Élément complémentaire à rajouter dans la riche série des pépites oubliés, fruit unique d'un groupe qui mit tous ses efforts et ses espoirs dans la réalisation d'un disque. Si, cette fois-ci, les musiciens avaient déjà un bagage derrière eux (avec plusieurs 45 tours et au moins un 33 tours), cette galette eut raison de leur foi et de leur pugnacité.
Disons le simplement : STEPSON, c'est du Heavy-rock'n'roll sale et brut. Et la production est à l'avenant. Au point où cette galette, bien qu'intégralement réalisée en studio, dégage la sainte odeur de l'enregistrement en public capté dans une salle comble de Détroit. Que du bonheur.
La voix de Jeff Hawks a été enregistré avec les vu-mètres dans le rouge, saturant les enceintes dès qu'il pousse sa voix. La Gibson SG de Joey Newman qui crachote, expectore ses chorus et ses riffs dans un souffle fiévreux ; la Fender Precision de Bruce Hauser qui, bien que de prime abord plutôt veloutée, bave un peu sur les côté, comme si la membrane de son ampli était en passe de se désolidariser du socle. Le batteur, quant à lui, est plus sage, se contentant de frapper comme une brutasse et de fracasser les cymbales qu'il apprécie particulièrement . La routine, quoi...
Bref, le son, volontairement ou non, fait dans le crade, n'étant pas loin de rivaliser avec les Pink Fairies dans le style hérissé, encombré de toutes parts d'aspérités. En apparence dépourvu d'overdubs, on pourrait croire qu'il s'agit de bonnes prises live. La production est de Bob D'Orleans, producteur attitré de la société Windfall, qui n'a laissé qu'une trace notable à travers son travail pour Mountain, West, Bruce & Laing et Leslie West.
Seul, en de très rares occasions, l'orgue de Jimmy "Scooter" Greenspoon est venu essayer, autant que faire se peut, de temporiser l' abrasive âpreté de cette galette.
Stepson n'était pas à proprement parler un groupe de jeunots, puisque que Joey Newman et Jeff Hawks avaient appris à se connaître à Los Angeles, au sein de Don & The Goodtimes, auteur d'une grosse poignée de 45 tours, et de trois 33 tours, qui ont vu le jour de 1964 à 1968. Rien de mirobolant dans ce groupe de Pop qui tente d'allier les Beach Boys aux Small Faces dans une approche plus édulcorée. Joey Newman a même été un membre de The Osmonds, et, bien que non crédité, il aurait contribué à leur hit international "Crazy Horses". Il est d'ailleurs bien étonnant que ce bon titre de Heavy-glam-rock soit de la seule plume des frères Osmonds tant il dénote avec le reste de leur discographie (1).
Lenny Fagan est l'un des fondateurs de Wichita Fall, un groupe axé sur les mélodies Pop mais qui parallèlement peut être assimilé à la genèse du Rock progressif. Malheureusement, sans qu'il puisse rien maîtriser, le label a rajouté un orchestre transformant ainsi leur unique disque, "Life Is a But Dream" (réédition Cherry Red), en pièce pompeuse et soporifique. Après une aventure avortée dans un Blues-rock jazzy à cause du label, il se lie à des anciens d'Iron Butterfly pour se plonger dans le Hard-rock pur et dur. C'est l'embryon de Stepson, car lorsque Erik Braunn les quitte, c'est Joey Newman qui prend sa place à la six-cordes. Cependant, en dépit d'un premier disque en cours de préparation sous l'aile d'Elektra, le groupe, épuisé non par les heures sur la route et les planches mais un excès de soirées animées et de fiesta, raccroche.
Len Fagan rebondit rapidement avec Jeff Hawks et Bruce Hauser. Ce dernier a bourlingué dans diverses formations pendant une bonne partie des sixties, et a conclu la décennie par un album de Rock-progressif avec le collectif Touch.
Ces trois là et deux autres larrons forment Lil' Bit. Une énième formation qui finit par se décourager.
En 1972, Jeff Hawks a l'opportunité d'avoir accès à un studio, le Stronghold Rehearsal Studio, grâce à un pote producteur. Il rappelle alors Bruce et Len et, ensemble, avec l'aide de Leslie Craig Tarwater (The sons of Adams de Randy Holden, Arthur Lee, Love), entament des jams et quelques enregistrements. Enfin, après une première session d'enregistrements, Joey Newman retrouve ses anciens partenaires. Une alchimie se crée et les morceaux affluent. Ce qui n'empêche pas un travail acharné pour les mener à maturité.
