- Mais
Claude, tu n'as pas fait un copier-coller malheureux ? Le chef d'orchestre est
le même que la semaine passée, Istvan Kertész
pour la chronique du Requiem de Dvořák.
- En effet
Sonia, István Kertész… Aucune erreur ; rappelles-toi que j'évoquais une belle
intégrale des symphonies de Schubert réalisée par ce maestro…
- Exact !
Surement une symphonie de jeunesse ; mais il n'y avait pas justement un autre chef à
découvrir ?
- Tu connais
ma méthode, je regarde ce qui est disponible dans les belles éditions You Tube,
et là par hasard…
- C'est une
symphonie d'envergure, 1814, Beethoven a composé ses grandes symphonies sauf la
9ème ; Franz rivalise-t-il avec Ludwig ?
- Ô non, le
jeune Franz n'a que 17 ans, et même très doué, le compositeur vit encore à
l'époque de Mozart et de Haydn ou de la 1ère symphonie de Beethoven…
Schubert en 1814 |
Cas à part, la "grande" 9ème
écrite peu de temps avant sa mort, une avancée évidente dans la complexité de
la forme sonate, un bond en avant romantique, une source d'inspiration pour tous
les compositeurs à venir, notamment Bruckner.
Et pourtant une symphonie qui ne me parle pas à tous les instants, au point que
je n'ai jamais encore eu le désir de la commenter… Un sentiment d'une musique
martiale voire un peu lourde… Enfin, on sent parfois dans les six premières
symphonies le travail d'un jeune compositeur un peu engoncé dans
son propos, cherchant une imagination thématique digne d'un Haydn tout en craignant d'être bien en deçà
de la puissance expressive d'un Beethoven,
une forme de timidité créative…
Et faux !
Faut-il à cause de quelques faiblesses formelles et autres longueurs jeter les
bébés avec l'eau du bain si je puis me permettre une telle trivialité. Et bien
non ! Bien interprétée par un chef qui essaye de retrouver l'état d'esprit jovial
d'un grand adolescent qui n'a pas encore été trop meurtri par le manque de
reconnaissance de ses pairs et plus tard la maladie, voilà une musique plus fascinante qu'elle n'y parait. Schubert
collectionne des amis fidèles, fait la joie des soirées où l'on joue ses pièces
pour piano et on chante ses centaines de Lieder. Sans mécène comme le jeune Beethoven, sans fortune comme le tout
aussi jeune Mendelssohn, aucune des
symphonies ne sera interprétée de son vivant. La plupart seront créées à la fin
du XIXème siècle. On suppose par ailleurs qu'une quinzaine de
symphonies en tout ont été ébauchées ou achevées… Et faux pour conclure, ces symphonies sont biens agréables à écouter,
notamment cette 2ème.
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István Kertész |
Schubert choisit
la tonalité bonhomme de si bémol majeur, peu courante dans son œuvre.
L'orchestration est identique à celle des symphonies
londoniennes de Haydn et de la plupart de
celles de Beethoven, l'effectif classique
officiel : 2/2/2/2, 2 cors, 2 trompettes, 2 timbales et cordes. La symphonie
comporte les quatre mouvements habituels, et comme chez Haydn,
l'allegro initial est précédé d'une ouverture lente.
Nous l'écoutons interprétée par la Philharmonie de Vienne dirigée par István Kertész, maestro hongrois disparu prématurément
et présenté la semaine passée (Clic).
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Stadtkonvikt de Vienne |
1 - Largo –
Allegro vivace : [V1] Dès les premières mesures, la 2ème
symphonie nous apprend que Schubert
se passionnera pour les rythmes sans négliger la mélodie. Ceux qui connaissent
ne serait-ce que la symphonie "Inachevée" ont dans l'oreille
les élans de marche funèbre de l'allegro et la scansion appuyée du thème B de
l'andante. Et quant à la 9ème, les quatre
mouvements sont tous animés d'une pulsation marquée. Marches, processions… il
semble parfois que le compositeur a intégré le métronome, la battue du chef,
dans la ligne mélodique elle-même.
