Jean-Charles Foucrier |
Cet excellent ouvrage de l'universitaire Jean-Charles Foucrier vient combler de
manière très exhaustive une bibliographie souvent inégale sur les recherches et
découvertes des années 1920 à 1945, soit de la fin de la grande Guerre à la
Capitulation japonaise, et leur implication dans la guerre froide. Des sujets
phares encombrent les étagères : le projet Manhattan
et la destruction d'Hiroshima et Nagasaki, la machine de décryptage des
messages nazi codés avec l'appareil Enigma
qu'Alan Turing pirata avec adresse (son
destin tragique en ayant fait l'icône d'une prouesse dans laquelle il n'était pourtant
pas le seul participant ; voir le film Imitation Game).
Côté médecine et bactériologie, seul le nom de Joseph
Mengele, le psychopathe sadique d'Auschwitz reste célèbre au
point d'alimenter littérature et cinéma (Ces enfants qui
venait du Brésil). Il n'était pas le seul charlatan maléfique… On
parle bien peu de ceux qui, à l'inverse, en Angleterre, en France et aux USA ont
mis au point des traitements pour soigner les victimes d'infection, du paludisme,
du typhus…
Jean-Charles Foucrier est un
historien. Ce livre ne contient aucune équation ou formule chimique. Un ouvrage
qui s'adresse aux passionnés de l'indicible deuxième conflit mondial et ses
dizaines de millions de morts. "On ne juge pas les vainqueurs" est le
titre du chapitre 8. L'auteur fait preuve d'une grande probité intellectuelle.
Si les nazis et les japonais furent condamnés pour les atrocités commises dans
les camps de concentration, il dresse un réquisitoire sur les expériences
réalisées, certes avec des protocoles plus humains, par des équipes US, sur des
"volontaires" en fin de vie ou rémunérés dans les prisons. Un exemple
de test : la tolérance aux injections de plutonium à faible dose sur des
"cobayes" non informés. De toute façon, ce métal obtenu de manière
artificielle et qui raya de la carte Nagasaki était totalement inconnu du grand
public car synthétisé tardivement en 1940 à Berkeley, une découverte tenue
secrète, le mensonge par omission était facile.
Penicilline en 1945 |
*Ironie macabre
de la recherche, le trio montra l'efficacité de la pénicilline par des tests
réussis au-delà de tout espoir sur des rats infectés. Si ces hommes avaient
tenté de prouver la valeur thérapeutique de l'antibiotique sur des cobayes (des
cochons d'Inde comme ma Roumi), les animaux seraient tous morts et les travaux
sur la pénicilline remis à plus tard. Une tentative de sauver un Bobby victime de septicémie semble miraculeuse, mais hélas seules quatre doses sont disponibles ! Le policier ne survivra pas faute de poursuite du traitement.
Colossus : le premier ordinateur électronique anglais et ses 2400 tubes électroniques ! Il décryptait les messages nazis de type Lorenz plus ardus que ceux d'Enigma |
Justement parlons de V2 et de Werner
von Braun qui fera fabriquer par des milliers d'esclaves ses
missiles. Après la capitulation, les alliés font leur marché de cerveaux. von Braun échappe à tout procès et enverra
Armstrong sur la Lune. Si les apprentis
Frankenstein collègues de Mengele
(lui-même refugié en Argentine) sont pendus à Nuremberg, d'autres ayant
"exercé" à Dachau sur des
martyres soumis au vide intégral trouveront un job dans leur compétence outre
Atlantique ! Pire, l'homologue japonais de Mengele,
Shirō Ishii, agit dans l'effroyable unité
731 en Chine, travaillant sur la Peste et autres germes mortels, vivisectant
des prisonniers vivants, leurs injectant d'horrifiques toxines (500 000 morts dans
cette zone et en Mandchourie en expérimentant des bombes bactériologiques). Ce criminel hors norme sera
protégé secrètement par le général Mac Arthur en échange de ses
dossiers médicaux. Mac Arthur était une brute
narcissique, mais il était le vainqueur. Que ses soldats prisonniers aient servi de cobayes ? Bof !
Erwin Ding-Schuler, le bourreau de Buchenwald (1912-1945 - suicide) Shirō Ishii, le frankenstein nippon de la zone 731 (1892-1959) et les immondes transactions avec Mac Arthur pour sauver sa peau. |
Ce livre est une mine d'or pour les passionnés de
science et d'histoire. Il est clair, bien écrit et même parfois cocasse, surprenant en regard
du sujet et de la part d'un universitaire. Par ailleurs il
soulève un point important et dramatique. La fuite des cerveaux mis aux
enchères en 1945 a conduit à prolonger jusqu'à nos jours des recherches sans
doute inavouables dans leur méthode… Un petit regret : aucune illustration ou
photo.
Les sujets
principaux :
1. L'Angleterre en guerre : le radar,
les micros ondes, les sonars, la cryptographie (Enigma).
2. La bombe nucléaire, les origines
(le projet Manhattan n'est pas détaillé, la bibliographie étant déjà
pléthorique)
3. Le typhus (enfer à Buchenwald,
succès à l'institut Pasteur), le paludisme, vaccin et traitement
4. Les décrypteurs géniaux en
Pologne, la guerre des décodeurs,
5. L'informatique voit le jour…
6. L'éthique n'est pas toujours
l'apanage des vainqueurs
Perrin – 450 pages – disponible en e-book
Les soldats ont aussi parfois fait les frais d'expériences involontaires.
RépondreSupprimerQuant à Wernher Von Braun, avant d'envoyer des hommes sur la lune, il a permis aux américains de développer leurs missiles.
L'Amérique a récupéré de nombreux cerveaux Allemands et nazis (évidemment, les deux n'allant pas nécessairement de pair), en effaçant leur passé nazi (pour ceux qui en avait un). Quelques uns seraient parvenus à intégrer les bureaux de défenses. Les Soviétiques ont fait de même.
Aujourd'hui, on dénonce également, bien que petit joueurs, l'Angleterre et la France ?
Oui Bruno, le livre en parle aussi. Les soldats allemands étaient gavés d'amphétamines de choc qui annihilait tout besoin de dormir, de fatigue de peur... Des robots combattants. Il n'y avait pas qu'eux je pense... Vraiment un bouquin très complet et surtout au style très fluide et précis !
RépondreSupprimerUn ancien officier subalterne (ancien vétéran de la 2sd guerre mondiale et autres) me raconta qu'il y avait une très forte suspicion d'utilisation - et d'expériences - de drogues diverses par les Américains sur leurs propres militaires dès les années 50.
SupprimerD'ailleurs, ils avaient bien récupéré également des travaux de Shiro Ishii, pour en faire des armes biologiques rapidement utilisées en Corée.
Tant d'énergie et de temps dépensés pour répandre une mort aveugle et atroce.
On va se pencher sur ce livre