mercredi 15 janvier 2020

IMPERIAL JADE "On The Rise" (2019), By Imperial Bruno



      Il semblerait qu'actuellement, si l'on souhaite se mettre entre les esgourdes quelque chose d'intéressant, il faille impérativement se tourner vers les labels indépendants. Des maisons qui ont pris pour habitude de laisser toute liberté aux artistes qu'elles signent. [ Quoi que rien n'est sûr, en l'occurrence, il n'est pas certain qu'elles apprécieraient si l'un de leurs poulains décidait d'enregistrer un grand disque de R'n'Bi moderne avec moult sons synthétiques. "Children of The Grave", "Dead Men Tell No Tales", "I'm Going Home", "Highway Star" ou "Whole Lotta Rosie" à la sauce dancefloor  ...]
   A titre d'exemple, depuis quelque temps, Listenable Records, une maison qui a fait sa réputation en tant que sanctuaire pour toute formations adepte de musique extrême, brutale et lourde (aux patronymes les plus macabres possibles), étoffe régulièrement son catalogue de groupes, la tête plongée dans les années 70. Ainsi, après Blood Of The SunPalace of The Kind, Jared James NicholsElectric MaryBlues Pills77My DynamiteScorpion Child et Rival Sons. Pour le coup, elle se présente comme un fer de lance de cette nouvelle vague, faisant preuve de discernement quant à la sélection des nouvelles recrues de ce département.

     On retrouve la même démarche chez le concurrent direct, et plus ancien, de Nottingham, Earache Records.

Parallèlement, le label s'inscrit comme un acteur de rééditions de disques des années 80 (dont Rose Tattoo, Manowar, Virgin Steel, Judas Priest, Mercyfal Fate, Deep Purple).
C'est l'occasion de saluer le travail d'un label français, dans un pays donc pas particulièrement ouvert, notamment en structure d'accueil, à ce genre de musique (malgré un nombre non négligeable de groupes et musiciens internes).

     Leur dernière signature dans un genre que l'on pourrait assimiler à celui de "revival", se nomme Imperial Jade (1). Très beau patronyme au demeurant. Mais, un quintet qui donne le bâton pour se faire battre, tant les premiers morceaux de la galette évoquent irrémédiablement l'imposant héritage de Led Zeppelin
- 🙏 De l'eau au moulin de St. Luc qui ne manquera pas de dire - à juste titre - : "... surtout sur le 2ème titre, effectivement très Led Zep. D'où ma question : ces jeunes groupes, aussi talentueux soient-ils, ont-ils autre chose à proposer que de la redite ? ..., chacun se les accapare, c'est la tradition, mais écouterons-nous un jour un truc qui sonne nouveau à nos oreilles ? A moins que Berry et Led Zep aient définitivement gravé les tables de la loi ? J'ai l’impression que oui, je dis tant mieux, et en même temps, dommage... " 


      Une boulette qui pourrait faire fuir l'auditeur dilettante qui croirait alors - à tort - avoir affaire à un nouvel ersatz du dirigeable. Alors que si effectivement, Imperial Jade est redevable au groupe de Jimmy Page, il est bien loin d'être un succédané (un pâle substitut). Indéniablement, il puise essentiellement sa source dans les années 70, mais sans se restreindre au Zeppelin. Loin de là. Et puis, rien n'empêcherait parfois de mentionner en lieu et place les Small Faces ou Humble Pie ... Toutefois, l'ordre des chansons favoriserait l'impression d'un énième besogneux obsédé par l'emblématique quatuor.


     Ainsi donc, si le premier titre, "You Ain't Seen Nothing Yet", avec son Funk lourd et cinglant passe le contrôle de la kommandantur, il en est tout autre des deux suivants : "Dance" qui revisite sans complexe "The Wanton Song" (sur "Physical Graffiti") et "Sad For Reason" qui trempe dans le "Led Zep III".

Cependant, ce serait aller un peu vite en besogne, ou plutôt en jugement. Si "Dance" devrait plaider coupable, même si le chant évoque plutôt Jay Buchanan, en ce qui concerne le fougueux et acoustique "Sad For Reason" ce serait plutôt Seasick Steve qui devrait montrer au créneau, la référence zeppelienne ne concernant finalement que l'intro et l'outro du morceau. 
Tandis que sur "The Call", seule la suite d'accords de l'introduction s'y rapporte vraiment, la suite étant plus complexe avec riff primaire façon Nazareth - allégé par le son d'une Stratocaster - et refrain évoquant le fantôme de Syd Barrett. Sinon, effectivement, les chenapans se fendent d'un provocateur break reprenant le riff de "Whole Lotta Love" dans une ambiance psychédélique pesante. 

     Le quintet s'est bien affiné depuis sa précédente et première production de 2015, "Please Welcome". Album plus rêche, "garage", plus fougueux, un poil plus agressif, "moins Zeppelien" aussi, mais dans l'ensemble moins inspiré. Cependant, l'ignorer serait une erreur (ne serait-ce que pour le magistral "Camel Ride" - longue pièce de huit minutes de sulfureux et plombé Heavy-rock progressif -).
   Dorénavant, c'est une explosion de couleurs typées 70's, avec une solide prédominance pour le Heavy-rock. Dont à l'occasion quelques touches de Rock-progressif, de Blues, et de psychédélisme tempéré. Avec une particularité - qui s'est perdue dans les années 80 -, celle de n'avoir nul besoin de recourir à des fréquences hérissées, voire stridentes, de "volume à 11", pour avoir la sensation de jouer "heavy". En effet, les deux bretteurs que sont Hugo Nubiola Marti (troublante ressemblance avec Uli Jon Roth) et Alex Pañero Moreno, ont pris le partie d'un son rond et mat, onctueux, plutôt qu'abrasif. Même les sons typés Fender suivent cette directive, et en conséquence délaissent le micro chevalet (du moins, c'est l'impression qu'ils laissent).

