vendredi 1 juin 2018

THE BEATLES "Sergent Pepper's Lonely Hearts Club Band" (1967) par Luc B.


Le sergent Poivre a eu 50 ans il y a un an ! Pile poil. Sortie française le 1er juin 1967. Il accuse son âge, le bougre (pas comme l'auteur de ces lignes) mais porte encore beau (comme l'auteur de ces lignes). Il serait illusoire de décrypter, expliquer, analyser ce disque dans un court article, quand tant de livres et documentaires s’y sont penchés déjà. Mais à l’attention de ceux qui n’auraient vraiment - mais vraiment - rien entendu, lu ou vu à propos de SERGENT PEPPER’S LONELY HEARTS CLUC BAND, rapide résumé de la situation…
The Beatles, jusque dans les années 65/66, font à peu près comme tous les autres groupes pop/rock. Des tournées, et entre deux concerts, des 45 tours vite emballés, rassemblés ensuite dans un album. Il n’y a qu’en jazz qu’on enregistrait des 33 tours, conçus comme tel, comme le « Kind of blue » de Miles Davis, 8 ans plus tôt. Et n'oublions pas le père Dylan et son « Blonde on blonde » en mai 66, qui avait sérieusement changé la donne. Déjà avec l’album REVOLVER (1966) apparaissent des éléments extérieurs au rock, comme le quatuor de violons utilisé sur la chanson « Eleonor Rigby », quelques effets psychédéliques, et des compositions qui s’écartent des origines "blues". Pour les Fab Four maintenant, un disque ne se contente plus d’aligner simplement des chansons, mais se conçoit comme un tout, un ensemble, qu’on écoute du début à la fin, religieusement. L’anti Spotify, l’anti play-list conçues par les algorithmes du web. Arrfff... même mes gamins ne comprennent même pas qu’on puisse écouter un disque en entier, sans piocher ses pistes préférées ! Autre curiosité : on ne danse pas sur la musique de SERGENT PEPPER, on l'écoute...
Pour un groupe de quatre musiciens, SERGENT PEPPER c’est tout un aréopage d’instruments (et de musiciens extérieurs) qui seront conviés. On commence à parler de concept-album, c’est-à-dire des chansons qui se rattachent à une trame narrative, obéissent à une logique précise (qui était aussi l’idée de PET SOUNDS des Beach Boys, les grands rivaux de l’époque).
Comment en est-on arrivé là ? C’est qu’en 1966, les Beatles lassés des concerts où on ne s’entend même plus chanter tellement la foule hurle (les sonos de l’époque n’empilaient pas des amplis Marshall jusqu’au plafond) jettent l'éponge. Puisqu’on ne peut plus maitriser sa musique sur une scène, et bien on va se retrancher là où personne viendra nous emmerder : en studio. Le 6 décembre 1966, les quatre de Liverpool s’enferment pour 5 mois aux studios Abbey Road, bien décidés à concevoir un disque comme personne ne l’avait imaginé. Ce n’est plus un groupe en prise directe devant trois micros, mais un véritable travail d’écriture sonore, et l’avènement d’une fonction jusqu’ici dévolue aux histoires de fric et de contrat : le producteur. En l’occurrence George Martin, souvent qualifié de cinquième Beatles, et qui à l’instar de Beethoven, a fini sourd…
Cinq mois de boulot ! Trop long pour les fans. Les deux premières chansons enregistrées sont donc sorties sur un 45 tours : « Penny Lane » et « Strawberry Fields Forever ». Qui ne figureront pas sur l’album d’origine, mais réintégrées dans la dernière réédition. Avec SERGENT PEPPER, on parle beaucoup de nouveautés technologiques, mais pas que. Pour la première fois, un album simple sera présenté dans une pochette double, qui s’ouvre, et on pourra y trouver les paroles des chansons. Et la photo de couverture… un must ! Qui ne s’est pas amusé à reconnaitre les 57 personnages qui entourent les musiciens fictifs du St Pepper Lonely heart club band (un nom à rallonge pour moquer les groupes psychédéliques américains) dont les Beatles eux-mêmes, période 1964, habillés en noir, comme en deuil. C’est l’artiste Peter Blake qui l’a conçue, d’après un croquis de John Lennon.
Pourquoi musiciens fictifs ? Parce que les Beatles veulent raconter une histoire (le concept de concept !), celui d’un groupe justement, et les chansons illustrent un concert, avec parfois des applaudissements, des transitions, la reprise du premier titre en fin d’album comme un remerciement (« We're Sergeant Pepper's Lonely Hearts Club Band, we hope you have enjoyed the show ») avant ce qui pourrait être un rappel sur scène, avec « A day in life ». Mais en réalité, les thèmes des chansons sont très divers. Paradoxalement pour un disque si nouveau, moderne, il y est souvent question de nostalgie, d’enfance (« Penny Lane », « Sixty Four »), de quotidien de prolos (« A day in life », « She’s leaving home », « Good morning »). Et puis SGT PEPPER marque aussi une nouvelle façon d’écrire pour McCartney et Lennon. Avant, chacun apportait sa chanson, et chantait ses propres compositions. Cette fois, il y aura davantage d’interactivité entre les deux auteurs principaux, l’un collant un truc ici, l’autre là, comme un jeu de question réponse (« She’s leaving home »Lennon répond comme dans un chœur de tragédie antique au chant de McCartney, et qui culmine of couse sur composition gigogne   « A day in life »).
