jeudi 13 février 2020

COCKTAIL TIME de Pelham Grenville Wodehouse (1958) – (traduction française 2015) - par Nema M.



- Nema, on se fait un Happy Hours ?
- Bof, je suis plutôt Cocktail Time, ça fait plus chic.
- ??? C’est quoi ce truc ?
- C’est comme ça qu’on disait en Angleterre dans les années 50 quand les jeunes allaient s’en jeter un (ou plutôt plusieurs) ensemble…

Bon. C’est finit le Brexit. Ils sont en train de nous quitter, ces satanés anglais. Mais on les aime bien quand même, malgré leur humour bizarroïde. A propos d’humour et d’ambiance « so British », le roman de Wodehouse, Cocktail time, écrit en 1958 en est une belle illustration.

Il y est question d’un Lord facétieux et hyperactif, Lord Ickenham, qui va, par le jet d’une noix du Brésil sur le chapeau de Sir Raymond Bastable à partir de la fenêtre de son Club à Londres, déclencher toute une série de péripéties plus ou moins drôles. Sir Raymond Bastable est bien connu de Lord Ickenham : il le surnomme affectueusement Beefy en souvenir de sa jeunesse quand il jouait au rugby. Beefy est avocat mais vit à Hammer Hall. Imaginez un coin sympathique de campagne anglaise, avec des petits manoirs typiques, un petit lac avec des cygnes et une île qu’on atteint en prenant une barque…. Bref bucolique (un peu de musique de Vaughan-Williams et ce sera parfait, dirait Monsieur Toon).

Albert (Bert) Peasemarch
Richard Blunt a écrit Cocktail time un ouvrage dont le chapitre XIII conduit à un sermon terrible un dimanche à l’église. Mais qui a-t-il donc dans ce chapitre XIII ? On n’en saura en fait rien, car ce n’est pas là le sujet du roman que nous lisons. Le sujet c’est : qui est l’auteur qui se cache derrière ce pseudonyme ? Qui peut oser décrire avec tant de précision cette jeunesse anglaise (dévergondée ? dévoyée ? alcoolique ?…) des années 50 ? La maison d’édition Alfred Tomkins Limited se voit toucher le Nirvana quand la presse rebondit sur le fait qu’un évêque a fustigé du haut de sa chaire cet ouvrage licencieux. Quelle belle publicité ! Les tirages s’envolent.
Cosmo Wisdom, un bon à pas grand-chose si ce n’est jouer et picoler est-il l’auteur de ce roman , ce cache-t-il sous le nom de Richard Blunt ? Il est le fils de Phoebe, elle-même sœur de Raymond Bastable, une veuve d’une bonne quarantaine d’année tout le temps en train de pleurnicher et réduite par son frère, pour qui elle tient la maison, à un « tas de gelée larmoyante » (entre nous, il n’y a que les anglais avec leur « jelly » pour comparer quelqu’un à de la gelée). Heureusement qu’il y a le majordome Albert (Bert) Peasemarch. Un vrai majordome avec un chapeau melon quand il sort. Il sera là, fidèle et très respectueux vis-à-vis de Lord Ickenham, Lord I, comme il l’appelle car ils ont fait la guerre ensemble. Et il en suivra les ordres ou conseils à la lettre.  A  propos de lettre, il y en a une qui va passer de main en main, qui va faire transpirer beaucoup les principaux personnages de cette histoire car elle contient un aveu, la preuve en quelque sorte de la réelle paternité du livre : le vrai nom de l’auteur.
Les Carlile, Mr and madame, personnages un peu secondaires. Ce sont les américains de service si on peut dire. Pas très honnête, très joueur, Oily Carlile tentera par de multiples moyens de se faire rembourser une dette de jeu par Cosmo, voire de le faire chanter… Il sera dans la course après la fameuse lettre. Pas simple. Les évènements ne vont pas aider ce couple pittoresque. 
Barbara Crowe de l’agence littéraire Saxby, la collaboratrice vraiment efficace de cette agence littéraire, se démène pour défendre les intérêts de l’auteur : elle va même réussir à faire en sorte que cela intéresse Hollywood ! Saxby sénior, le fondateur de l’agence, un charmant vieil homme un peu gâteux et aux manies inhabituelles (il tricote des chaussettes et adore les oiseaux), joue un rôle important dans les péripéties de Hammer Hall par ses incompréhensions et son goût du bavardage.  

Et puis il y a beaucoup d’histoires d’amours contrariées, Barbara aime Beefy mais ils se sont disputés, le majordome aime secrètement Phoebe, le filleul de Lord Ickenham, voisin de Beefy,  ne peut pas épouser sa dulcinée à cause de sa Nannie tyrannique qui est aimée par le flic du coin… Heureusement Lord I adore proposer des plans pour que les couples puissent enfin se constituer. C’est le côté bluette de ce roman. Evidemment tout est bien qui finit bien.

Un roman bien enlevé, très anglais, un peu daté mais charmant avec son côté vaudeville et ses petites plaisanteries. Il faut dire que l’auteur, né dans le Surrey en 1881 et mort aux USA en 1975, a été journaliste mais aussi humoriste et il a produit de nombreux romans mais également des pièces de théâtre… Pour les anglophones, son personnage de majordome Jeeves a donné lieu à la création d’une série sur ITV (Jeeves and Wooster », disponible sur YouTube.

Bonne lecture !

291 pages Les Belles Lettres, Domaine étranger




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