Paul Frankeur (assis) Lino Ventura, Robert d'Alban, Serge Reggiani, Paul Meurisse,
Daniel Ivernel, Danielle Darrieux, Bernard Blier, Paul
Guers, Noël Roquevert.
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Scénario classique, sans doute, mais réunion de 11
acteurs qui ont marqué le cinéma français des années 30-70. Des monstres sacrés,
en tant que premier rôle lors de leurs carrières, ou des trognes incontournables
dans les seconds rôles de centaines de films. Marie-Octobre est un drame
terrible. Comme la scène de tartinage et de beuverie dans les Tontons
flingueurs, il est impossible d'imaginer un remake de Marie-Octobre réunissant des comédiens
d'un charisme si affirmé qu'ils hissent le film bien au-delà d'un simple suspens
sur fond de règlement de compte… D'ailleurs trois des acteurs sont présents
dans les deux films : soit cernés dans l'immense salon dont on ne s'échappe pas,
soit attablés dans la cuisine à siroter le "vitriol" qui rendait la "clientèle
aveugle" (Ventura,
Dalban,
Blier).
Autre motif pour inscrire un film au patrimoine
filmographique : le metteur en scène, ici Julien Duvivier. Sans doute un
peu oublié de la jeune génération. Duvivier (1896-1967). Bien entendu la Nouvelle
Vague le méprisera tout en alignant bon nombre de ses navets modernistes en
réaction à l'académisme théâtrale des "anciens" ; pas complètement
injustifié, mais il y a des manières plus élégantes que d'éreinter…
Quelques titres de Duvivier : La bandera, Pépé le Moko, Voici le temps
des assassins, etc. (trois films avec Jean Gabin, et sans oublier Louis Jouvet
dans le bouleversant mélodrame La fin du jour, vision mortifère d'une maison de
retraite pour vieux artistes fantasmant sur leur gloire oubliée).
De nos jours, les noms des réalisateurs, hormis des
pointures, Tarentino,
Eastwood,
Ozon,
Tavernier,
d'autres, se font discrets sur les affiches à mon avis, ce n'était pas le cas à
l'époque. Même si Marie-Octobre n'est pas hors norme comme Citizen Kane
ou 2001,
la réunion Duvivier
et son casting
d'enfer perpétuent le mythe…
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Julien Duviver |
Direction l'immense salon lambrissé pour déguster
ledit café et les alcools. Profitons-en pour faire les présentations de cette transhumance
fraternelle :
Julien Simoneau (Bernard Blier) : avocat
pénaliste qui a rejoint la résistance après s'être fourvoyé chez Maurras et de Brinon, piliers de l'extrême droite et du régime de Vichy à ses
débuts…
Carlo Bernardi (Lino Ventura) : patron d'une
boîte de strip-tease, ancien catcheur, un colosse sauvé de la délinquance par Castille… (Gangster psychopathe dans Touchez pas au Grizzby de Jacques Becker,
il abat Paul
Frankeur,
gangster bon-enfant ; quand je dis que l'on rencontre ces acteurs partout, six
films en 1959 pour Paul Frankeur).
Étienne Vandamme (Noël Roquevert) : contrôleur des
contributions psychorigide et radin, brocardé par ses anciens camarades.
Léon Blanchet (Robert Dalban) : serrurier-plombier, absent lors de l'attaque par la Gestapo.
Antoine Rougier (Serge Reggiani)
: imprimeur propriétaire de sa société après avoir connu les vaches maigres.
Yves Le Gueven (Paul Guers)
: prêtre, mais grand coureur de jupons pendant la Guerre.
Robert Thibaud (Daniel Ivernel)
: médecin-accoucheur après une vie d'étudiant désargenté.
Quinze ans ont passé, on se tape dans le dos, on
égrène la bonne époque, les risques, la survie… Mais pourquoi tant d'années
d'attente pour se revoir ?
Victorine, un gigot et Lucien l'épicurien |
Pour
plomber l'ambiance des retrouvailles, bravo !
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La suite ? Vous la devinez, qui et pourquoi ? La jalousie, les béguins conflictuels pour Marie-Octobre, la lâcheté, une taupe infiltrée, le pognon ? 3 millions envoyés par Londres ont été volés la veille du drame, seul Castille connaissait l'indélicat et devait le confondre le soir fatidique. 3 millions ce n'est pas rien : c'est au choix : un night-club, une maison de couture, une imprimerie, un cabinet médical, etc. Tour à tour chacun sera accusateur et suspecte. Le traître démasqué devra se suicider ! Le mystère s'enlise et le suspens s'épaissit grâce aux dialogues piquants à l'humour corrosif d'Henri Jeanson. Lucien Marinval se fout du passé et s'acharne à regarder un match de catch sur une TV. (C'est bien le moment.) Le réalisme est intense grâce au groupe de comédiens d'exception, d'autant que Julien Duvivier n'avait pas remis la fin du script aux comédiens qui ne savaient donc pas eux-mêmes s'ils seraient le salaud désigné. Astuce, même Victorine trop pipelette et confidente de François pourrait en avoir trop dit au village…
Duvivier alterne plans larges du salon dont on ne peut s'échapper, plans rapprochés pour scruter les visages accusateurs ou angoissés. Peu de mouvements de caméra, des contreplongées. Du grand art. Le film se résume à un unique plan séquence de 1H30.
J'ai revu ce film grâce à une copie restaurée, un NB
et des éclairages magnifiques. Moins étouffant que l'incomparable Douze hommes en colère de Sidney Lumet
en 1957 (combat de titans entre Henri Fonda et Lee J. Cobb arbitré par dix acteurs US
moins connus), un affrontement sans merci auquel on compare parfois le synopsis de Marie-Octobre, il faut découvrir ou savourer de nouveau la maîtrise du réalisateur, du dialoguiste et des acteurs légendaires.
Durée : 95 minutes
Format : Noir et blanc - 35 mm - 1,37:1 - Mono
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