- Une
symphonie et un trio les deux semaines passées M'sieur Claude… Bruckner et
Brahms. Là, c'est la compilation : un concerto pour trio ? Hihihi…
- Bien senti
Sonia ! Il y a de cela dans cette œuvre assez unique en son genre, pas un grand
chef-d'œuvre de Beethoven, mais un concerto populaire…
- Ce n'est
pas trop foutraque cette joute entre trois artistes et un orchestre ?
- Non, sous
réserve que les instrumentistes ne tirent pas chacun la couverture vers eux…
- Eh bien :
Oïstrakh, Rostropovitch, Richter, Karajan, ça s'appelle mettre les petits plats
dans les grands… fichtre !
- Oui en
effet, quatre des plus grands instrumentistes de l'époque… Un point d'orgue
d'une collaboration entre le maestro et chaque soliste ou entre solistes aussi…
Joseph Franz von Lobkowitz |
On pense parfois à tort, et le tort tue, que ce
concerto à trois solistes est l'unique du genre… Que nenni ! II en existe une
trentaine mais parmi les compositeurs de premiers plans, oui, seul Ludwig van a abordé le genre. Dans les
compositeurs présents dans l'index, on ne trouve qu'Alfredo
Casella (pas non plus un second couteau inconnu) à lui avoir
emboîté le pas, c'est tout dire…
Le concerto
est dédié au mécène Joseph Franz von
Lobkowitz, prince de Bohème, qui fut un soutien de taille à Beethoven.
Handicapé des hanches, marchant avec des cannes, Lobkowitz jouait brillamment du violon et dépensait sans compter
pour financer la vie musicale du temps ; notamment en faisant construire une
belle salle de concert dans son palais où fut vraisemblablement joué ce
concerto. Il n'est en rien un noble passéiste et conservateur, au contraire il
se révèlera un fan du romantisme. Côté dédicace, quels honneurs plutôt que des
médailles clinquantes gagnées sur les champs de bataille napoléonienne à dix
lieux des combats : la symphonie
"héroïque", les symphonies 5 et 6
"Pastorale", les six quatuors de l'opus 18 (de 1800), un cycle de lieder À la Bien-aimée lointaine (1816). Bigre !
Ce concerto n'a pas d'histoire particulière dans la
carrière de Beethoven. Même si on a supposé que l'ouvrage ne répondait pas à
une commande mais plutôt à une intention du compositeur d'offrir une partition brillante
et de divertissement à l'Archiduc Rodolphe d'Autriche, lui aussi l'un de ses
mécènes (Clic),
devenu excellent pianiste grâce à Beethoven,
nous n'avons aucune trace de l'exécution du concerto par ce noble personnage…
Ne tournons plus autour du pot, la profondeur psychologique de l'œuvre n'existe
pas vraiment. Un chouette et vivant concerto…
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Karajan, Richter, Rostropovitch, Oïstrakh |
Des biographies consacrées aux quatre protagonistes sont
à lire dans divers articles. Le pianiste russe Sviatoslav
Richter animait les quintettes de Dvoràk
et de Franck (Clic)
et (Clic).
Son compatriote tout comme Rostropovitch,
le violoniste David Oïstrakh était le
soliste des concertos
de Sibelius, de Tchaïkovski
et de Bach et de la sonate à
Kreutzer de Beethoven
(Clic). Le violoncelliste Mstislav
Rostropovitch dans Schelomo de Bloch, Don Quichotte
de Richard Strauss avec Karajan,
et le célèbre concerto
de Dvoràk mais avec Adrian
Boult à la baguette (Clic).
Quant au maestro autrichien symbole du star system
classique, assurant 50 % des ventes discographiques classiques de la seconde
moitié du XXème siècle, qui ne le connait pas ? Au cas où, je n'énumère pas les
nombreux articles sur les interprétations choisies dans ses must (tout n'est
pas systématiquement génial chez ce chef adepte des studios de manière presque
compulsive), la biographie détaillée est à lire dans la chronique dédiée au
Requiem Allemand de Brahms (Clic).
En 1969, EMI Classics, label majeur du marché du
disque classique (en concurrence avec CBS, RCA, DG et DECCA) décide un coup
marketing en réunissant quatre des artistes les plus célèbres de l'époque. Tous
sauf Richter avait été en contrat avec la firme
coachée pour le domaine classique par Walter Legge, créateur du Philharmonia
encore dirigé à l'époque par Otto Klemperer.
