lundi 21 octobre 2019

LE LIVRE DE LA CROIX de Glenn Cooper (2019) - par Claude Toon




Lance de Longin
En 2003, paraît le roman ésotérique Da Vinci Code de Dan Brown. Le succès est planétaire et le roman sera suivi d'une adaptation blockbuster de Ron Howard dans lequel on apprend qu'Amélie Poulain, enfin Audrey Tautou, est l'arrière… arrière-arrière-petite-fille issue des ébats amoureux entre Jésus Christ et Marie-Madeleine. Le bouquin lance la mode qui semble ne pas s'essouffler des thrillers mêlant religion et occultisme. Des templiers au Graal, des ouvrages ressassent jusqu'à l'usure des histoires plus loufoques que spirituelles, prétextes à taper du sucre sur le dos du Vatican et des Églises chrétiennes ou simplement nous faire rêver grâce à une imagination renouvelée et débordante, ce qui est le cas de Glenn Cooper. Il est d'ailleurs à noter que Le Secret du Graal, livre radotant autour d'une énième course au Graal, calice mythique de la Cène inventé par les poètes Chrétien de Troyes et Wolfram von Eschenbach, sera son opus le moins palpitant, même si l'objet est plus ou moins en antimatière, si ma mémoire ne me trahit pas !?
Glenn Cooper est l'auteur entre autres de deux trilogies très originales : Will Piper et Le livre des morts de 2009 à 2013 ; dans une crypte colossale de l'île de Wight, on découvre en 1947 des milliers de manuscrits rédigés depuis l'an 777 énumérant la liste des terriens avec leur date de mort, humains passés, présents et… à venir jusqu'à l'Apocalypse très proche. On stocke le tout dans la zone 51 et… à lire. (Clic) Seconde épopée en trois épisodes : La porte des ténèbres de 2015 à 2017. Lors d'une expérimentation avec un accélérateur de particules géant construit sous Londres, se produit un échange d'habitants londoniens (dont les héros) avec ceux d'un univers parallèle qui est l'enfer revu par Lewis Caroll. Tous les meurtriers politiques ou de droits communs sont devenus presque éternels et s'étripent joyeusement pour le pouvoir dans un monde grisâtre et moyenâgeux. Seconde trilogie un peu longuette, mais bien barrée ! (Clic)
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Le Padre Pro et ses plaies aux mains
Pour ce nouveau livre, retour à des fondamentaux étranges de l'histoire chrétienne. Trois thèmes inspirent l'auteur :
Les saintes reliques de la crucifixion : la Croix, la couronne d'épines, la Sainte Lance dite de Loginus du nom du soldat romain qui mit fin au supplice de Jésus. Existent aussi : les sandales et même la tunique, reliques subalternes dont la seconde inspira un péplum en 1953 de Henry Koster avec Richard Burton (premier film en cinémascope et 3 Oscars ; comme quoi, le sujet fait recette).
Le mystère des stigmates : depuis Saint-François d'Assise, premier stigmatisé connu, cinq cents croyants ont porté durant leur vie d'adulte plusieurs plaies de la crucifixion, souffrant réellement les douleurs de la Passion ; mystiques vivant souvent reclus, en état d'inédie (ne se nourrissant pas ou peu). Supercherie ? Hystérie et automutilations, traduction psychosomatique de leur foi intense ou miracle réel ? (Comme les ulcères d'estomac des grands anxieux.) Le débat n'est pas clos. Le moine Italien Padre Pio (1887-1968) reste un stigmatisé célèbre. À noter que quelques soient la ou les vérités, ces hommes et ces femmes très pieux sont reconnus comme animés d'une bonté extrême. Un personnage central du roman de Cooper s'inspire de ce saint-homme.
Troisième axe : Himmler et l'Ahnenerbe. Un institut créé par Heinrich Himmler et quelques autres cinglés de l'empire nazi comme Alfred Rosenberg. Un lieu spécialisé dans les recherches sur l'occultisme. D'où l'idée de renforcer  les pouvoirs du IIIème Reich voire rendre Hitler immortel à l'aide de ces artefacts divins. Ils lancèrent des recherches en Europe, de Montségur à Rennes-le-château en passant par Turin (Saint Suaire), etc. Inutile de préciser que l'authenticité de ces reliques est contestée sinon les sbires du Reichsfürher aurait été se servir à Paris, à ND et à la Sainte ChapelleSaint-Louis avait réuni lors des croisades : la couronne d'épines, un morceau de la vraie Croix, la lance de Longinus et l'éponge imprégnée de vinaigre. La lance a disparu pendant la révolution et plusieurs autres exemplaires 😂 existent dont un à Vienne… Des légendes, des symboles nourrissant la fascination populaire, une bonne pincée de superstition. Entre nous, un folklore qui existe dans toutes les croyances, n'ironisons pas systématiquement… Ce n'est pas plus farfelu que les trèfles à quatre feuilles ou les fers à cheval.

