Encore une grande dame de la chanson française complètement
oubliée. Tellement oubliée qu'en juin de cette année, personne n’a parlé de sa
disparition. Alors je me devais de rendre un hommage à Anne Vanderlove.
Celle
que l’on nommait la Joan Baez française…
Tout
commencera à la librairie anarchiste Publico dans le 11e
arrondissement de Paris alors que j’allais à un concert d’Hélène Gerray. Et chaque fois je fais un tour dans la
boutique au cas où je tomberais par hasard sur quelque chose qui attirerait mon
regard et, ni une ni deux, il y a toujours un ou deux CD qui me font de l’œil.
La première fois c’était l’album de Fanchon Daemer
la passonaria libertaire de la chanson francophone «Contre la résignation» (Que j’irai applaudir le 30/11), album que
j’avais ensuite chroniqué et, aujourd’hui, après avoir regardé le comptoir des
ouvrages enregistrés, je tombe en arrêt sur deux albums qui m’interpellent. Le
premier est de Rosalie Dubois, amie de Bernard Dimey et de Pierre Mac
Orlan (J’y reviendrais plus tard)
et le second est celui d’Anne Vanderlove qui se fera connaître dans les
années 60.
Une
fois rejoint mon foyer, je jette la galette d’Anne Vanderlove sur la platine et je commence à
faire des recherches sur sa biographie et, à ma stupéfaction, je vois que cette
dernière a quitté ce monde en juin de
cette année. Je ne ferais pas un RIP, je parlerai d’elle comme si elle était
encore vivante.
De son
vrai nom Anna Van Der Leeuw, elle naît à
Scheveningen (et non à La Haye comme
disent certains sites !) au Pays-Bas en 1943 d’un père néerlandais artiste peintre et d’une mère bretonne.
Son enfance sera ballottée entre un père résistant qui sera arrêté et déporté à
Buchenwald. (Il y survivra mais en rentrant au pays ne reprendra pas contact avec
sa femme et sa fille.) Sa mère va la confier à ses parents qui vivent dans le
Morbihan et partira refaire sa vie avec un soldat allemand. C’est ainsi qu’Anne Vanderlove
sera élevée en Bretagne par ses grands-parents maternels. Elle est
férue de lecture mais scolarisée à l’âge de douze ans, elle passe son bac et
entreprend à 20 ans des études de philosophie à Paris et elle devient
institutrice.
En 1965 elle décide de se rendre dans une
mission humanitaire au Chili et c’est en observant les chanteurs dans les rues
qu’elle décide de composer et d’interpréter des chansons elle aussi. Elle
dévoile ses premiers titres dans les cafés puis est engagée au cabaret chez
Georges à Saint-Germain-des-Prés. Remarquée par le directeur artistique de Pathé-Marconi,
elle enregistre en 1967 son premier
45 tours «Ballade
en novembre». Un titre avec lequel elle acquiert la célébrité et qui
lui vaudra un Grand prix du disque et le Grand prix de l’académie de la chanson
française. Elle enregistre l’album homonyme la même année. Les succès vont
suivre avec «Les
petits cafés» et «La fontaine de Dijon». En mai 68, elle
chante dans les usines en grève. Initiative qui fera d’elle une chanteuse militante et
engagée et elle se verra affublée du surnom de la Joan Baez française. Elle va se fâcher avec sa
maison de disque après que ces derniers aient saboté son dernier album. En 1970 elle est invitée par Gérard Manset pour participer à son deuxième album
mythique «La
Mort d’Orion».
Elle apporte sa voix notamment dans des chœurs.
Anne Vanderlove devient une chanteuse
marginale et sans label. En 1972,
elle s’installe en Bretagne et elle va auto produire une dizaine d’albums dont
certains pour enfants «Chante les Couleurs». Elle se produira dans
des écoles, des prisons, des hôpitaux et les maisons de la culture. En 1981 son ancien label lui propose de
sortir l’album «La
vie s’en va», ce dernier sera récompensé par l’Oscar de
la chanson française. Elle fera un faux pas en 1991, après avoir épousé un détenu. Par amour pour lui, elle aide
au braquage d’une agence du Crédit Agricole de Laon. Arrêtée en flagrant délit,
elle sera condamnée à une peine d’un an de prison avec sursis pour complicité d’attaque
à main armée.
Après une longue disparition, elle fait son retour dans l’actualité
musicale en 1997 avec l’album «Bleu».
Par la suite, la production de ses albums sera irrégulière mais cinq albums
sortiront jusqu’en 2010. Elle
donnera aussi beaucoup de son temps dans l’humanitaire. Marraine de l’association
Cœurs de bambous qui s’occupe d’orphelins
au Cambodge, celle d’Enfants des
rues de Bogota et aussi de l’association Otages
du monde ; elle participe au CD «Pour Que Tous Les Oiseaux Vivent» en faveur de l’association
Bretagne vivante en réaction au naufrage du pétrolier l’Erika
en 1999.
En 2013, elle sera nommée Chevalier de l’ordre
des Arts et des Lettres par le ministère de la culture. L’album «Mélancolitude» tiré d’une
biographie de Marie-Thé Brétel-Logan est une
compilation des meilleurs morceaux d’Anne Vanderlove. On peut y retrouver «Ballade en novembre», «Le prince de Brocéliande», «La mémoire du vent» et plein d’autres
titres baignés de poésie et noyés entre la ballade, le folk et le celtique.
Un
sale dimanche de juin, Anne Vanderlove décédera à 75 ans d’un cancer
et les médias n’en parleront même pas !
Une très grande dame, pas un jour ne passe sans que j'écoute au moins un de ses titres. Belle biographie !
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