- Cool M'sieur Claude… Un
quintette pour quatuor à cordes et piano, de la musique aux sonorités légères,
vous n'en parlez pas très souvent je trouve…
- Et pour cause Sonia,
cette formation doit donner du fil à retordre aux meilleurs compositeurs et
rares sont ceux qui en écrivent plus d'un…
- En effet, je vois votre
courte liste de grands noms, on peut ajouter Chostakovitch je crois… Dvořák a
mis un certain temps à maîtriser son art, c'est le cas ici ?
- Non, depuis une bonne
dizaine d'années et son Stabat Mater (écouté la veille de Pâques), Dvořák est
entré dans la cour des grands, ce quintette est une réussite…
- C'est quoi
"Dumka" ? Une recette nationale tchèque ? Sviatoslav Richter, une
fois de plus certainement une grande interprétation ?
- Hihi, gourmande… Non une
danse ukrainienne, on entend aussi une polka, un furiant, etc. Au fait, merci
Sonia pour l'idée Chostakovitch, je vais réfléchir…
Dvořák en 1887 xxx |
En
1887, Dvořák
a un catalogue très étoffé avec de nombreuses partitions qui deviendront des
hits de la musique classique : onze quatuors, sept symphonies, les concertos
pour piano
ou violon
et le fameux Stabat
Mater qui lui a donné une reconnaissance internationale. Comme
je l'ai souvent écrit, Dvořák
n'était pas un jeune surdoué comme Mendelssohn
ou Mozart. Ses premiers quatuors pour fixer
les idées à propos de la musique de chambre dépassent parfois l'heure mais avec
trop peu de belles idées thématiques et d'habileté dans les développements pour
passionner l'auditeur. Ils sont rarement joués d'ailleurs… Une biographie
résumée est à lire dans l'article de 2011 consacré à la Symphonie du Nouveau monde (2011
? Déjà ! – Clic).
Dvořák avait écrit un premier quintette dans sa jeunesse,
en 1872 pour être précis. Il porte
le numéro d'opus 5. Un œuvre qui n'est aucunement gauche et complète d'ailleurs
le très célèbre n°2 opus 81 sur le disque de Richter
et des Borodine. Si sa structure
reste bien académique, il en émane une belle joie de vivre…
Dvořák a 46 ans quand il entreprend l'écriture de l'opus 81.
Le compositeur séjourne à Vysoká, en
cette terre de Bohème qu'il
affectionne tant, qui lui manquera lors de son séjour à New-York de 1892 à 1895 comme directeur du conservatoire. En trois mois la partition
est achevée. Le quintette
sera créé en janvier 1888. Ces
années-là, la Bohème connaît une vie musicale particulièrement active. Prague a
vu naître un Théâtre national tchèque et une Société de musique de chambre. Bien
que sollicité pour s'installer à Vienne, le centre du monde musical, Dvořák reste attaché à sa patrie et va
apporter sa pierre à ce mouvement musical avec son quintette. Ainsi, si le
style de la composition doit beaucoup à l'influence germanique, aux conseils de
son ami Brahms, la présence de motifs
de danses typiquement bohémiennes et ukrainiennes va lui apporter un cachet
teinté de folklore slave.
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Nous
avons déjà écouté Sviatoslav Richter et le Quatuor Borodine en complicité dans leur
interprétation du Quintette
de Franck (Clic). Les artistes ont également
gravé ceux de Brahms et de Dvořák ainsi que le Quintette
la Truite de Schubert. Le portrait du pianiste et des quatre
instrumentistes du quatuor a déjà été dressé pour ce premier article. Le quatuor fondé
par Rudolf Barshai en 1945 existe toujours et a connu forcément de nombreux
remaniements. Pour ce concert en Live de 1982, sont présents : Mikhail Kopelman
: premier violon, Andreï Abramenkov : second
violon, Dimitri Chebaline : alto, Valentin Berlinsky : violoncelle (de 1945
à 2007 soit 62 ans ! ✟ en 2008).
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Sviatoslav Richter et Le Quatuor Borodine |
Le
quintette est construit de manière très classique en quatre mouvements avec le
scherzo précédant le final.