Les trois premières mesures du Largo confirment cet attrait. Un tutti des vents ff soutenu par les timbales sera répété
trois fois avec ardeur, il est suivi d'un motif en arpèges descendant
jaillissant des cordes. Un motif opposant hardiesse militaire et poésie
bucolique. Rien de pompier car Schubert
change la hauteur des notes à chaque présentation de cette triple introduction
et supprime les trompettes dans la 3ème reprise. [0:28] Après cette
entrée en matière altière, un thème mélodique se déploie égayé de trilles de
flûtes. Quelques pizzicati marquent le pas. [1:20] L'allegro lance (le mot est
juste) l'exposé du premier thème, fougueux et joyeux. Utilisons même le mot
frénétique à l'écoute de la ligne de chant des violons qui mènent la danse. Un
exposé très long et fantasque car on attend l'incontournable second thème qu'impose
la forme sonate. Deux flûtes s'imposaient quand de nouveau se font entendre leurs
trilles acérés. [1:54] ce thème imposant est repris, avec diverses fantaisies
orchestrales (trilles aux cors) pour éviter toute monotonie, reprise qui prépare
l'arrivée du second thème à [2:20]. Un thème moins vaillant et pastoral. [8:50]
Les bois apportent une nouvelle donne et ouvrent la porte à un développement original
mais très court. Une écoute superficielle peut donner l'impression de redite
excessive. Ce n'est pas faux, surtout quand le chef fait toutes les reprises ce
qui conduit à une durée d'exécution qui approche le quart d'heure. Le vivace respecté avec fougue par István Kertész prend alors toute son
importance en lien avec l'éviction de tout pathos. [9:25] Schubert
propose un nouvel intermède de détente. De
reprise en reprise, ce mouvement vif-argent, juvénile et pour le moins tonique atteint
une brève coda assez banale.
Même si Schubert
joue sur une orchestration colorée et volcanique, il faut bien avouer que les innombrables
reprises (au moins une dizaine) nous renvoie à l'expression "les
divines longueurs", formulée par Robert Schumann, et ne se justifient pas pleinement avec un matériel mélodique génial mais
limité. Certains chefs ne les font pas toutes et ramènent ainsi la durée à une dizaine
de minutes (Böhm à Berlin). Le chef
allemand moins exalté que son confrère hongrois usant d'un legato plus prononcé
obtient ainsi un phrasé peut-être plus élégant et romantique, très germanique
ceci dit… Abondance de bien ne saurait nuire, la folie de Kertész
apporte un style quasi rock'n roll 😄.
Soirée autour de Schubert |
(Partition) |
3 - Menuetto
: Allegro vivace : [V3] Vivace ! C'est écrit et István
Kertész respecte avec bonheur ce menuet aux accents martiaux. (Hélas
pour Böhm qui donne à ce passage si enjoué un
ton pachydermique, l'un des rares contresens chez le chef autrichien, une
épaisseur datée entendue parfois dans son intégrale Mozart).
Le menuet sautille gaiement, on pense à une danse de vigoureux paysans. Comme
souvent dans la seconde partie de ses symphonies, un léger essoufflement de
l'inspiration se fait sentir. [1:27] Hautbois et cors entonnent une comptine
enfantine, légère et ludique. Encore une rythmique discrète mais inflexible des
cordes. Reprise da capo.
4 - Presto
vivace : [V4] Je parlais du goût prononcé de Schubert pour les marches et en voici une
pour le moins endiablée voire féroce qui s'élance dans le final. [2:35] un
puissant crescendo conduit à une bataille virulente entre pupitres qui, à mon
sens, se veut facétieuse. Là encore la thématique n'est en rien immortelle et la
construction assez basique, mais quelques fantaisies nous emmènent tambour-battant
vers une conclusion sous amphétamine. Pas de doute, la symphonie la plus
enthousiaste de Schubert.
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Pour la discographie, je ne reviens plus sur les intégrales
de bon aloi déjà présentées dans les articles précédents : Böhm
d'une grande intelligence malgré la lourdeur du menuet, Minkowski
enjoué, Blombstedt raffiné, etc.
Il existe peu de disque proposant de manière isolée
les symphonies de jeunesse :
La première gravure de cette œuvre date de 1940 sous la baguette en folie de Toscanini. Le maestro ronchon au
tempérament explosif dynamite Schubert.
Toute une époque pittoresque, dommage que le son NBC soit bien acide, il faut bien le dire ! (Testament – une curiosité donc pas de note).
Début des années 60, le jeune maestro surdoué Lorin Maazel se voit confier la Philharmonie de Berlin pour diriger les
symphonies de jeunesse. Le chef illumine d'un geste vif une conception claire,
ce qui n'était pas toujours le cas avec la puissante phalange coachée par Karajan. Prise de son aérée (DG – 5/6).
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