- B'jour
Claude, voyons le sujet du jour pour la publication… Requiem de Dvořák, le
compositeur de la symphonie du Nouveau-Monde, il avait écrit çà ?
- Et oui
Sonia, fasciné par celui de Verdi et le requiem allemand de Brahms, devenu
musicien accompli, il s'est passionné par un ouvrage d'envergure…
- Il avait
lancé sa carrière avec un Stabat Mater suite à la mort de ses trois premiers
enfants… Triste. Ce Requiem est né suite à un drame ?
- Non pas du
tout Sonia, ce n'est même pas une commande. Dvořák souhaitait le composer
"par plaisir" et répondre au souhait des organisateurs de concerts…
- István
Kertész, un nouveau chef dans le blog, mais dans la collection legends, ancien
et pas très connu…
- Si, des
anciens, ce chef hongrois puis allemand, promis à une carrière prestigieuse,
s'est hélas noyé à 44 ans ! On lui doit de très beaux enregistrements, je vais y
revenir…
István Kertész |
István Kertész voit le
jour en 1929 à Budapest. Issue d'une
famille israélite, il va grandir dans la terreur de la déportation dans un pays
où le régent et dictateur Horthy fait
cause commune politiquement avec le régime nazi d'Hitler et le fascisme de Mussolini.
Le Führer trouve la politique antisémite d'Horthy trop tiède, ce qui conduira à
l'invasion allemande du pays en 1944.
Eichmann est chargé du problème juif
et 450 000 Juifs hongrois seront envoyés avec une rare efficacité dans les
camps dont Auschwitz où une grande partie de la famille du jeune István
sera exterminée. Sa mère louvoie avec la désorganisation qui
commence à impacter la folie nazie en cette période 44-45 et permet à son fils
de suivre des études de piano, de violon et de composition. En assistant aux
concerts d'une ville parmi les plus mélomanes d'Europe, István
décide de devenir chef d'orchestre, complète sa formation et
obtient son diplôme en 1947 à
seulement 18 ans.
Intégrale des symphonies en LP |
Sa courte carrière se révèlera superlative : directeur
des opéras d'Augsbourg
et de Cologne,
mais surtout chef principal de l'orchestre
symphonique de Londres de 1965
à 1968 succédant à Pierre Monteux et précédant André Previn et chef invité de La philharmonie de Vienne qui n'a jamais de
directeur attitré. Deux phalanges prestigieuses avec lesquelles il enregistre
beaucoup pour Decca. Il existe deux coffrets de 12 et 21 CD des gravures avec
chacun de ces orchestres. Coffrets qui comportent des intégrales ou anthologies
dédiées à Mozart, Brahms,
et les grands romantiques, les hongrois comme Bartók
ou Kodály et bien entendu le tchèque Dvořák dont
l'intégrale des symphonies
rivalisa dans les années 60-70 avec celles de Kubelik
ou de Rowicki… À noter qu'à
l'époque où les symphonies
de jeunesses de Schubert
sont encore peu appréciées, le chef grave une belle intégrale à Vienne concurrente
de celle de Böhm à Berlin.
Une chronique sur la fraîche 2ème symphonie d'un
jeune Franz sera envisagée…
Le style d'István Kertész se
caractérise comme souvent avec les maestros hongrois par une direction franche,
dynamique et colorée ; les fabuleuses prises de son DECCA des années 60 participent grandement à cette réputation.
Le 16 avril 1973,
le chef est en tournée en Israël, il se noie lors d'une baignade en mer. Il a
44 ans. La philharmonie de Vienne
enregistrera sans son chef les variations sur un thème de Haydn de Brahms exemplaires qu'elle devait
enregistrer sous la direction du maestro.
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Dvořák en 1891 |
Phénomène étrange : les messes de Requiem
les plus élaborées et jouées sont le fruit de compositeurs guère réputés pour
leur piété intensive ; leurs ouvrages n'ayant de fait guère d'accents
sulpiciens. Je cite : Mozart
le franc-maçon, Berlioz le libertaire, Verdi l'anticlérical, pour chacun un requiem
suivant le texte de la liturgie latine, et enfin Brahms,
pas très assidu aux prédications protestantes, il recourt à un texte en
allemand pour une œuvre plutôt destinée au concert qu'aux offices… Quant à Fauré l'agnostique, il assemble à sa
manière les éléments les moins cataclysmiques possibles dans un ouvrage court
et chambriste baignant dans une musique de vitrail… Bizarrement, Bruckner, homme très pieux, composera un Requiem assez mineur, aussi sulpicien
qu'ennuyeux ! Hormis celui de Bruckner,
toutes ces "messes des morts" ont été commentées dans le blog (Index).
