vendredi 6 décembre 2019

MAD MAX de George Miller (1979) par Luc B.


Le premier souvenir que j’ai de MAD MAX c’est que je ne l’ai pas vu. Précédé d’une réputation sulfureuse d’ultra violence, comme ORANGE MECANIQUE en son temps, le film était sorti avec une interdiction aux moins de 18 ans - ce qui était mon cas. George Miller a dû faire quelques coupes pour éviter le classement X, signifiant une sortie limitée aux salles spécialisées et taxes supplémentaires, autrement dit, une mise au rancart. MAX c’était un mythe, comme le MIDNIGHT EXPRESS (1978) d’Alan Parker. Le truc à voir. Mais si on se souvient des images qu’ils nous en restent, elles proviennent davantage du second opus de la saga, qui en bétonne l’imagerie, avec ces monstres mécaniques hurlant en plein désert. Comme les scènes cultes de ROCKY qui viennent en réalité de ROCKY II.
Le premier MAD MAX tient presque de la série B, petit budget à l’arrache, trois acteurs, une route et quelques bolides bodybuildés, et du fourre-tout. George Miller mélange dans sa marmite chauffée à blanc road movie, polar, fable d’anticipation (pénurie de carburant suite au choc pétrolier), horreur, film de vengeance, et western. Surtout western. Car la ville qu’on voit à l’écran tient davantage du décor western classique, dans laquelle déboule une horde de motards, dont les trognes n’auraient pas déparé chez Corbucci ou Leone. Et quand les cowboys débarquent foutre le souk à coup de « Yep yep » en tirant en l’air, les motards eux, font rugir les moteurs et crisser la gomme.   
Séquence d’ouverture qui pose le contexte : un pays (lequel ?) une époque (laquelle ?) en plein chaos, des bandes de fous furieux qui sillonnent la région, semant la désolation, face à quelques flics qui tentent de combattre cette anarchie. Le décor : lignes droites bitumées, horizon infini, caméra au ras du macadam. Le film se divise en trois parties. Une première en mode western moderne, avec intervention de la police routière pour choper le criminel Montazano. Le flic Max Rockatansky, au volant de son « Interceptor » mettra un terme à la cavale du gars. On songe à John Wayne cavalant deux fusils aux pognes dans CENT DOLLARS POUR UN SHERIF (Henry Hathaway, 1969). Scène d’anthologie : les bolides lancés à toute allure sur une route, avec le p’tit gamin qui traverse…  
Mais aussitôt les soucis resurgissent avec les Aigles de la Route, horde de psychopathes dirigée par Toecutter, qui pille, tue, et viole tout ce qui passe à leur portée. L’agression du couple en voiture, dont la bagnole sera littéralement désossée à coup de barre à mine, se pose là. Un des agresseurs trop shooté pour s’enfuir se fait coincer, mais sera libéré faute de plainte. On relèvera la tronche de l’avocat, costard et gomina, la raie à gauche, bien tête à claques, hum... un peu trop facile ? Mais c'est efficacement réalisé, le montage est sec, faut juste être sensible aux charmes d’un V8 rutilant, sinon on s'emmerde un peu. Les Aigles poussent des hurlements pénibles comme les Droogs de Kubrick, on remarquera que l’un d’eux porte les lunettes rouges en forme de cœur de la petite Lolita
Max Rockatansky songe à démissionner mais son chef l’envoie plutôt prendre des vacances : deuxième partie. Ou George Miller change de genre. Max et sa famille recherchent d’un havre de paix, promenades bucoliques et siestes en plein air. Un petit sursis. Car Miller va filmer la suite en reprenant très habilement les codes du film d’épouvante, s’autorisant même ce plan de la main arrachée… Avec la tentative d’agression de Toecutter sur Jessie Rockatansky, Miller nous prévient : les Aigles sont toujours là, la menace pèse encore. Il y a donc un réel suspens, entretenu par ces plans de Jessie Rockatansky seule dans les bois (quiconque a vu les films de Wes Craven ou John Carpenter sait que ce n’est pas prudent… et George Miller les a vus, c’est certain) qui s’allonge sur une plage isolée, s’y endort bercée par la brise, la bande son juste constituée de bruits de nature et d’oiseaux. Première alerte : son cleps renifle un truc et disparait dans les rochers…
Plan d’ensemble au-dessus de la crique, petit coin de paradis, quand apparaissent en amorce les roues de la moto de Toecutter. Comme les indiens qui se tiennent au sommet d’un défilé avant de charger sur la diligence. Tout ce qui suit n’est que tension et nervosité. Parce que George Miller nous a montré dans la première partie de quoi étaient capables les Aigles en terme de violence, on est franchement inquiet pour la pauvre Jessie et son gosse. Et on ne donne pas cher de la petite vieille armée d’un fusil qui tente de s’interposer. La scène qui déclencha la polémique, dont on croit se souvenir, n'existe pas ! Elle est hors champ. Juste une petite chaussure d’enfant qui roule sur le bitume. Mais tout est dit. Et quand Max arrivera sur les lieux, Miller le filme de très loin, petit personnage paumé dans l’immensité.
Troisième partie. Où Max revêt sa panoplie qui le rendra célèbre, cuir noir, fusil à canons sciés, regard mauvais au volant de sa Pursuit Spécial V8, aussi célèbre que la Gran Torino Tomato de David Starsky, ou la Dodge Challenger de Kowalski (dans le film POINT LIMIT ZERO de Richard C. Sarafian, 1971, film référence pour Miller a n’en pas douter, et pendant que j’y suis, le personnage d’Eastwood dans GRAN TORINO s’appelait aussi Kowalski, pas un hasard, l’info est gratos, même si ça rallonge la parenthèse).  
Question mise en scène, Miller se fait plaisir. Et nous aussi. Est-ce volontaire, mais on pense furieusement à LA MORT AUX TROUSSES (la fameuse scène du champ et de l’avion) dans l’agencement des plans, comme on repense à DUEL de Spielberg. On notera tout de même quelques beaux faux raccords, ciel tantôt d’un bleu profond ou chargé de nuages menaçants, selon les plans intérieurs / extérieurs de la voiture. Pour rappel, le tournage fut de courte durée (6 semaines), Miller et la première équipe filmant les plans avec les acteurs, puis partant en post-prod, avant de diriger la seconde équipe pour les cascades. Comment raccorder des plans tournés à six moins d’intervalle ! Le montage a pris aussi du temps, le tournage a lieu en 1977, pour une sortie deux ans plus tard.  
Mais ça valait le coup d’attendre, surtout pour George Miller, qui signe un premier film aux bénéfices records, le film le plus rentable du cinéma, détrôné en 1999 par le stupide BLAIR WITCH. Il reste à jamais le papa de Max, qui lui donne une rente à vie, car sa filmographie est tout de même légère. LES SORCIERES D’EASTWICK (1987) est tout juste regardable grâce à un Nicholson en roue libre (donc génial) et on se pince d’apprendre qu’il est aussi le papa de BABE LE PETIT COCHON, dont il réalisera le n°2. A part ça…  Coup de poker aussi pour l’acteur alors inconnu Mel Gibson, que j’aime personnellement beaucoup malgré ses dérives mystiques nauséabondes, faut dire que trouver Dieu au fond d’une bouteille de whisky n’aide pas.
La bonne idée de Miller est d’avoir recasé son personnage dans un univers différent et encore plus apocalyptique, MAD MAX LE DEFI (1981), que je ne suis pas loin de préférer au premier, parce qu’il y crée réellement la légende MAD MAX. La suite n’est que resucée, le n°3 avec Tina Turner lorgnant vers la fable FM grand public, le dernier FURY ROAD, solidement réalisé, mais étant un mix habile et sans surprise des précédents (et sans Mel). Reste à savoir pourquoi George Miller n’a pas su ou voulu se renouveler, il fait presque figure d’artisan, inscrit au panthéon du cinoche juste pour avoir fait mumuse avec ses bolides. C’est peu.
Je souhaite à tous les metteurs en scène en herbe de réussir ce joli coup, ce premier MAD MAX sans le sou, qui impose une forme, un univers, dont beaucoup vont s’inspirer.


