VICTOR
JARA : LE CHANT DU ROSSIGNOL
Depuis déjà bien longtemps je voulais parler de Victor Jara. Cette année cela fait dix ans qu’il fût enterré officiellement et il est temps de rendre hommage au mythe et au martyre. El pueblo unido jamàs serà vencido !
L’Histoire
avec une grande Hache !
1973 fût une année plutôt sombre pour
la planète, entre la guerre du Kippour, le front Polisario, le scandale du
Watergate, le début des bombardements américains sur le Cambodge et surtout le
coup d’état militaire au Chili qui sera la pierre noire de l’époque. Qui n’a
jamais entendu au moins une fois dans sa vie le nom de Victor Jara, Ce chanteur poète
chilien qui défendra ses idées jusqu’au martyre. Né de parents paysans et
modestes dans une plantation en 1932.
Vivant dans une grande pauvreté, Victor allait avec ses frères et sœurs
ramasser du bois de chauffage et ramasser de l’herbe pour les cochons que la
famille élevait. Entre la violence et l’abus d’alcool de son père et sa mère Amanda qui le soir chantait des chansons en
s’accompagnant à la guitare tout n’est pas rose. Sa mère, malgré les
difficultés rencontrées insiste pour que ses enfants soient scolarisés. La
famille Jara
déménage à Santiago et sa mère fera plusieurs petits travaux. Ce sera sa mère
qui lui aurait appris les rudiments de la guitare et un résident du quartier
lui donnera des leçons supplémentaires trouvant le jeune garçon plutôt doué
pour composer des chansons. Il verra rarement sa mère toujours au travail, elle
décédera alors que ce dernier a quinze ans et sera profondément bouleversée par
sa mort.
Un
prêtre l’encourage à s’inscrire à un séminaire. Jara appréciait la musique qu’il
avait entendue et chantée au séminaire mais il n’est pas fait pour les
exigences de la prêtrise et en particulier celle du célibat. Après deux années
passées, il quitte le séminaire en 1952
et dix jours plus tard il est enrôlé dans l’armée chilienne. Le futur chanteur
et poète révolutionnaire quittera l’armée au grade de sergent de première classe
avec un rapport élogieux. Après son retour à Santiago, il erre sans but,
habitant chez des amis et travaillant comme infirmier ; Sa vie artistique
commencera quand il passera une audition pour rejoindre la chorale de
l’Université du Chili. Passée avec succès, il apparaît sur scène dans les «Carmina Burana»
de Carl Orff déguisé en moine.
VIOLETA PARRA |
Il va
ensuite se rendre dans le nord du pays pour se familiariser avec la musique
folklorique. Il rencontrera un groupe d’étudiant du théâtre de Santiago qui
vont l’encourager à s’inscrire au programme de théâtre de l’Université du
Chili. Il apparaîtra dans plusieurs pièces surtout dans celles qui ont un thème
social comme les oeuvres de Maxim Gorky. A la fin des années
50, il rencontre deux femmes qui vont changer le cour de sa vie. La
première est Joan Turner Bunster une danseuse et professeure de danse d'origine
britannique mariée à une vedette de ballet chilienne. Après la rupture de son
mariage, elle et victor connaissent
une relation amoureuse, ils se marieront en 1965 et élèveront deux enfants, Amanda et Manuela la fille de Joan issue de son
premier mariage. La seconde sera Violeta Parra l’artiste chilienne qui mettra à l’honneur la
musique populaire et traditionnelle de son pays au-delà de ses frontières. Et
pourtant celle qui chantait «Gracia a la vida» («Merci
la vie», reprise plus tard par Joan Baez) se suicidera en 1967 à l’âge de 49 ans. Il l’a
rencontrera après l’avoir entendue à Santiago en 1957, elle créera des centres communautaires musicaux appelés «peñas». Jara assimilera les
leçons et rejoindra un groupe folklorique appelé Cuncumén.
Victor Jara était aussi très intéressé par le théâtre et pendant neuf
ans il sera le metteur en scène à l’institut de théâtre de l’Université du
Chili. Mais la musique prend de plus en plus de place dans sa vie et il
commencera à écrire ses propres chansons. Ses premier titres étaient personnels
et autobiographiques, ce ne sera que quand il jouera dans les peñas que les sujets devindront plus variés. En 1966, il sort son premier album «Canto a lo humano». Des le début
de sa carrière, il avait le chic pour contrarier les chiliens conservateurs avec
«La beata», une chanson comique traditionnelle qui
dépeignait une femme religieuse ayant le béguin pour un prêtre. La chanson fut
interdite en radio et retirée des magasins de disques, mais la controverse ne
fera qu’ajouter à sa réputation parmi les jeunes et progressistes chiliens. Victor Jara va s’identifier au mouvement social de gauche
dirigé par le socialiste Salvador Allende. Après des visites à Cuba et en Union
Soviétique, il rejoindra le parti communiste. A la même époque, il sera le
directeur artistique du groupe Quilapayún.