Seulement voilà, il est difficile de marier une activité soutenue à arpenter les scènes de Californie et des états limitrophes - le groupe joue parfois à la même affiche que Mountain, Steely Dan, Three Dog Night, Quick Messendger Service, Guess Who ou T-Rex, dans de grandes salles et jusqu'à des stades - à un travail sérieux et appliqué en studio.
Ainsi, emporté par sa fougue et son irrépressible envie de fouler les planches, Stepson se laisse emporter dans le flux incessant des tournées, les sessions studios s'espacent. C'est pourquoi le disque ne sort définitivement qu'en 1974. Le label ABC - une boîte qui ne s'est jamais distinguée pour son implication dans le Rock lourd avec seulement deux entités à son catalogue (Steppenwolf et James Gang) - ne s'est pas non plus démené pour aider ou encourager ses recrues. Il n'accorde d'ailleurs aucune promotion à cet album éponyme qui sort pratiquement dans l'indifférence. Malgré le petit encart gratifiant de quelques magazines, dont Billboard et Rolling Stones.
Cependant, sa réputation est parvenue à traverser les décennies jusqu'à devenir l'un de ces fameux disques cultes, rares et avidement recherchés. Des critiques s’empressent de qualifier ce Heavy-boogie-rock couillu de Cock-rock, ou d'un des meilleurs exemple de musique de Detroit (alors que c'était un groupe californien). Aujourd'hui, il en est à sa quatrième réédition en cd et à la seconde en vinyle.
Dans l'ensemble, Stepson s'emploie à déployer un Heavy-boogie-rock viril, du Street-rock comme l'appelèrent certains de ses musiciens. A ce titre "Rule in the Book" exsude le sel du ZZ-Top première période, tandis que le postillonnant et abrasif "Lil' Bit", avec l'aide de l'harmonica de Jeff Simmons (2), balance comme un J. Geils Band exalté (qui, au passage, aurait embarqué Brian Bennet, le batteur des Shadows). Et "Turnpike", bien que parlant de l'insouciance du hippie, flirte avec le Status Quo de "Hello" et "Quo".
Parfois c'est le Blues qui prend les rênes, comme l'atteste le slow-blues à la structure classique (et au solo typé Billy Gibbons) "Man I'm a Fool", ou encore "Suffer" qui s'apparente fortement au "Blues On Me" de Swony White en plus hargneux et torride ; nettement plus Hard-blues que Blues-rock.
Dans ce brouet de guitares qui grésillent et de basses qui ronronnent, le savoureux "I Apologize" est une accalmie, un instant de relative fraîcheur ; une ballade au parfum Soul dont l'orgue et les chœurs plongent leurs racines dans les 60's, sinon dans le Grease Band de Joe Cocker.
Avec "Back to Bama" c'est la fusion du Rock'n'Roll de Little Richard et des Flamin' Groovies avec l'impertinence du MC5.
Ça finit même en beauté avec le pesant "Burnin' Hurt", pur Hard-blues, bien gras, échappé de la sphère de Mountain.
Absolument rien à écarter sur cette galette, même la petite concession qu'est la reprise de "It's My Life"(3) qui s'intègre parfaitement aux dix titres et à ses trente-huit minutes de très bon Rock'n'Roll.
A classer avec les Head Over Heels, Frost, The Boyzz, Humble Pie, Detroit, Brownsville Station.
Après cet album, la plupart des musiciens quittent l'incertitude de la route pour se réfugier chez Elektra en tant que musiciens permanents de session. Joey Newman réalise un album mou de Funk-rock avec un petit succès à la clef. Bruce Hauser finit par tout lâcher dans les années 80, et devient informaticien jusqu'à sa retraite. Mais tous évoquent avec nostalgie les années "Stepson". Leurs meilleures années dans le monde de la musique.
(1) "Crazy Horses" a même été repris par les Danois de Pretty Maids, quasiment tel quel. Ainsi que le trio Tank, fils spirituel de Motörhead.
(2) Jeff Simmons, multi-intrumentistes (guitare, basse, piano, harmonica et chanteur), membre des Mothers of Invention de Frank Zappa.
(3) Succès de 1965 des Animals (composé par Atkins & D'Errico).
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