couleur – 1h30 – format scope 2 :1.39

   

6 commentaires:

  1. Voui film culte qui a mis une bonne baffe à sa sortie. Je l'ai revu il y a peu. Ça a bien vieilli.
    Par contre la musique n'est pas de l'emperruqué de Queen mais de son homonyme australien qui est compositeur de musique de films (né en 1934 et décédé en 1997). Il avait aussi composé celle du N°2.

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  2. Pan sur le bec, comme on dit au Canard ! Erreur corrigée, merci !

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  3. RRhhhaaa !!! Mais où est donc passé l'affiche originale ? Celle avec l'Interceptor qui déborde sur le cadre de l'affiche.

    La première sortie du film en France portait la restriction des "moins de 16 ans", mais avait dû passer par une censure qui travaillait alors comme un apprenti-boucher un lendemain de cuite. Les coupes ne s'embarrassaient nullement des dialogues qui étaient parfois soudainement interrompus. Une habitude à l'époque qui trahie un irrespect total du public. Toutefois, cela n'empêcha nullement la violente claque que l'on s'était tous pris. Il y a eu un "avant" et un "après" Mad Max".

    L'ampleur du succès probablement inattendu, incita les distributeurs à ressortir le film "sans coupes".

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  4. Quant à la musique, on a tous longtemps cru qu'il s'agissait bien du guitariste de Queen. Déjà, il était surprenant de découvrir que l'Australie, en plus d'une scène musicale forte et qualitative, réalisait des films de cet acabit. Il y avait même des acteurs du cru :-) M'enfin.
    Même si, à l'époque, Mel Gibson avait parfois été critiqué. Notamment sa gueule de minet, pas vraiment raccord avec le personnage (d'après certains).

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  5. C'est difficile de trouver les affiches originales en bonne qualité photo, d'autant qu'à chaque pays son affiche, généralement. Je les mets autant que je peux, mais là...

    Bah oui, un Brian May australien... qui l'eût cru ! Faudrait demander à Claude si y'a pas un Ritchie Blackmore compositeur hongrois ?!!

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  6. Je viens de revoir tous les films Mad Max durant cette période de quarantaine, si vous voulez aussi les revoir, voici le site ou j'ai pu les trouve en streaming enstreaming.club.

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