1 - Allegro ma non tanto : [0:12] Le piano égrène de doux arpèges aux motifs répétitifs,
chacun noté Ped, comme si Dvořák voulait insister sur le jeu très legato
propice à des effets tendres et poétiques. Le violoncelle va énoncer à la 3ème
mesure le thème principal, élégiaque et pastoral avec la douce tonalité de la
majeur. Un thème élaboré, relativement long et mélodieux. [0:39] Les cordes
attaquent f une seconde idée plus
vaillante, épique, bien dans le style romantique. Le piano change de ton, alignant
des accords staccato et parfois arpégés. Une richesse d'invention alliée à des contrastes
enflammés qui nous prennent à bras le corps. Ce quintette captive d'emblée le public par sa thématique attachante, tantôt nocturne, tantôt débonnaire, facile à mémoriser. Pas de
sombres pensées, le flot mélodique se développe gaiement de manière infiniment
colorée. [1:32] L'alto se voit confié le second thème de style champêtre. Certes
la forme sonate reste de mise, mais le compositeur émaille son allegro de mille
transformations et trouvailles qui chassent toute velléité d'académisme. Les dialogues
en duo sont nombreux. Bien que le discours soit très concertant, jamais nous
n'entendons un concerto piano et cordes. [7:43] Bel exemple de la fantaisie qui
anime l'œuvre avec un passage aux accents bucoliques suivi d'une transition vers un échange plus musclé entre le clavier et les cordes,
lyrique à souhait.
Dans
cette interprétation de concert, les artistes dépeignent le bon vivre en Bohème.
Avec un remarquable équilibre entre un jeu de Richter athlétique mais articulé (on s'en doute) et un Quatuor Borodine, au
vibrato économe, la clarté est de mise. Dvořák
joue la carte du lyrisme et de la danse populaire, celle de la bonhomie et de
la fête avec de-ci de-là des caresses sensuelles. La coda fort énergique récapitule
les motifs fondamentaux de cet allegro qui s'achève en tornade.
Václav Radimský (1867-1946) : paysage |
3 - Scherzo (Furiant).
Molto vivace
: [29:52] Encore un sous-titre : "furiant",
une danse traditionnelle de Bohème qui porte bien son nom. Le premier violon
énonce vigoureusement le thème principal, des notes syncopées de l'alto et du
violoncelle donnant à l'ensemble un rythme endiablé. Le piano intervient pour
colorer de manière ludique mais discrètement cette danse "furieuse".
[31:20] Le trio calme le jeu et se présente en forme de dialogue entre les
divers instruments, de fantasques pizzicati établissant le lien avec le
scherzo. [32:52] Le scherzo fait son retour brièvement. Dvořák a définitivement découvert l'un des secrets des compositeurs de premier plan : la concision.
4 - Finale. Allegro : [33:37] Dvořák fait décidément
le choix de la vitalité. Une cavalcade introduit le final. Toujours ce climat de
liesse et de thèmes très dansants. N'oublions pas que le compositeur sera
l'auteur de deux cahiers de danses slaves pour orchestre qui
sont le pendant des danses
hongroises de son ami Brahms.
Très en verve, la musique va gagner en enthousiasme de mesure en mesure,
laissant par moment percer un air plus rêveur au piano. Le mouvement repose sur
un motif de polka, comporte un passage fugué et se conclut dans une gaité
folle. Pas une once de réflexion gravissime ou de pathétisme dans un ouvrage
essentiel dans le parcours chambriste de Dvořák.
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La
discographie de ce quintette
est pour le moins abondante. Par ailleurs, Dvořák n'aimait guère les
affres philosophiques et sa musique est souvent bien jouée et agréable à
écouter. La transparence et le sens du rythme se retrouvent dans de nombreuses
gravures et le couplage sera un élément de choix en cas d'achat d'un CD. Pour
le disque de ce jour, un complément intéressant et rare : le quintette de jeunesse opus 5 interprété avec la même fougue.
Voici trois beaux disques :
J'avais commenté le Quatuor "américain", le plus célèbre du cycle des 15 quatuors du maître, dans
l'interprétation remarquable du Quatuor Jérusalem.
Le CD était fort à propos complété par une excellente version du Quintette avec Stefan Vladar au piano. Un
artiste autrichien également maestro (HM
– 6/6).
EMI a eu l'idée géniale de réunir une anthologie de quatre quintettes parmi les hits du répertoire, ceux de Schubert,
Dvořák, Brahms et Schumann.
Seuls ceux de Brahms et de Dvořák
sont pour piano, mais c'est une aubaine. Inutile de préciser que le quatuor Alban Berg est au sommet dans les quatre
partitions, L'exemple même du double album découverte incontournable (EMI – 6/6).
Autre disque très original : Jean-Marc
Luisada et le Quatuor Talich
nous ont offert une très belle version complétée de la transcription pour piano
et cinq cordes du 1er concerto de Chopin. Le
compositeur avait créé son œuvre avec cet ensemble car aucun orchestre n'avait
accepté d'assurer la première. (RCA –
5/6).
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