mardi 15 octobre 2019

ANNE VANDERLOVE (1943-2019) - "Mélancolitude" (2007) - par Pat Slade



Encore une grande dame de la chanson française complètement oubliée. Tellement oubliée qu'en juin de cette année, personne n’a parlé de sa disparition. Alors je me devais de rendre un hommage à Anne Vanderlove.




Celle que l’on nommait la Joan Baez française…




Tout commencera à la librairie anarchiste Publico dans le 11e arrondissement de Paris alors que j’allais à un concert d’Hélène Gerray. Et chaque fois je fais un tour dans la boutique au cas où je tomberais par hasard sur quelque chose qui attirerait mon regard et, ni une ni deux, il y a toujours un ou deux CD qui me font de l’œil. La première fois c’était l’album de Fanchon Daemer la passonaria libertaire de la chanson francophone «Contre la résignation» (Que j’irai applaudir le 30/11), album que j’avais ensuite chroniqué et, aujourd’hui, après avoir regardé le comptoir des ouvrages enregistrés, je tombe en arrêt sur deux albums qui m’interpellent. Le premier est de Rosalie Dubois, amie de Bernard Dimey et de Pierre Mac Orlan (J’y reviendrais plus tard) et le second est celui d’Anne Vanderlove qui se fera connaître dans les années 60. 

Une fois rejoint mon foyer, je jette la galette d’Anne Vanderlove sur la platine et je commence à faire des recherches sur sa biographie et, à ma stupéfaction, je vois que cette dernière a  quitté ce monde en juin de cette année. Je ne ferais pas un RIP, je parlerai d’elle comme si elle était encore vivante.

De son vrai nom Anna Van Der Leeuw, elle naît à Scheveningen (et non à La Haye comme disent certains sites !) au Pays-Bas en 1943 d’un père néerlandais artiste peintre et d’une mère bretonne. Son enfance sera ballottée entre un père résistant qui sera arrêté et déporté à Buchenwald. (Il y survivra mais en rentrant au pays ne reprendra pas contact avec sa femme et sa fille.) Sa mère va la confier à ses parents qui vivent dans le Morbihan et partira refaire sa vie avec un soldat allemand. C’est ainsi qu’Anne Vanderlove sera élevée en Bretagne par ses grands-parents maternels. Elle est férue de lecture mais scolarisée à l’âge de douze ans, elle passe son bac et entreprend à 20 ans des études de philosophie à Paris et elle devient institutrice.

En 1965 elle décide de se rendre dans une mission humanitaire au Chili et c’est en observant les chanteurs dans les rues qu’elle décide de composer et d’interpréter des chansons elle aussi. Elle dévoile ses premiers titres dans les cafés puis est engagée au cabaret chez Georges à Saint-Germain-des-Prés. Remarquée par le directeur artistique de Pathé-Marconi, elle enregistre en 1967 son premier 45 tours «Ballade en novembre». Un titre avec lequel elle acquiert la célébrité et qui lui vaudra un Grand prix du disque et le Grand prix de l’académie de la chanson française. Elle enregistre l’album homonyme la même année. Les succès vont suivre avec «Les petits cafés» et «La fontaine de Dijon». En mai 68, elle chante dans les usines en grève. Initiative qui fera d’elle une chanteuse militante et engagée et elle se verra affublée du surnom de la Joan Baez française. Elle va se fâcher avec sa maison de disque après que ces derniers aient saboté son dernier album. En 1970 elle est invitée par Gérard Manset pour participer à son deuxième album mythique «La Mort d’Orion». Elle apporte sa voix notamment dans des chœurs.

Anne Vanderlove devient une chanteuse marginale et sans label. En 1972, elle s’installe en Bretagne et elle va auto produire une dizaine d’albums dont certains pour enfants «Chante les Couleurs». Elle se produira dans des écoles, des prisons, des hôpitaux et les maisons de la culture. En 1981 son ancien label lui propose de sortir l’album «La vie s’en va», ce dernier sera récompensé par l’Oscar de la chanson française. Elle fera un faux pas en 1991, après avoir épousé un détenu. Par amour pour lui, elle aide au braquage d’une agence du Crédit Agricole de Laon. Arrêtée en flagrant délit, elle sera condamnée à une peine d’un an de prison avec sursis pour complicité d’attaque à main armée. 
Après une longue disparition, elle fait son retour dans l’actualité musicale en 1997 avec l’album «Bleu». Par la suite, la production de ses albums sera irrégulière mais cinq albums sortiront jusqu’en 2010. Elle donnera aussi beaucoup de son temps dans l’humanitaire. Marraine de l’association Cœurs de bambous qui s’occupe d’orphelins au Cambodge, celle d’Enfants des rues de Bogota et aussi de l’association Otages du monde ; elle participe au CD «Pour Que Tous Les Oiseaux Vivent» en faveur de l’association Bretagne vivante en réaction au naufrage du pétrolier l’Erika en 1999.

En 2013, elle sera nommée Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres par le ministère de la culture. L’album «Mélancolitude» tiré d’une biographie de Marie-Thé Brétel-Logan est une compilation des meilleurs morceaux d’Anne Vanderlove. On peut y retrouver «Ballade en novembre», «Le prince de Brocéliande», «La mémoire du vent» et plein d’autres titres baignés de poésie et noyés entre la ballade, le folk et le celtique.

Un sale dimanche de juin, Anne Vanderlove décédera à 75 ans d’un cancer et les médias n’en parleront même pas !          



1 commentaire:

  1. Une très grande dame, pas un jour ne passe sans que j'écoute au moins un de ses titres. Belle biographie !

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