Ce qui est nouveau aussi, même si RUBBER SOUL (1965) ou REVOLVER (1966) avaient montré la voie, c’est la disparité des styles musicaux abordés. Les premiers albums des Beatles proposaient des chansons rock (des reprises, au début, de Chuck Berry notamment) du Rhythm’n’blues, et des ballades avec trente-six fois le mot « love » pour faire craquer les filles. Avec SERGENT PEPPER on commence par du rock à guitares (la chanson titre, une tuerie à tiroirs), de la fanfare, du cabaret, du classique, du psychédélique, du Rhythm’n’blues cuivré, de la musique indienne. Et la petite trompette de « Penny Lane » viendrait tout droit de chez JS Bach !
Bon. Les chansons. Eh bien non, on ne va pas toutes les passer en revue, ce serait fastidieux, y’a des bouquins entiers sur le sujet, vous irez les chercher dans votre bibliothèque municipale ( M’sieur Luc, vous n’pouvez pas causer comme ça aux lecteurs du blog, c'est pas poli… Si, Sonia, c’est vendredi, c’est mon tour, je fais ce que je veux ! ). Toutefois, le niveau de bricolage, de bidouillage est tel, qu’on ne se lasse pas de raconter quelques trucs. Sur « Strawberry Fields Forever » par exemple (chef d'œuvre !), John Lennon aimait deux prises enregistrées à dix jours d’intervalle, qu’il voulait assembler, mais ni le tempo ni la tonalité étaient les mêmes. Il fallait donc ralentir la bande. Sauf que les appareils n’en étaient pas capables. L’ingénieur du son, Geoff Emerick, a eu l’idée de baisser la tension électrique de la machine. Moins d’énergie, donc moins de vitesse. Le résultat est bluffant.
Le jeu du cadavre exquis. Sur « Being for the benefit of Mr. Kit », qui parle d’un cirque et d’acrobates, et dont les paroles sont extraites d’une vieille affiche de spectacle achetée par Lennon, on entend un orgue de barbarie comme désarticulé. En réalité, plusieurs mélodies mises sur bande, découpées en tronçon d’une seconde, jetées en l’air, et recollées aléatoirement ! A ce propos, à l’époque, les magnétos possédaient quatre pistes. Trop peu. Donc, George Martin mixait les quatre pistes en une seule, qu’il repassait dans le magnéto, en rajoutait donc trois nouvelles, et ainsi de suite. Il a aussi expérimenté l’enregistrement stéréo, qui permettait de s’amuser avec la spatialité, comme dans « Good morning » où le cri du coq se trouve être dans la même tonalité que la première note de guitare de la chanson qui suit ! Le disque est disponible dans les deux versions, mono / stéréo, qui diffèrent par la vitesse de défilement de certaines chansons.  
On a beaucoup glosé sur cette rumeur selon laquelle on trouvait sur le disque des messages sataniques subliminaux ! Et donc qu’il fallait absolument interdire aux jeunes d’écouter cette diablerie de pop ! Foutaise, bien sûr, mais c’est vrai qu’à la fin, il se cache des petites choses, des ultra-sons (pour faire chier les chiens !), des courtes phrases absconses, quasi inaudibles. [J’avais un pote au collège dont les parents étaient très bigots. Purs et durs, genre tous les ans on invite un clochard pour le diner de Noël. Je lui avais fait plein de K7 avec les Beatles, Hendrix ou Pink Flyod. Il m’a tout rapporté une semaine après, car sa mère l’avait mis en garde contre ces messages cachés de Belzébuth qui pervertissaient son fiston. Véridique !]. De même, on fantasme sur les allusions cachées à la drogue, chacun est libre d'interpréter ce qu'il veut. « Lucy in the Sky with Diamonds » ne cause absolument pas d'un trip au LSD, mais d'un dessin du petit Julian Lennon et sa copine de classe ! Par contre, on sait pourquoi notre ancêtre Lucy (oui, ça fait un bail) s'appelle ainsi. Parce qu'Yves Coppens, anthropologue, se passait la chanson en boucle au moment de la découverte des ossements...
On l’a dit, beaucoup d’instruments ont été utilisés, violoncelles, tuba, le fameux mellotron de « Strawberry Fields Forever » le sitar et percus indiennes dans « Within you without you » le trip indien de George Harrison, élève de Shankar (qui était toujours ravi) et adepte comme tout le gotha du rock de l’escroc gourou - pardon, le sage et désintéressé -  Maharishi (dans la colle) Mahesh Yogi. Une chanson particulièrement difficile à mettre en place, les gammes musicales et les structures rythmiques n’étant pas les mêmes pour les occidentaux et les musiciens hindous venus prêter main forte.