Les articles précédents montraient qu'Anton Dvořák ne fut pas un compositeur
reconnu immédiatement. Il n'aura pas le génie précoce d'un Mozart,
d'un Schubert ou d'un Mendelssohn.
Ses premiers quatuors d'une durée excessive dépassant l'heure ne sont guère passionnants.
Même constat pour les quatre premières
symphonies qui ne figureront à son catalogue qu'au milieu du XXème
siècle. István Kertész sera donc
l'un des pionniers de l'enregistrement intégrale de ces symphonies parfois
grandiloquentes hormis l'attachante 3ème d'esprit pastoral. La
maîtrise de la composition, un souci de concision et de clarté dans le
contrepoint n'apparaitront qu'en 1877, Dvořák
a 37 ans, qu'avec le Stabat Mater écrit après un
drame personnel très douloureux (Clic).
L'homme est sincèrement croyant mais écrira peu de
musique religieuse : ce Stabat Mater,
premier ouvrage d'importance, le Requiem
en 1891, une messe
en ré majeur (1887-1892)
et quelques autres pièces moins imposantes comme les chants
bibliques.
1890-1891, le
musicien connaît enfin la reconnaissance et le succès tant attendus. Dvořák est nommé Docteur Honoris Causa de
l'université de Prague et professeur au conservatoire. Enfin, on lui propose le
poste de directeur du conservatoire de New-York qui prendra effet en octobre 1892 jusqu'en 1895 et son salaire sera multiplié par 25 ! La fameuse période
américaine qui achèvera de construire la légende du grand maître, époque
associée au quatuor N°12 "Américain" et à la symphonie N°9 "du
Nouveau-Monde" (écrite dès son retour
en Bohème, sa chère terre natale).
1890, Dvořák vient d'achever sa 8ème
symphonie, l'un des trois chefs-d'œuvre qui concluront
son parcours pour le genre. Une symphonie pleine de joie festive, différente en
cela de la 7ème
symphonie de 1887 tout
aussi réussie mais plus sombre, deux œuvres qui sont créées à Londres en
février 1890. La cinquantaine : l'âge
où un créateur du XIXème siècle commence à faire le point sur sa vie,
voire à se poser des questions philosophiques sur son propre trépas. Enhardi
par ces succès et après avoir découvert les Requiem de Verdi et de Brahms,
Dvořák désire à son tour composer un œuvre
de même envergure, mais moins lyrique (au sens scénique) et expansive que celle
de son confrère italien. Par ailleurs, le comité d'organisation du festival
triennal de Birmingham souhaite de sa part une grande pièce chorale, festival
où, en 1885, sa longue cantate
profane La
fiancée du spectre avait connu un franc succès… C'est l'éditeur
de ladite cantate, Alfred Little,
qui lui suggéra l'idée d'un Requiem plutôt qu'un oratorio.
La première eut donc lieu à Birmingham le 9 octobre 1891 sous la direction du compositeur. L'accueil fut favorable avec des réserves de la part du critique George Bernard Shaw qui, de toute façon, détestait la musique chorale si chère aux anglais. Quelques coupures auraient pu être envisagées ? Oui pas faux, mais c'est Dvořák qui décidait, quand même !
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Mise au tombeau (Picasso) |
La discographie de ce Requiem fait moins le buzz que
celes de Verdi et de Brahms. Il suit le rituel Latin du premier mais en adoptant
à sa manière la rigueur spirituelle du second. On trouve de belles versions
régulièrement rééditées. J'ai choisi de vous faire écouter celle d'István Kertész ; la distribution est celle
en vigueur à l'époque romantique : quatre solistes, chœur mixte et orchestre :
Pilar Lorengar :
soprano espagnole ; Erszébet Komlóssy, alto hongroise
; Robert Ilosfavy, ténor hongrois et Tom Krause, baryton-basse finlandais. Si
les deux chanteurs hongrois sont peu connus, Pilar
Lorengar et Tom Krause sont
des grandes voix du siècle dernier, des complices notamment du chef hongrois (décidément)
Georg Solti. Le chœur britannique Ambrosian Singers et L'orchestre Symphonique de Londres sont
réunis pour cet enregistrement.
