : The Hellacopters. En huit albums et quatre Ep, cette formation suédoise est devenue une référence de High Energy Rock'n'Roll (Camion Blanc a édité une bio : "The Hellacopters : du kérosène dans les veines" sous la plume de Rudy Charis).
Après la mise en sommeil de Hellacopters, il ralentit le tempo avec l'Imperial State Electric qui puise indifféremment son inspiration dans la musique millésimé 60-70, que ce soit du Rock ou du Rhythm'n'blues.
Dans le cas présent, contre toute attente, l'homme en partie responsable du développement Death-Metal en Scandinavie, s'investit dans un créneau carrément Rhythm'n'Blues et Soul.
Tout commence avec The Nimitz, rapidement métamorphosé en The Hydromatics, un autre projet dont la raison d'être initiale était de faire revivre sur scène le répertoire de Sonic's Rendezvous Band, avec Scott Morgan, chanteur et guitariste rythmique original. Sonic's Rendezvous Band fut la dernière campagne de Fred Sonic Smith, ex-guitariste et compositeur du MC5, mari de Patti Smith, décédé le 4 novembre 1994 d'un infarctus.
Auparavant, Scott Morgan fut un acteur de la scène de Detroit dès les années 60, il laisse une trace physique avec le groupe de Garage-rock et de Soul, The Rationals. Groupe originaire d'Ann Arbor, tout comme le Five qui fit un temps leurs premières parties. Auparavant, le copain James Osterberg, pas encore Iggy, avait été pressenti pour prendre la place du batteur.
The Rationals ne réalise qu'un seul 33-tours, sorti en 1970, devenu culte depuis. Malheureusement, suite à des années de vaches maigres, des dissensions apparaissent et le groupe éclate peu de temps après la sortie de leur unique disque. Néanmoins, sa réputation perdurant au fil des ans, des compilations verront le jour bien des années plus tard.
The Hydromatics finit par créer son propre répertoire et enregistre quatre disques (dont un, "Dangerous", compilation dédiée au répertoire du Sonic's Rendezvous Band). Andersson, trop occupé, laisse sa place mais reste en contact avec Morgan.
Tout deux partagent un intérêt particulier pour la Soul originale - authentique -, sujet récurrent de leurs conversations. Mais en parler c'est bien, en jouer, c'est mieux. Encore plus lorsque l'on est des musiciens aguerris. Ainsi naît The SOLUTION.
Injustement, ce groupe reste occulté, voire même totalement inconnu, caché derrière la pléthore de disques auxquels a participé, de près ou de loin, Nicke Andersson. Pourtant, ce qui est sorti de cette formation est si bon que l'on pourrait légitimement croire à de simples reprises de classiques des années 60 et 70. Pas moins. Il va sans dire que l'on vérifie plutôt deux fois qu'une les auteurs des chansons.
Krack ! Boum ! Bam ! Brambalam, bam boum, whiplash ! C'est ainsi que débute ce premier disque. Dans un fracassement ordonné de fûts. Un vacarme produit par un animal sauvage furieux, échappé de sa cage de fer et brisant tout ce qui se présente sur son passage. (Quels bourrins ces batteurs)."Get On Back" déboule, poussé par une batterie au comportement de chien fou amateur de fesses tendres ; et l'orchestre, affolé, monte les genoux bien haut pour éviter la morsure. Pourtant, après ce départ décoiffant, Andersson se contient - autant que faire se peut - et laisse place à une forme de Rhythm'n'Blues encore âpre et savoureux, mais plus mesuré. Un Rhythm'n'blues s'abreuvant sans retenu dans les joyaux impérissables de la Motown et des studios Stax. Tout en ayant un regard attendri vers le couple Delaney & Bonnie et les "chiens fous" et les graisseux de Joe Cocker.
Les cuivres ont le cœur à Stax tandis que les chœurs ont plus le regard tourné vers la Motown, ainsi que les blanc-becs cités.
Seul "Soul Mover" retrouve l'urgence du morceau d'ouverture, pour clôturer l'album pratiquement comme il a commencé.
A savoir que le jeu nerveux de batterie du père Andersson impose tout de même un rythme soutenu. Ainsi, sur certains morceaux, il semble jouer un poil (ou deux) en avant, un peu au dessus du tempo. Ce qui confère à l'ensemble un fin nappage rock - un brin canaille - à cette Soul de fort bon aloi.
C'est à croire qu'il a le diable chevillé au corps, ce sacré Anders Nickas Andersson. Débordant d'une énergie intarissable qui rejaillit dans son jeu sec, vigoureux et impatient ; comme s'il n'était plus que l'objet d'une force brute.
Derrière, l'orchestre est plus sage. Même la guitare d'Andersson contient ses ardeurs. Oui, parce que ce chevelu chapeauté permanent s’attelle à la six-cordes, avec Scott Morgan. Cependant, en dépit de deux guitaristes, les soli de gratte sont rares, et lorsqu'il y en a, ils se fondent dans la musique à la manière d'un Steve Cropper.
Malgré ce que l'on pourrait croire, les deux compositions les plus rythmées (ouverture et final) sont de Scott Morgan, alors que Nicke, ici compositeur égalitaire, se singularise par des chansons plus tempérées. A l'exception de "Phoenix", qui louche vers les Blues-Brothers, boosté par la morgue d'Imperial State Electric, certaines comme "My Mojo Ain't Working No More" et "Words" frôlent la ballade énergique, ensoleillée, pleine d'entrain.
Un personnage vraiment étonnant, d'autant qu'il produit aussi l'album. Et encore, il s'est dispensé d'en réaliser la pochette (comme il l'a parfois fait pour les Hellacopters).
Deux reprises tout de même, qui se fondent dans le décor. Une très bonne version de "Widow Wemberly" de Tony Joe White, peut-être même meilleure que l'originale, moins sombre en tout cas. Et le "Must Be Love Coming Down" de Curtis Mayfield, (interprété par Lance Major), dans une interprétation appliquée mais dont la privation de violons, et le timbre plus âpre du chant, l'emmène dans une atmosphère plus roots.
Douze pièces tournant aux alentours des trois minutes, pour un total d'environ 40 minutes, et pas une seule faute de goût. Au contraire, on en redemande.
Des albums de Soul de cet acabit, ça ne court pas les rues.
🎼
Autre article lié (lien) :
➽ IMPERIAL STATE ELECTRIC "Honk Machine" (2015)
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