Le morceau de bravoure, et véritable chef d’œuvre (pour une fois ce n’est pas galvaudé) c’est le final « A day in life », deux chansons en une, Lennon d’abord, McCartney ensuite, avant le retour au thème et l’épilogue grandiose, cette montée chromatique orchestrale hallucinante. Seule contrainte pour les musiciens : finir sur la même note et en même temps ! Mais avant ils faisaient ce qu’ils voulaient ! C’est carrément l’orchestre philarmonique de Londres qu’on a fait entrer en studio ! La chanson se termine avec ce fameux accord de mi majeur martelé au piano, ou plutôt aux pianos - pluriel - puisque tous les claviers disponibles ont été réquisitionnés à Abbey Road et joués en même temps (vous saviez que sur « Penny lane » il y avait quatre couches de pianos ?!). Geoff Emerick augmente le niveau d’enregistrement au fur et à mesure que volume sonore baisse, pour créer cet écho interminable, apothéose totale !
Alors la question est : SERGENT PEPPER est-il le meilleur disque des Beatles ? On s’en fout un peu, chacun son avis, pour ma part je lui préfère ABBEY ROAD, et je pense que Rockin’ a un faible pour le DOUBLE BLANC. Autant le départ (les quatre premières) est exceptionnel, autant « Fixing a hole » m'interpelle moins, et je ne suis très fan des hindouilleries d'Harrison. Ce qui est certain, c’est que c’est leur disque le plus célèbre, emblématique d’une époque, et qu’on le veuille ou non, qui va réellement changer la manière de faire des disques (comme les Beatles ont changé la manière d’écrire des chansons). Si au cinéma il y a un avant et après LE VOLEUR DE BICYCLETTE ou A BOUT DE SOUFFLE, en musique, il y a un avant et un après SERGENT PEPPER. Par l’exigence du travail musical (notamment les voix, les chœurs, ils se sont surpassés) et technique, et le résultat accompli, on ne concevra plus jamais la musique pop de la même façon. Pour le meilleur, ou pour le pire, c’est à chacun de voir !

Z'en pensez quoi, les autres ? 

