lundi 14 octobre 2019

DOSSIERS BRÛLANTS – Série TV US (1973-74) – par Claude Toon



Carl et sa mustang jaune
Dans le blog, on parle de films projetés en salle ou disponibles en DVD, ou pas, visibles parfois dans des salles art et essai des grandes villes ou sur certaines chaînes du câble à 0H35, sans parler du streaming… Peut-on rapprocher certaines séries TV de la rubrique cinéma ? Je ne parle pas des soap-opéras comme Amour gloire et beauté ou Plus belle la vie, à savoir des milliers d'épisodes ancrés sur des scénarios creux, des acteurs nuls plantés debout dans un bureau sans livre ni téléphone, s'angoissant pour savoir si Bruce couche avec Ruth ou avec Rebecca… Vous voyez le genre. Non je parle de séries diffusées sur un rythme hebdomadaire, avec des épisodes assez longs, mettant en jeu un fil conducteur intéressant, des personnages truculents et une histoire qui tient en haleine…
L'idée n'est pas de présenter des séries en cours comme Game of Thrones ou Le Bureau des légendes, séries "cultes", bien faites, il faut l'admettre, quelque soit l'intérêt de chacun pour leur thématique, les séries dont seuls les naufragés sur une île déserte ignorent la diffusion ou ne peuvent pas regarder ou se procurer en DVD, saison par saison.

Il y a quelques mois, j'ai revu toutes les saisons de X-files, là aussi une série qui a marqué une époque et un très large public. Rockin' m'a alors parlé d'une série assez ancienne, une seule saison de vingt épisodes, titrée de manière assez vague Dossiers brûlants, confidentielle mais connue des amateurs de réalisations un peu "barrées". Quel rapport ? Et bien Chris Carter, le réalisateur et surtout producteur de X-Files était à l'adolescence fan de cette mini-série trouvant son inspiration dans le surnaturel flippant. On devine la suite : l'idée de X-files tournée vingt ans plus tard (9 saisons +2) aurait germée après avoir vu ces histoires "d'épouvante" pour le moins bon-enfant et à la réalisation a priori… fauchée… Intrigué, je me suis procuré les 2 coffrets de DVD (certes 20 € pièce mais 8 heures pour chaque dizaine d'épisodes).
Ron, Carl et Tony
Quand je dis "série confidentielle", peut-être pour moi… Après deux pilotes de plus d'une heure en 1972-73, le succès est au rendez-vous. La chaîne ABC propose la première série dite "d'épouvante" de l'histoire de la télé. Le public américain frissonne pendant vingt semaines en suivant les aventures d'un journaliste aventureux et passionné d'occultisme nommé Carl Kolchak (Darren McGavin) confronté aux créatures malfaisantes les plus classiques et vedettes des films d'épouvante d'avant-guerre ou de la Hammer : un zombie, des sorciers, une momie aztèque, un robot qui prend son autonomie sauvage, un loup-garou, etc., une vingtaine d'entités malfaisantes qui ont toutes en commun deux objectifs : bouffer ou détruire de l'humain tout en ridiculisant la police.
Quel intérêt pour ces scripts ? Faible car classique. Mais la mise en scène, l'humour et le jeu hilarant des acteurs, Darren McGavin en tête, font de chaque épisode un moment récréatif assez savoureux. Le centre névralgique ou QG est INS, une antenne d'un groupe de presse dans laquelle Carl est censé rédiger des articles sur des sujets que son rédacteur en chef, Tony Vincenzo (Simon Oakland), tentera en vain de lui imposer. Carl est un entêté ingérable et bavard qui n'écoute que son instinct et surtout les fréquences de la police. Dès qu'un crime bizarre est annoncé, il s'échappe de la rédaction pour tenter de résoudre en solo une énigme mystérieuse. L'officier de police de service le fout à la porte, il rentre par la fenêtre. On jette Carl par la fenêtre, il trouvera bien un soupirail, une grille à franchir,  le prince de l'obstination obsessionnelle. Il aura affaire à l'un des maléfices énumérés avant, et… après mille embûches et avoir risqué sa peau, il vaincra le mal… hélas après que toutes les preuves aient disparu, ce qui en fait pour ses pairs un incorrigible mythomane. Tony Vincenzo essayera bien de le virer cent fois, mais le chef est un brave type, colérique mais grand cœur, hypocondriaque en prime. Les armes de Carl : un enregistreur à K7 et un mini-appareil photo à la pellicule souvent confisquée par les autorités…