Un supposé Saint Clou à Trêve
Le livre s'ouvre en 327 après J.-C. à l'époque de l'empereur Constantin. Au sommet du Golgotha, des fouilles mettent à jour des morceaux de la vraie Croix du sacrifice. Cooper nous rappelle que, selon la tradition, approcher d'un mourant une relique permettait de l'authentifier comme réellement sainte en guérissant miraculeusement le malade… Les ouvriers continuent de chercher les clous, 3 ou 4 ? Comme 3 suffisaient, un renégat en remet seulement 3 à l'impératrice Hélène et garde le 4ème clou. Les petits trafics commencent déjà…
1955 au Paraguay. Otto Schneider, un des pires bourreaux nazis se planque avec son fils Lambret. Comme Eichmann cinq ans plus tard, le Mossad débarque. Il se suicide après  avoir chargé son fils de veiller sur la copie de la Sainte Lance offerte par Himmler, copie destinée à dissimuler la vraie, autre demande : symbolique que Lambret poursuive la conquête du monde… Lambret va devenir le méchant de l'histoire, il fonde une secte, les chevaliers de Longin, avec d'autre fils de SS issus des chefs des Einsatzgruppen, les pires hordes d'assassins et exterminateurs du Reich. En 1973, Lambret et un commando iront récupérer les reliques cachées sur ordre d'Himmler en… Antarctique.
De nos jours, Cal Donovan spécialiste yankee de l'histoire des religions est sollicité par le Vatican pour authentifier le cas étrange du Père Giovanni Berardino marqué depuis quatre mois par des stigmates sanglants. Un jeune curé de campagne qui souhaitait un humble ministère dans son village natal. On le surnomme en Italie le Padre Gio. Le jeune prêtre a des sœurs dont Irène qui l'a vu en ville alors qu'il était dans son église !! Elle seule l'a vu, phénomène de bilocation propre aux saints pouvant être à deux endroits à la fois… Cal n'a pas d'avis précis après sa rencontre avec le prélat qu'il sent sincère et la famille, ce qui gêne le Vatican qui n'aime pas que la sainteté soit présente hors de ses murs où… elle se fait rare, trop polluée par les intrigues… Le pape Célestin ne s'alarme pas plus que ça, prend de la hauteur… Un pape sympa😊.

Le château de Wewelsburg, institut occulte de Himmler
Comme dans la plupart des thrillers, l'auteur développe une intrigue rocambolesque suivant plusieurs pistes. En quoi Lambret Schneider et sa bande de vieillards rhumatisants et préoccupés par leur prostate (je cite) s'intéressent à Giovanni au point de le faire enlever par un jeune néonazi recruté pour les basses besognes, Gerhardt. Il doit le faire avouer où se trouve le quatrième clou dérobé 17 siècles plus tôt ? Et puis quel rapport avec sa situation de stigmatisé ? Le sait-il lui-même ?
Ah, Gerhardt, la brute sadique qui aurait été très efficace dans les Einsatzgruppen. Voleur et assassin mais très débrouillard. Gerhardt et le couple Cal et Irène (qui craint pour la vie de son frère) se lance dans une joute sans merci, objet du roman, pour empêcher les chevaliers de Longinus et leur chef de réunir les saintes reliques au même endroit ? Pourquoi ? Pour sauver l'humanité, comme toujours…
L'intrigue est trépidante. Nous voyageons beaucoup en Italie en compagnie de Gerhardt qui court après les reliques à glaner : la lance (la vraie), une Épine et Le Clou… Une recette explosive apparemment. Le meurtre fait partie de ses méthodes. Cal et Irène suivent la même quête mais en sauvant les gens ; encore faut-il arriver à temps.
Passionnant sur le plan historique, quid desdites reliques de la chrétienté ? Et parfois drôle car Gerhardt est assurément un psychopathe mais pas forcément un génie… Lambret Schneider guère plus. Les sommités du Vatican coopèrent ou complotent. L'auteur se concentre sur son sujet. Un petit béguin naîtra entre Cal et Irène mais désolé Rockin', pas de sexe.
Bien que très mouvementé, on ne se perd jamais dans l'entrelacs du récit, toujours cette écriture fluide et cette construction sans faille de Glenn Cooper. Le dénouement est surprenant, à contrecourant de l'éternel victoire totale du bien sur le mal. Deux suites d'une trilogie Cal Donovan sont annoncées.

BONNE LECTURE !

Broché: 400 pages, disponible en e-book
Editeur : City Edition (2 janvier 2019)


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