Rostropovitch gravera Don
Quichotte avec Karajan en 1975, le même Karajan qui avait accompagné Oïstrakh en concert, en 1961, dans le
concerto de Brahms, et avait gravé pour DG le concerto N°1 de Tchaïkovski en
1962 avec Richter, une référence. En
un mot, tous les artistes se connaissaient et s'appréciaient… On aurait dû
s'attendre à une belle complicité…
Disposition du "trio" |
Je cite un commentateur assidu et talentueux d'Amazon nommé
Pèire Cotó, il résume parfaitement
l'affaire : "Ensuite, les différents protagonistes ne s'entendaient pas et
n'avaient pas fait les nouvelles prises qui auraient pu améliorer les choses,
la responsabilité essentielle étant celle de Karajan, toujours pressé. Richter
a décrit cet enregistrement, l'atmosphère plus que le résultat, comme
"horrible", ce qui reflète son exigence musicale. Avec de telles
personnalités, il reste bien entendu une certaine majesté, des beautés de
détail et même un Largo assez impressionnant. Mais cherchons ailleurs la bonne
version du Triple Concerto." Donc un disque quand même sympa,
mais oui il y aura une discographie alternative…
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Le concerto comprend trois mouvements, forme classique.
Beethoven avait-il en tête l'idée d'écrire un concerto grosso à l'ancienne ?
Son orchestration est celle en usage à la fin du classicisme et début du romantisme
:
Piano, violon et violoncelle solistes. 1*/2/2/2, 2
cors et 2 trompettes*, 2 timbales*, groupe des cordes. (*) Non utilisés dans le
largo.
Salle de concert du palais Lobkowitz |
2 - Largo (attacca
- la bémol majeur) : Pour le ravissant largo (très court, lui), Beethoven supprime quelques instruments dont
les trompettes et les timbales. Nous écoutons un nocturne pour trio accompagné
avec délicatesse par les bois et quelques cordes. Diable d'homme, même dans
l'alimentaire (vilain mot), nous restons fascinés par un enchantement… Le
compositeur se paye le luxe d'un petit développement élégiaque en milieu de
parcours !
3 - Rondo alla polacca (do
majeur) : [23:28] Un rondo festif commençant par l'énoncé d'un thème soliste
par soliste conclut gaiement cette partition pas si secondaire que cela. Quant
à jeter cette interprétation aux orties, il faut vraiment être de ceux qui
crachent dans la soupe… Le développement aux accents tziganes (une impression)
est vraiment rigolo. (Partition)
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Il existe de nombreuses éditions de ce concerto.
Curieusement, peu se maintiennent au catalogue. Donc si le style Karajan ne satisfait pas pleinement malgré
un très bon couplage avec le double concerto de Brahms sous la direction de George Szell, voici deux idées :
Encore une réunion de grands instrumentistes de la fin
des années 50 : Géza Anda au piano, Wolfgang Schneiderhan au violon et Pierre Fournier au violoncelle, Ferenc Fricsay dirigeant le Radio-Symphonie-Orchester. J'ai découvert
l'œuvre avec cette interprétation d'une grande probité (DG – 4/6) En
complément, de nouveau le double concerto de Brahms, mais avec Janos
Starker au violoncelle.
Plus récent et très enflammée, Yefim
Bronfman au piano, Gil Shaham
au violon, Truls Mørk au violoncelle, l'Orchestre de la Tonhalle de Zurich est
dirigé par David Zinman.
Superbe version où l'on appréciera une fois de plus la science du chef pour
faire sonner l'orchestre dans un somptueux registre de couleurs (Arte Nova - 2004
– 5/6) En complément : le septuor.
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Petit rectificatif : le Don Quixote de Strauss selon Karajan/Rostropovich date de 1976. A la fin des années 60, ce sont le concerto pour violoncelle de Dvorak et les Variations Rococo de Tchaikovsky qui sont enregistrés par ces deux artistes. Karajan avait également travaillé avec Richter auparavant -1er concerto pour piano de Tchaikovsky-, mais jamais avec OIstrakh.
RépondreSupprimerRichter, qui a eu la dent dure envers de très nombreux artistes qui collaborèrent avec lui, a gardé, semble-t-il, des souvenirs amers de ces deux collaborations avec Karajan -tout en admirant ponctuellement l'art de ce chef-, alors que Rostropovich l'estimait beaucoup.
Quoi qu'il en soit, j'aime beaucoup cette version, qui tire l'oeuvre vers le grand style symphonique, sans en faire un contre-sens cependant. A ce titre, elle me semble plus réussie, dansz cette optique, que celle de Fricsay, que j'aime cependant beaucoup aussi. Plus tard, Karajan est revenu vers ce concerto dans une optique plus chambriste avec de jeunes solistes -Mutter, Ma et Zeltser, tous trois dans leur prime jeunesse.
Je dois être surmené !
SupprimerEn effet, le Don Quichotte a été capté en janvier 1975. Je vais corriger...
Le concert Oïstrakh-Karajan pour Brahms a été donné à Vienne en 1961 d'après le livret du CD. Il n'existe pas de disque des deux hommes ensembles.
Oui j'aurai pu évoquer le remake Karajan Mutter, Ma et Zeltser, mais je ne connais pas cette version.
Tout autre chose. Le déblocnot recrute pour des papiers sur tout sujet, nos commençons à manquer d'idées et de bras, donc si(vous) le cœur t(vous) en dit... Me contacter via une réponse ici. (le mail dans contact est capricieux :o().
Dans tous les cas encore merci pour ces remarques et bon WE.