Hiiiiiiiiiiiiiiiiiii
Darren McGavin ne souhaitera pas tourner une seconde saison, ce qui rend amusants et précieux ces vingt épisodes et évitera sans doute au concept de s'user ou, comme souvent, de trop se répéter. Dans le bureau, il n'est pas le seul. Second journaliste, Ron Updyke (Jack Grinnage), un clone du voisin d'Omer Simpson, bien sapé, roux, coupe de cheveux soigné, petite moustache, costard impeccable, une culture générale immense dans les domaines les plus inutiles et qu'il étale en emmerdant tout le monde. Dernier collaborateur tout aussi pittoresque, Emily Cowles (Ruth McDevitt), mamie octogénaire qui s'occupe de la rubrique cruciverbiste et du courrier du cœur, une alliée de Carl pour agacer Tony, mais surtout parce que passionnée des mystères surgis des enquêtes terrifiantes de Carl… (Titre original : the night stalker, traduisible par "le traqueur de la nuit"). Elle lui déniche plein d'infos…

Côté réalisation, on oscille entre le burlesque de la grande époque et Tex Avery. Carl est un hyperactif dopé au café, engoncé dans un costard bleu délavé, portant une cravate bleu mal nouée et surtout un galurin épuisé, sorte de panama informe qu'il pose trop en arrière façon Marx Brothers… Au grand dam de Tony qui souhaiterait un personnel plus classe… Carl, s'agite, court, fonce à bord de sa mustang jaune tout en alignant les bons mots… La narration est speedée : des scènes courtes et survoltées animées du babille non-stop de Carl qui par ailleurs assure en voix off et sarcastique les commentaires sur les évènements. Une perle à propos de la mort de deux bourgeoises richissimes tuées par un sorcier indien pour leur voler des joyaux, "Les deux enterrements se sont jouées à guichet fermé". Le dialoguiste est vraiment en forme.

Les effets spéciaux sont aux antipodes des standards actuels. Du Grand-Guignol revu train fantôme. Le zombie a juste enfilé une combinaison de mécano marron maculée de tâches rouges et verdâtres, on voit la fermeture éclair 😂😂 !!! Peu importe, la frénésie de la mise en scène, les dialogues qui font mouchent, les gags improbables comme au temps du muet, l'empathie pour le quatuor du journal font le job. Des dizaines de personnages secondaires accentuent la volonté comique de la série. On croisera trois fois Jaws, le géant de James Bond, des flics bornés, des femmes très fatales… Franchement hilarant…

J'avais des craintes côté image vue l'époque… Le label a fait un effort méritant pour numériser et offrir une photographie nette et colorée. Curieusement, la voix française de Carl en français (Marc de Georgi) très nasale comme Daffy duck est plus drôle que celle de l'acteur…

Je suis bon public, mais franchement merci Rockin pour ces vingt séances kitsch de 50 minutes vraiment poilantes.

2 coffrets DVD chez l'éditeur Elephant films (l'éditeur n'a pu mettre les 2 téléfilms pilotes. Les droits de "The Night Stalker + The Night Strangler" étant possédés par MGM) :

L'épisode Retour aux sources (Le générique est assez pourri, mal restauré, un mystère…). Plusieurs autres sont disponibles sur You Tube pour rigoler (disponibles jusqu'à quand ?)



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