    Avec "Glory Train", il s'inscrit dans cette frange de groupes de Hard-blues crus et francs du collier, préfigurant AC/DC, mais avec une réminiscence pop qu'ils ne parviennent pas à vraiment endiguer. Idiosyncrasie inhérente aux musiciens dont l'apprentissage a baigné dans les sixties. 

"Heatwave", bien que relativement puissant et enlevé, et même si on peut le décrire comme une danse échevelée entre Rival Sons et Ram Jam, fait aussi partie du lot.
Le morceau "Keep Me Singing", lui, semble être carrément un rescapé des années 60 ; ou bien, dans un certain sens, du Uriah Heep ère John Lawton.

   "Struck By Lightning" - à l'origine ultime titre de l'album - brouille les pistes. Alors que le morceau semble s'extirper d'un profond sommeil, bousculé par une slide épaisse et fuzzy, après l'intervention d'une basse funky, un Hammond (ou assimilé - tenu par Hugo Nubiola Marti -) se mêle à la fête, amenant tout son petit monde dans le camp du Deep-Purple Mark III (voire IV) (2). Cependant, là encore, l'ombre de Rival Sons transparaît. Et ce, dès le riff d'introduction.

   Le pinacle de l'album pourrait se manifester à travers "Lullaby in Blue". (Aucun rapport avec la chanson écrite pour Bette Midler) Un superbe et sobre slow-blues aux nuances jazzy, finissant dans une longue explosion de Hard-gospel exsangue et meurtri. 


     Bien que les dix titres d'origine suffisent largement pour qualifier cet album de l'un des meilleurs du genre de l'année, Listenable Records a pris le parti d'offrir deux bonus. Une fois n'est pas coutume, mais dans ce cas là, non seulement ça rehausse l'album mais ces deux nouvelles pièces de choix élargissent son horizon. 

En effet, "Hand Of The Puppeteer" mélange avec maestria les genres. Sur un riff franchement typé Mick Ralph, de sa voix Arnau Ventura tisse une ballade façon Elton John qui va progressivement prendre des inflexions à la Beatles (entre l'album blanc et "Abbey Road"). 
Et "Believe" conclut l'affaire dans une ambiance cafardeuse et planante, quelquefois auréolée d'un écho "space rock", cher au Pink Floyd d'antan. Le registre manifestement assez étendu de Ventura évoquant à ce moment là un David Gilmour mélancolique. Alors que la dernière partie s'ouvre sur un espace de Heavy-blues-progressif, du Wishbone Ash teinté d'harmonica et de british-blues.

      Alors, finalement, les attributs propres au dirigeable restent minoritaires. Même si, de temps à autre, quelques inflexions de voix pourraient rappeler Robert Plant, ou tonalité d'une guitare, Jimmy Page. Toutefois, on pourrait tout aussi bien évoquer Steve Marriott. Ou, dans l'ensemble Bad Company et Rival Sons. Mais quoi qu'il en soit, avec "On The Rise", Imperial Jade semble se construire une personnalité propre et assez solide pour faire de l'ombre aux tenants de ce que certains nomment un revivalisme 70's. Mais cette musique Rock millésimée s'est-elle jamais vraiment tue ?

     Imperial Jade possède les qualités nécessaire pour se présenter comme la nouvelle sensation en matière de Hard-rock d'obédience 70's. Toutefois, il faut espérer que son pays d'origine, l'Espagne, ne sera pas un frein à la carrière de ces Barcelonais.
  1. You Ain't Seen Nothing Yet    -   3:55
  2. Dance     -     3:10
  3. Sad For No Reason     -     4:08
  4. The Call     -     4:48
  5. Glory Train     -     4:43
  6. Lullaby In Blue     -     5:50
  7. Keep Me Singing     -     3:38
  8. Heatwave     -     4:15
  9. Rough Seas    -    3:57
  10. Struck By Lightning     -     3:57
  11. Hand Of The Puppeteer   (bonus)
  12. Believe   (bonus)


(1) En fait, il s'agit plutôt d'une récupération puisque l'album est sorti en 2018 sous bandcamp, puis sons le petit label italien Epitronic.
(2) Sur leur disque précédent, "Fire Burning Sound" sonne vraiment comme la fusion du Deep-Purple mark II avec celui du Mark III (à l'exception du solo de guitare).


🎶♩♕♚

2 commentaires:

  1. Bon j'arrive après la bagarre, mais c'est épatant comme groupe.
    Je vais fouiller pour en écouter davantage et surement commander l'album.
    C'est frais, c'est pêchu, c'est revigorant.
    Merci pour le partage.

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    1. Le premier vaut aussi le déplacement, même si le quintet ne se montre pas aussi affûté que sur ce "On The Rise".

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