L’idée
au cœur du film est assez séduisante : une société dirigée par Antoine
(Guillaume Canet) permet à ses clients de revivre une époque qu’ils n’ont pas
connue, le temps d’une journée. Grâce à des reconstitutions de décors, des
comédiens, une équipe en régie et beaucoup de documentations, on peut boire
un coup avec Faulkner ou Hemingway, être présent dans le QG d’Hitler, dîner avec
Marie Antoinette. La séquence pré-générique, une tablée de bourgeois pervers et
racistes qui se lâchent dans le politiquement pas très correct est saisissante, mais ne reflète pas la suite (hélas ?) plus consensuelle.
Victor
(Daniel Auteuil), dessinateur de BD récemment licencié par son journal et dont
le mariage avec Marianne bat de l’aile depuis pas mal d’années, reçoit en
cadeau de la part de son fils une invitation à participer à une de ces soirées.
Victor choisit de revivre une journée de 1974, au café « La belle Époque » où il a croisé pour la première fois celle qui deviendra sa femme,
Marianne (Fanny Ardant). Tout est reconstitué au millimètre près, décors,
accessoires, garde-robe, figurants, même les dialogues, que les comédiens
récitent aidés d’une oreillette reliée à la régie.
L’actrice
qui doit jouer le rôle de Marianne, 40 ans plus jeune, s’appelle Margot (Doria
Tillier). Le problème est qu’elle est aussi la petite amie d’Antoine, du genre
jaloux, et que Victor, troublé de revivre cette rencontre, commence à avoir des
sentiments pour elle.
C’est
un film qui joue à fond la carte de la nostalgie. Victor ne se retrouve plus
dans cette époque 2.0, ces bagnoles qui parlent « - tournez à droite dans
50 mètres – merci, je sais où j’habite, connasse ! », la presse numérique,
ces gens scotchés à leurs portables. Comme il le dit à sa femme lors d’une énième
dispute : « j’ai trouvé un truc formidable, ça s’appelle un livre, tu
tournes les pages, et hop, tu as la suite de l’histoire ! ». Nicolas
Bedos en fait sans doute un peu trop avec ce vieux misanthrope grincheux, il
faut dire qu’il a été viré de son journal où il dessinait par son patron et ami
et amant de sa femme !
La
reconstitution à « La belle époque » est aussi savoureuse, avec les
répliques oubliées, approximatives, et cette idée des deux couples :
Victor-Margot pour de faux, et Antoine-Margot, pour de vrai. Car Antoine en
régie écoute et surveille tout, règle ses comptes avec Margot par l’intermédiaire
de l’oreillette, alors qu’elle est en pleine représentation. Un côté vaudeville
par régie interposée. On va croiser aussi Pierre (Pierre Arditi) autre client
venu pour revivre sa dernière journée avec son père, et qui s’incruste dans l’histoire
de Victor.
Faut
suivre… car cette mise en abyme, si elle est ingénieuse et amusante, n’est pas
toujours très claire, on ne sait plus qui joue à quoi, qui est vrai, qui est
factice, ainsi retrouve-t-on Pierre Arditi dans le rôle d’un concierge d’hôtel,
et comme son personnage s’appelle justement Pierre, on peut se dire qu’Arditi
joue son propre rôle ! Il y a du Bertrand Blier là-dessous, on pense aussi
à CA TOURNE A MANHATTAN de Tom DiCillo, ou OPENING NIGHT de Cassavetes.
Le
film accuse tout de même une baisse de régime au milieu. Une fois le processus
de reconstitution engagé, on a pigé l’idée, mais Nicolas Bedos fait trainer en
longueur avant de faire basculer son film. On se doute très tôt que Victor est
attiré par l’actrice Margot, ce que ne supporte pas Antoine, irascible,
contraint d’imaginer de nouveaux tours de passe-passe pour
y remédier.
Le
film joue sur deux périodes, en 1974 on est en studio, avec un type d’image, des
lumières chaudes, en 2019 la dominante est plus froide, géométrique. Victor fait des allers retours entre
les deux époques, ce qui nous vaut des scènes de comédies avec Marianne et son
amant (Denis Podalydès). Bedos soigne les nombreux seconds rôles, les dialogues
sont souvent inspirés, drôles, Bedos est habile. Il se fait plaisir avec
une mise en scène très soignée, filme avec un plaisir évident son ancienne
compagne Doria Tillier, une admiration évidente Fanny Ardant, qui est
formidable. Guillaume Canet est odieux, Arditi très
attachant.
On
aurait aimé un film mieux rythmé, la séquence très caricaturale avec les
hippies se trainent un peu, Doria Tillier est très belle, on sait, on le voit, inutile de
la filmer danser sous toutes les coutures, mais l’idée de la fin est très
belle. Comme dans le dernier Tarantino, Nicolas Bedos fantasme et reconstitue
une époque qu’il n’a pas connue (il est né en 79) sans être dupe pour autant, quand il fait dire
à Fanny Ardant : « les années 70, y’avait pas l’avortement et on
vivait dans un cendrier ». Une comédie qui se donne les moyens de son
ambition, très agréable à suivre, saupoudrée de bonnes répliques, et une jolie
troupe de comédiens.
couleur - 1h55 - format scope
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire