Voici
le second film de Régis Roinsard, 8 ans après POPULAIRE, cette jolie comédie
rétro avec Romain Duris. Si j’étais méchant, je dirais : 8 ans pour
en arriver à ça ?! Mais je ne suis pas méchant…
LES
TRADUCTEURS est un thriller au scénario alambiqué et aux multiples
rebondissements, on dit aussi des twists, et pas seulement à Saint Tropez. Ce qui aurait pu être un jeu de massacre
cynique et jubilatoire, se transforme très rapidement en exercice de ball-trap
pas très subtile. Selon les goûts.
L’histoire : l'éditeur
Eric Angstrom détient les droits d’un best-seller mondial,
DEDALUS, dans le genre MILLENIUM, HARRY POTTER ou DA VINCI CODE, dont le troisième et
dernier tome est très attendu. L’intrigue s’inspire de ce qu’il s’est passé
pour le roman de Dan Brown INFERNO, à savoir, réunir en huis-clos un groupe de
traducteurs pour être certain que le manuscrit à traduire ne fuite pas. Triés
sur le volet, du moins on le suppose car on ne sait pas comment ils ont été
choisis, neuf traducteurs sont enfermés – au sens strict – dans un bunker
souterrain, sans moyen de communiquer vers l’extérieur. Eric Angstrom leur
remet chaque jour dix pages du manuscrit, les copies sont ramassées le soir.
L’équipe se met au travail sous la surveillance de deux russes patibulaires et armés.
Déjà du grand n’importe quoi, mais attendons la suite.
Patatras,
Eric Angstrom reçoit un message sur son portable : un hacker menace de
télécharger sur le web les premiers chapitres traduits, moyennent une rançon… Vous imaginez la tête du gars, furibard, qui
redouble de vigilance et d’autorité pour confondre le traitre.
LES
TRADUCTEURS est un cluedo, un whodunit genre Agatha Christie chaussé de gros sabots (on songe à une référence plus précise que je tairai, suspens oblige) ou
LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE de Gaston Leroux, où chacun s’épie et se
suspecte. Mais comment croire une seule seconde à ce postulat de départ, comment
croire que ces traducteurs se laissent ainsi avilir, dégrader, menacer ? On
aurait pu imaginer des moyens de pression de la part de l’éditeur plus subtils, que de leur braquer un flingue sur la tempe. Le film n’est pas avare d’incohérences
et d’à peu près, mais le mot d’ordre semble être : allons-y gaiement dans
la surenchère.
Quand
on voit ce qui arrive à la traductrice danoise, jouée Sidse Babett Knudsen de
la série BORGEN : comment cette femme dépressive a pu être sélectionnée au
vu de l’enjeu financier (Angstrom lit le danois dans le texte ?!) de même
que le jeune traducteur anglais qui circule en stakeboard, dont on apprend qu’à
26 ans c’est quasiment son premier job ?! Et l’espagnol qui débarque avec
un bras dans le plâtre ! N’importe
quel médecin aurait pu vérifier la réalité de la blessure, ou que le plâtre
servait à planquer un téléphone ou une clé 4G. Je ne comprends pas le jeu de la
russe, scène avortée de la mallette, le plongeon dans la piscine, à part profiter
de la splendide plastique de l’actrice ukrainienne Olga Kurylenko moulée dans une robe
blanche - mais qui vient habillé comme ça au boulot ?! On passera sur l’allemande (si je puis dire) qui dans sa trousse de
toilette cache un vibromasseur…
Ne
soyons pas trop regardant, le film est un suspens avant tout, avec quelques
belles idées. Dont celle-ci : un récit au présent, mais aussi
des flash-back et des flash-foward. Comme ces scènes d’Eric Angstrom venu voir
quelqu’un en prison (deux mois plus tard) les infos nous étant distillées au
compte-goutte, avant la révélation finale. Jolie poursuite sous le métro
parisien (je ne peux rien vous en dire… mais perso j’aurais accentué le clin
d’œil à FRENCH CONNECTION), ainsi que tout ce qui tourne autour du véritable
auteur du livre, une énigme dans l’énigme.
On
citera aussi cette scène de rébellion des traducteurs qui pour ne pas se faire
comprendre de leurs geôliers se parlent comme dans un cadavre-exquis : on
passe du grec au portugais, du chinois à l’allemand, en évitant l’anglais ou l’espagnol,
langues trop compréhensibles. Intéressante aussi l’enquête que l’assistante d’Angstrom
(jouée par l’exquise Sara Giraudeau) mène à Londres pour essayer d’y voir clair
dans le jeu d’Alex Goodman, le traducteur anglais.
Chaque
traducteur est joué par un acteur de même nationalité, bonne idée, mais l’interprétation
est du coup hétérogène, la direction d’acteur approximative n’aidant pas,
certains s’en sortent mieux que d’autres, Frédéric Chau étant assez mauvais
tout du long, pour les autres, le strict minimum. Dans le rôle de l’éditeur,
Lambert Wilson en fait des caisses, pas crédible pour un sou, il ne lui manque que le chat sur l'épaule pour singer le Dr No de James Bond.
Donc
8 ans pour ça ?! Repensons à HUIT FEMMES d’Ozon, LE LIMIER de Mankiewicz, même
le récent A COUTEAUX TIRES de Rian Johnson, ou THE GHOST WRITER de Polanski que
Régis Roinsard aurait sans doute dû revisionner. Il y avait dans ce scénario à
tiroirs - effectivement bien construit - matière à un thriller jubilatoire et
pourquoi pas littéraire, vu le sujet. Moi qui loue généralement l’absence de
psychologie comme une qualité dans certains films, là au contraire, ça en
manque cruellement, caricature et stéréotype (le grec est un vieil homo !) semble être le maitre mot.
En sortant de la salle, j’ai dit à madame B. que dès
janvier, je viens de voir le plus mauvais film de l’année ! Je nuancerai
ce jugement après réflexion, y’a du bon, mais c'est du lourd, on peut se laisser prendre au truc,
mais il y avait tellement mieux à proposer.
couleur - 1h45 - format scope 1:2.35
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