Pat : Concept album ou chef d'oeuvre psychédélique ? S’il a marqué le XXème siècle, il reste un disque phare dans la carrière des Beatles, même s’il n'est pas forcément le préféré des aficionados des Fab Four, "Abbey Road", "Revolver" et le "Double Blanc" arrivent quelques fois en meilleur position. Il reste quand même un très grand album ! 
 
Rockin-JL: Quand Luc nous a demandé d'écrire un petit mot sur Sergent Pepper j'ai d'abord été enthousiasmé par l'idée, mais là devant mon clavier d'un seul coup je ne sais plus trop quoi dire, je me sens comme un humble cloporte perdu au Louvre devant la Joconde... Qui suis-je pour commenter un truc pareil ? Ce disque - un des premiers que j'ai eus - m'a toujours fasciné, de sa pochette à son contenu ("Sergent Pepper", "With a little help", "Lucy", sacrée trilogie !), il est dans mon top 10 pour l'ile déserte ! J'en profite puisque j'ai la parole pour pousser un petit coup de gueule : il est de bon ton chez certains amateurs éclairés (?) (j'en ai croisés plusieurs sur des forums)  de dénigrer les Beatles - ça doit faire snob et branché - à ceux là j'ai envie de dire : mais réveillez-vous bande de blaireaux, replacez-vous dans le contexte de l'époque et reconnaissez ce que ces gus ont apporté à la culture pop' ! (ah putain, ça y est, il est tout énervé... Sonia mon petit, accompagnez m'sieur JL au hamman de la salle de réunion du 12è, qu'il se détende...)

Bruno : Heing, on parle de quoi ?! Le film avec les Bee Gees ? (faites-moi penser, au prochain conseil d'administration, de virer ce chroniqueur...)

Bah y'a pas de note ? 
Parce que vous donneriez une "note" à la Tour Eiffel, au Grand Canyon, aux premiers pas de l'Homme sur la lune, ou comme disait Rockin, à la Joconde ???

5 commentaires:

  1. J'en ai entendu parler de cette rondelle ... dans les EHPAD.
    Le meilleur disque des Beatles, c'est soit le double bleu soit le double rouge...
    Le titre "sous influence" de Harrison est quand même d'une nullité, encore pire que "yellow submarine" sur celui d'avant ...

    Sinon, le double de Dylan (sorti un an plus tôt avec une pochette qui s'ouvrait aussi, on dit gatefold dans les sites bobos spécialisés) n'est pas un constat sur l'homosexualité aryenne (blond on blond), mais plutôt une allusion sur sa consommation effrénée de clopes (blonde on blonde) ... ça arrive même aux meilleurs ce genre de pain ...

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    1. Bien vu ! Je corrige. Mais alors, c'est parce qu'il clopait aussi sur les pistes, qu'il a enregistré plus tard "Blonde on the tracks" ?!!

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  2. Hey Luc ! "Le sergent Poivre a eu 50 ans il y a un an ! Pile poil." le 1 juin 1967, chez moi cela fait 51 ans. Bon ! Mais avant toute chose, il y avait plein de chose à dire sur cette album, mais comme tu le dis, il y a des bouquins entier sur le sujet. Juste une petite chose à rajouter, la pochette est une chronique à elle seule quand on sait au départ que Lennon fidèle a son esprit provocateur voulait y mettre Hitler et Jésus. Le premier a été écarté evidemment et pour Jésus depuis la petite phrase de Lennon "Les Beatles sont maintenant plus célèbres que le Christ" c'était hors de question. Mais il y a eu une première image ou apparaissait le Mahatma Gandhi, il était placé a la gauche d'Harrison a coté de la tête en noir et blanc de Lewis Carol et en dessous de celle de Laurence d'Arabie, mais enfin de compte la maison de disque (EMI) craignait que la présence du leader indien n’affecte les ventes du disque en Extrême-Orient.

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    1. Bah oui, s'il a eu 50 ans y'a 1 an, ça fait 51. Le compte est bon !

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    2. Ah mince désolé ! Je me suis emmêler les yeux en lisant ta phrase.... ! Mea Culpa !!

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