vendredi 28 février 2020

LA CHUTE DE L'EMPIRE AMERICAIN de Denys Arcand (2018) par Luc B. comme bifton



Denys Arcand est un scénariste-réalisateur québécois qui tourne depuis les années 60 (78 balais à ce jour) et parfois comédien, dont on connait peu l’œuvre en France, à part quelques métrages qui ont passé l’Atlantique. Chez nous on le découvre avec LE DECLIN DE L’EMPIRE AMERICAIN (1986) son titre le plus célèbre, formidable comédie de mœurs sur les affres sexuelles de ses contemporains. Autre titre connu, JESUS DE MONTREAL (1989) et en 2003, il donne une suite au DECLIN avec la même distribution : LES INVASIONS BARBARES. Je ne saurais trop vous conseiller ce dyptique, je défie quiconque de ne pas verser une larme à la dernière séquence. Ce film était aussi l’occasion de découvrir l’actrice Marie Josée Croze, d’un charme et d’une beauté… arfff…
Si le titre LA CHUTE DE L’EMPIRE AMERICAIN fait référence au premiers opus, pour des raisons marketing surement, l’intrigue n’a rien à voir. C’est à la fois une comédie, un film Noir, et une charge féroce du système capitaliste. Denys Arcand est un cinéaste politisé, à gauche toute, mais avant tout un humaniste, qui sous couvert d’intrigues romanesques met bien les pieds dans le plat. Dans LES INVASIONS, qui dénoncait entre autre le système de santé outre-Atlantique, il jouait un syndicaliste borné…
Le pitch est très simple : que feriez-vous si vous tombiez sur deux sacs remplis de billets dont la somme dépasse le million ?

C’est ce qui arrive à Pierre-Paul Daoust. Un trentenaire docteur en philosophie qui végète comme coursier, et le soir sert la soupe aux SDF. On le découvre dans un driving en train de rompre avec sa fiancée - employée de banque - avançant des arguments improbables sur les grands intellectuels de ce monde dont il charrie les dérives, genre, Jean Paul Sartre et ses idéaux qui allaient jusqu’à soutenir Pol Pot. Comment lui, Pierre-Paul, humaniste et le coeur à gauche peut-il vivre avec une banquière forcément capitaliste ?! Une scène d’ouverture jubilatoire, pour dire cette confusion des esprits, des pensées et des actes : le sujet du film. 
Notre exaspérant idéaliste tête à claques prompt à dénoncer les travers de la société capitaliste, va être mêlé par hasard à un hold-up sanglant. Deux cadavres au sol, un blessé, Jacmel, et des sacs de biftons qui ne demandent qu’à être récupérés. Mais pour en faire quoi ? Pierre-Paul Daoust s’y connait en associations caritatives, bénévole dans une sorte de Restau du Cœur, mais question flouze, que dalle. Il contacte donc un escroc, Sylvain Bigras, qui vient de sortir de huit ans de taule, profitant de ses années d’incarcération pour passer un diplôme d’analyste financier ! Le candidat idéal pour lui donner un coup de main.
Le film reprend les codes du film de gangsters. Le holp-up, les flics qui mènent l’enquête, le commanditaire du casse qui cherche à retrouver son fric, les bandes rivales, tout cela est rondement mené, réaliste à l’écran, on a droit à une scène de torture particulièrement atroce, parce que les mecs contre qui se cogne Pierre-Paul Daoust ne sont pas des enfants de cœur. Un autre personnage arrive, Camille, une call girl que Daoust a réservé sur Internet, l’hyper bandante Maripier Morin (obscure starlette tv de la belle province) qui se dit qu’avec ce pigeon soudainement friqué, y un truc à faire (excellente scène de la pipe avec l’arrivée des flics…).

Camille...arrffff, Camille...
Le film va couvrir trois aspects : 1) l’enquête des policiers qui subodorent que l’unique témoin du hold-up n’est pas franc du collier 2) les gangsters qui ratissent la ville à la recherche de Jacmel Rosalbert, le survivant du hold-up 3) la constitution d’une équipe de bras cassés pour faire fructifier le butin. Avec l’aide d’un avocat d’affaires, ancien client de Camille, va se monter un coup fumant...
J’adore ces films d’escroquerie auxquels je ne comprends pas tout, ces histoires de transactions financières, optimisations fiscales, comptes off-shore (fabuleuse séquence de l’avocat au téléphone qui construit une avalanche de transferts) mais racontées par Denys Arcand c’est un régal d’humour et de cynisme. Les dialogues aux petits oignons sont pleins de drôlerie, et débités avec l’accent québécois, c’est bonus ! Calice ! Tabernacle ! J’aime chez Denys Arcand son regard acéré sur cette société des nantis, des tricheurs, des cyniques, mais aussi son regard plein d’humanité sur les petites gens.
Car Pierre-Paul Daoust va s’adjoindre d’autres complices, une équipe de branquignols revanchards, filmée tout en générosité (jolie scène du sdf à qui il trouve un appartement), opposé à leurs "clients" petits bourgeois corrompus. Génial couple qui arrivent avec une valoche pleine d’argent sale pour repartir avec leur Samsonite de billets propres… je vous laisse découvrir le pourquoi du comment. Et cette dernière séquence où les flics se retrouvent à servir la soupe dans un dispensaire. On objectera tout de même le fait que le seul des escrocs à être arrêté, est … bah non j’vous dis pas !
LA CHUTE DE L’EMPIRE AMERICAIN est un divertissement rondement mené, très efficacement réalisé dans les scènes de comédie comme d’action, remarquablement écrit et scénarisé (plein de vrai-faux rebondissements), noir et léger à la fois, utopique, naïf, surement mais on s’en fout. Denys Arcand dénonce dans ses films les travers de cette société basée sur le profit, propose une alternative ancrée dans ce que l’humanité à de plus beau. Un monde de rêve ? Sans doute, mais j’aimerais beaucoup y vivre, surtout si y’a Camille dedans !
couleur  -  2h10  -  scope 1 :2.35    

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