lundi 23 décembre 2019

LE ROI DISAIT QUE J’ÉTAIS DIABLE de Clara Dupont-Monod (2014) - par Nema M.




-   Nouvelle chronique Nema ?
-   Oui, un roman très particulier qui retrace de façon imaginaire les premières années de jeune femme d’Aliénor d’Aquitaine.
-   Aliénor ? C’est pas plutôt Éléonore d’Aquitaine ?
-  Tout dépend si on prend le prénom à la française ou à l’anglaise, car elle sera reine d’Angleterre en épousant Henri II Plantagenet après avoir été reine de France…
-   Wouahou ! Eléonore, c’en est une qui ne perd pas le Nord ! Sacrée carrière !
-  Ma pauvre Sonia… Prenez un bloc et un crayon pour dessiner un arbre généalogique, une idée du vieux Toon…

Déjà l’histoire des Rois de France, n’est pas simple à retenir, mais si en plus on veut l’histoire de leurs épouses…
Alors là, nous avons Guillaume IX, dit le Troubadour à partir XIXème siècle, qui est le père de beaucoup d’enfants, dont Guillaume X de Poitiers, duc d’Aquitaine, Raymond 1er de Guyenne, prince d’Antioche et Henri, abbé de Cluny. Sacrée famille. Le père de notre héroïne Aliénor d’Aquitaine (née vers 1122, morte en 1204) est Guillaume X. Aliénor a une sœur, Pétronille (n’est-ce pas charmant comme prénom ?) et un frère Guillaume (mais lui il ne compte pas dans l’histoire, car il meurt enfant). Au cours de la tranche de vie d’Aliénor qui est l’objet de ce roman, elle aura écouté des troubadours, eu de grandes conversations avec son oncle Raymond et se sera posé quelques questions autour de la religion. D’où l’intérêt de bien comprendre qui est sa famille… Accessoirement ensuite, après cette première phase de vie de femme avec Louis VII, elle va épouser Henri II Plantagenet, parce que son mari, Louis VII l’aura répudiée. Fatale erreur ! Pour la France, pas pour elle.

Et alors concernant le mari d’Aliénor, Louis VII (né en 1120, mort en 1180), fils de Louis VI et d’Adélaïde de Savoie, il devient roi parce que son frère aîné Philippe a la malchance de mourir d’une chute de cheval, sa monture ayant été effrayée par un cochon qui vagabondait. A quoi tient la destinée d’un pays tout entier… Le pauvre Louis VII, surnommé le pieux, aurait sans doute voulu se consacrer à la religion…  
Maintenant que vous y voyez plus clair, enfin j'espère, entrons dans le roman. A deux voix, celle d’Aliénor (entendez son accent du Sud…) et celle de Louis, l’homme du Nord plutôt introverti. Tout le récit est comme un dialogue mais intérieur, chacun pensant de son côté mais ne disant pas ce qu’il pense vraiment ni ce qu’il ressent ou attend de l’autre. C’est sûr, une relation de couple comme ça, cela ne peut pas durer éternellement.

La toute jeune Aliénor est donc mariée à Louis VII.  Imaginez une petite jeune fille d’environ 13 ans mais pleine d’énergie et bien décidée à tenir son rôle de cheffe (comme on dit maintenant) de l’Aquitaine, du Poitou etc. Un domaine des Pyrénées à la Loire. Gigantesque. Des yeux gris comme une armure. Un goût qui va se révéler de plus en plus au fil des pages pour le combat, les conquêtes mais aussi les fêtes.   Elle est déçue quand elle voit Louis pour la première fois. Roi certes, mais finalement quel est son vrai domaine ? Quelques pauvres terres entre Paris, Soissons et Bourges ? Elle est déçue par ce mariage imposé.
Louis VII tombe sous le charme. Belle, rebelle, inaccessible, indomptable ? Son sens du devoir, son respect de la religion (il écoute l’abbé Suger son conseiller, qui finira par s’intéresser plus à la construction de la basilique de Saint Denis qu’à son roi), sa nature assez discrète semble-t-il n’aide pas au rapprochement entre les deux conjoints.

Plusieurs temps forts pendant leur vie commune :
L’arrivée de Louis et de son armée à Poitiers pour calmer un soulèvement local, redonne un temps l’espoir à Aliénor d’avoir un roi combattant. Pour Louis, c’est plutôt le début d’une dégringolade : il renie tout ce qu’il respectait, se détourne de son peuple qui souffre, et se laisse guider par cette épouse violente et fantasque qui n’en fait qu’à sa tête. Elle lui imposera un temps très sanglant : la triste histoire de la bataille de Vitry-en-Perthois (dans la Marne), suite à une sale querelle avec Thibaut de Champagne. Tout cela à cause de Pétronille qui veut épouser Raoul de Vermandois qui était déjà marié à la nièce de Thibaut de Champagne, mariage qu’Aliénor va faire défaire pour consanguinité, ce qui ne plait pas à la famille de Champagne… Vous suivez ? 1143, un massacre terrible dans cette ville. Une  partie de la population brûlée vive dans une église. Horrible pour Louis VII.

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Louis VII et Conrad III lors de la 2ème croisade
Il faut se racheter. Quoi de mieux qu’une croisade ? Il y en a déjà eu une. Avec les templiers, Jérusalem a été reprise aux mécréants, mais le climat local reste très tendu. Louis envisage de partir pour Jérusalem en pèlerinage. Aliénor saute sur l’occasion pour accompagner son mari. Diable ! La diablesse (au corps voluptueux…) prépare ses bagages et sa suite : tout un convoi pour aller voir les richesses exotiques du Moyen Orient. Difficile pour le roi de refuser, mais ce n’est pas une bonne idée. Le voyage est semé d’embuches. A Antioche, les relations entre l’oncle Raymond, prince de la citadelle, et Aliénor sont pour Louis, qui est devenu jaloux des troubadours et pratiquement de tous les hommes qui approchent sa femme, troubles et malsaines. Au lieu de suivre les conseils de celui qui connaît bien la région, à savoir Raymond, Louis VII décide d’aller à Jérusalem puis de marcher sur Damas. Pourquoi Damas ?  Le tout fera de cette deuxième croisade une catastrophe humaine, financière et diplomatique.
Retour en France peu glorieux. Les relations sont de plus en plus tendues. Finalement comme le couple n’a eu que deux filles et pas d’héritier mâle, et qu’il existe un vague lien de parenté entre eux (je vous laisse rechercher), Louis VII va réussir à faire annuler ce mariage désastreux. Fin de partie.

Clara Dupont-Monod est une femme écrivain et journaliste. Ses études en ancien français l’ont sans doute attirée vers le moyen-Âge… Agréable à lire, vous serez balancé entre la vision d’Aliénor et celle de Louis. Qui aurait dû ou aurait pu faire un pas vers l’autre et éviter le naufrage de ce mariage qui conduira à une période des plus tourmentées pour La France ?
Bonne lecture !
PS : pour compléter cette vision romancée, je vous laisse regarder une vision « complètement barrée*» des aventures d’Aliénor et de Louis VII :
* Un peu dans le style kaamelott pour ceux qui connaissent cette relecture déjantée des légendes arthuriennes.
Grasset
237 pages



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