L'orchestration est classique à cette époque : 2
flûtes et 1 flûte piccolo, 2 hautbois et 1 cor anglais, 2 clarinettes, 2
bassons, 4 cors, 4 trompettes, 3 trombones, 1 tuba, timbales, tam-tam, cloches,
1 harpe, 1 orgue et le groupe des cordes. Nous sommes loin cependant de Berlioz avec ses quatre fanfares, ses huit
timbaliers et cymbales dans le Ttuba Mirum ; ah Hector ne reculait devant rien
pour les "trompettes du jugement dernier" 😁.
Je n'analyse pas dans le détail cette œuvre profondément
spirituelle. Tous ceux qui sont familiarisés avec les symphonies de Dvořák retrouveront cette habile fusion entre
les mélodies sensibles, presque intimistes, et celles plus âpres du robuste
bohémien. Le compositeur ne cherche guère les effets musicaux faciles mais
plutôt une opposition entre la dévotion secrète et l'extase. Il y a des
surprises. Comme le Dies Irae qui débute dans la colère, mais un tuba mirum
qui ne rugit pas la damnation éternelle et une reprise du dies irae en majesté, une
rupture de ton inhabituelle mais très originale. Les couleurs dans
l'orchestration sont plutôt sombres mais le discours jamais lugubre. Dvořák conclut par l'Agnus Dei en remplaçant le
"donnez-nous
la paix – Dona nobis pacem" par une citation sur le
repos éternel (dona
es requiem) qui évite une répétition plus triste qu'à l'accoutumée.
Dans la fin du Graduale,
seuls les hommes chantent avec un timbre sépulcrale et sur une thématique
vraiment slave ! Le recordare chanté par le quatuor seul est
porté par une mélodie aux accents bucoliques. Le sanctus est l'une des pièces
maîtresse de l'œuvre par la richesse du dialogue vocal, mais pourquoi un benedictus
finissant hurlé ?! Je n'aime pas du tout (- oui Sonia, Dvořák
se fiche de
mon opinion). Sérénité et sublime solo de flûte dans le Pie Jesu.
(Partition)
L'ouvrage comprend 13 séquences regroupées en deux
parties :
Partie I
Partie II
|
[10:43]
[15:51]
[18:00]
[26:42]
[32:37]
[39:36]
[43:50]
[50:02]
[1:01:16]
[1:12:32]
[1:18:25]
[1:23:39]
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Quatuor vocal et chœur
Soprano et chœur
chœur
Quatuor vocal sauf
soprano et chœur (Tam-tam + cloches)
Quatuor vocal et chœur
Quatuor vocal
chœur
Quatuor vocal et chœur
Quatuor vocal et chœur
Quatuor vocal et chœur
(clarinette basse)
Quatuor vocal et chœur
Quatuor vocal sauf baryton
et chœur
Quatuor vocal et chœur
|
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À l'opposé du Requiem de Verdi,
les interprétations concurrentes de celle d'István
Kertész ne sont pas légions. En 1959, le maestro tchèque mythique Karel
Ančerl (1908-1973)
réunit un plateau de rêve : Maria Stader,
Sieglinde Wagner, Ernst
Haefliger, Kim Borg.
Il conduit la philharmonie tchèque qu'il
dirigea 18 ans dans une interprétation granitique réputée, son goût pour la
transparence servant bien un ouvrage à l'orchestration disons… opulente. Hélas,
la prise de son Supraphon de 1959 gâche l'écoute, ce n'est pas un
scoop… Cette enregistrement a été réédité par de nombreux labels notamment DG
que l'on préconise pour la qualité du report (DG - 5/6). Il
existe un remake de 1964 avec des
chanteurs en vue comme Peter Schreier
(ténor) et Theo Adam (basse) ; mais
seule une publication MP3 est disponible.
Il existe d'autres disques qui restent anecdotiques
même avec des géants comme Wolfgang
Sawallisch là encore trahi par un son étriqué made in Supraphon.
Le renouveau nous vient comme souvent de Pologne et du
chef Antoni Wit qui ne fait pas que promouvoir
la musique moderne de son pays et au premier chef Krzysztof
Penderecki. Ce double disque de 2014 est une réussite totale, y compris la prise de son Naxos en progrès constant (Naxos – 5/6).
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