EN FAMILLE |
Les chansons de Jara ont reçu l’étiquette «nueva canción» (Nouvelle
chanson) et le genre s’est développé
dans divers pays d’Amérique latine, mais Jara comptait parmi les créateurs les plus en
vue. En 1967, il sortira deux albums
«Canciones
folclóricas de América« avec Quilapayún qui sera consacré disque d’argent
et «El verso
es una Paloma». Sa popularité était due non seulement à ses
compétences en écriture, mais également à son pouvoir exceptionnel en tant
qu’interprète. En 1969 sort l’album «Te recuerdo
Amanda»,
Jara
prendra un virage décisif dans la confrontation politique avec la chanson «Preguntas por Puerto
Montt» qui visait un responsable du gouvernement de Eduardo Frei Montalva qui avait ordonné à la police
d’attaquer des squatters dans la ville de Puerto Montt. Après l’assassinat du
responsable, Victor
Jara sera passé à tabac par des responsables de droite.
SALVADOR ALLENDE |
Il composera le titre «Venceremos»
la chanson thème du mouvement de l’unité populaire de Salvador
Allende dont il saluera l’élection à
la présidence en 1970. Avec
son épouse ils seront les principaux acteurs de la renaissance culturelle, il
mettra en musique des poèmes de Pablo Neruda et
se produira lors d’une cérémonie envers ce dernier après qu’il ait reçu le prix
Nobel de littérature en 1972. Mais
le 11 septembre 1973 le coup d’état
du général Pinochet renverse le gouvernement d’Allende. Après avoir chanté dans une exposition avant
de rejoindre Allende au palais présidentiel, il
est enlevé par les militaires. Emprisonné à l’Estadio Chile avec 6000
autres militants de gauche, il soutient et encourage ses camarades de
détention. Détenu pendant quatre jours, privé de nourriture et de sommeil, il
sera torturé. Les soldats lui fracturent les mains puis lui tranchent les
doigts et lui disent d’essayer de jouer de la guitare. Mais Jara
a continué à chanter «Venceremos» pour ses codétenus et à écrire de
nouvelles chansons décrivant le carnage se déroulant dans le stade. Il
arrivera à les faires sortir clandestinement grâce à un prisonnier qui a survécu.
Il sera transféré à l’Estadio Nacional ou il sera emmené dans une zone déserte,
puis abattu, il est retrouvé avec 44 impacts de balles et cinq autres personnes.
Emmené à la morgue de Santiago, sa femme a été autorisée à
récupérer le corps et à l'enterrer à la condition de ne pas faire connaître
l'événement.
4 décembre 2009, Joan Jara (à g.) |
Il faudra attendre les années 90 pour que le Chili commence à se libéraliser et retrouve les enregistrements de Victor Jara qui pendant de nombreuse années avaient été réduits au silence.
Dans les années 2000 les
enregistrements seront réédités chez AOL Time Warner. Plusieurs jeunes
musiciens chiliens feront des albums hommage.
36 ans après sa mort, le vendredi 4
décembre 2009 près de 5000 personnes
lui rendront un dernier hommage. Sa femme Joan Jara a déclaré : «Ils pouvaient le tuer,
mais ils ne pouvaient pas tuer ses chansons». Le
stade ou Victor
Jara passa ses derniers jours porte à présent son nom.
Jusqu'à ce jour, j'ignorai tout de cet homme.
RépondreSupprimerTout à coup, je me demande si le morceau "Frappe Avec Ta Tête" (album Loin Des Yeux De L'Occident) de Daniel Balavoine n'ait pas un hommage à ce martyre.
Sous la torture, derrière les murs,
les yeux remplis d'effroi,
l'homme aux vœux purs souffre et endure,
les coups sourds de la loi...
A court d'idées ils t'ont coupé et la langue et les doigts,
pour t'empêcher de t'exprimer, mais ils ne savent pas,
qu'on ne se bât pas contre les hommes, qui peuvent tout surtout pour ce qu'ils croient...
Le morceau étant juste dédié: à l'écrivain Argentin.
Tous a fait cher(e) inconnu(e) ! Les paroles de Balavoine ce rapporte bien au martyr vécu par Victor Jara ! Sauf une chose, ils ne lui ont coupés que les doigts pas la langue, bien que en lui coupant les doigts,ils pensaient pouvoir le museler.
RépondreSupprimerD'ou mon doute. Mais c'est étrange comme en lisant votre papier, j'ai instantanément fait la relation avec cet incroyable morceau de l'éternel Daniel. Quel morceau !!! Et pourtant, il y a bien longtemps que je ne l'avais pas réécouté.
RépondreSupprimerJ'avais déjà fait le lien avec le titre de Balavoine après l'avoir vu au Palais des Sport de Paris en 1984. http://ledeblocnot.blogspot.com/2017/03/daniel-balavoine-au-palais-des-sports.html
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