mercredi 31 juillet 2019

The INMATES "Fast Foward" (1989), by Bruno





      A la vue de cet album comme première chronique dans les pages du Deblocnot', les fans de The Inmates risquent fort de débarquer dans le bureau pour crier leur mécontentement. Voire de demander la démission  de l'auteur de ces lignes (en même temps, ce n'est pas comme si on était payé ... même pas un tee-shirt, encore moins un disque ... les temps sont durs). En effet, bien généralement, ce n'est pas par ce disque que l'on aborde ce groupe qui a la capacité de rester bien profondément ancré dans le cœur de ses fans. 
Pire, à sa sortie, cet album de 1989 a parfois été décrit par certains comme une trahison. (?) Trop lourd et flirtant parfois avec le Hard-rock. C'est pousser le bouchon un peu loin. D'autant que c'est, avec "Shot in the Dark", l'un des albums préférés de Peter Staines.


   The Inmates
revenaient de loin. De très loin même puisque la plupart de ses membres, découragés, dépités, étaient prêts à mettre la clef sous la porte s'il n'y avait eu un événement marquant. En 1987, quelques gars du journal Libération planchent sur une soirée en hommage des Beatles. Précisément, pour le vingtième anniversaire de "Sgt. Peppers Lonely Heart's Club Band". En autres, ils contactent donc The Inmates. Choix étrange pour Bill Hurley qu'il avoue avoir un peu oublié les Beatles, et qu'il est plutôt "Rolling Stones". Mais, bon, il en prend son parti et accepte de faire un effort ; d'autant que le public français leur est fidèle depuis le premier album, "First Offence". Ce même Bill Hurley dira même plus tard que c'est le public français qui a sauvé le groupe 
à un moment.

     En tout cas, toutes les critiques présentes s'accordent pour témoigner que la prestation des Inmates est le clou de la chaude soirée. Fort heureusement, cette épiphanie est enregistrée et éditée sous le titre "The Inmates Meets The Beatles". The Inmates jouent bien du Beatles mais sans se compromettre ni se contenter de la reprise appliquée et fidèle. Le quintet y injecte morgue et souffle Rock'n'Roll. Des petits malins écrivent que c'est du Beatles joué avec la rugosité crasseuse des Stones. Un truc comme ça. Quoi qu'il en soit, ce concert est une franche réussite et le disque une tuerie, qui s'impose comme l'un des meilleurs live de la décennie.

     Galvanisés par ce succès inattendu, les Inmates rentrent de nouveau en studio et pondent simplement un de leurs meilleurs opus. Bien qu'encore produit par Vic Maile (1) qui les suit depuis le début, le son a été durci.

La basse et la batterie sont plus en avant, et Peter Gunn a pris goût à brancher ses Gibson dans des amplis en surchauffe. Les riffs sont plus carrés et "rentre-dedans". Il lâche dans l'urgence, à l'aide de sa 335, des chorus concis et fiévreux. A l'image du titre d'ouverture, "Movin' On", une véritable tuerie, qui devrait être reprise par tout groupe rock, punk ou hard. Une de leurs nombreuses scies.
Sur "Next To You", c'est une autre forme d'attaque qui est mise en pratique. Plus mesurée et aussi plus sournoise. Un morceau filou dont les larges espaces ponctués de power-chords ébréchés par une manipulation nerveuse du sélecteur de micro (un vieux truc) et habillé d'une seule note d'orgue fantomatique emprunté aux films de la Hammer.

 "Turn Back the Hands of Time" fend progressivement le brouillard pour laisser de chauds rayons de soleil réconforter les cœurs légers, avec un doux parfum de Sam Cooke et d'Otis Redding. A l'origine bien plus gracile avec Tyrone Davis (1968), il prend ici un air plus dramatique et profond. Bill Hurley a bien plus d'âme que n'importe quel (pseudo) chanteur d'aujourd'hui se prétendant héritier de la Soul.

"Dangerous Love" - composition de Pete - retrouve la sève Rock'n'Roll des débuts du quintet, avec cependant ce son relativement plus gras et une morgue sous-jacente qui ne les lâche plus. Avec "Footdown", l'ami Pete en profite pour placer un nouveau Rock'n'Roll, bien ancré dans les 50's cette fois-ci ; entre Gene Vincent et Eddie Cochran. Un morceau qui s'avère un peu léger au milieu de la chaleur torride de ce Pub-rock cossu, 


"Sweet Nuthin' " redresse la barre, et ramène le groupe dans les bas fonds londoniens, les clubs enfumés et les pubs les plus festifs et les plus généreux en bière (biiièèèrree !!!). Sur cette pièce, la guitare rythmique prend une teinte
 d'Alvin Lee du temps de Ten Years After. Étonnant ce hit de 1959, interprété initialement (sous l'orthographe de "Sweet Nothings") par ce petit bout de femme, Brenda Lee, qui avait ce timbre singulier qui allie fragilité d'une ingénue et rugosité d'un vieux briscard ; un titre qui porte en lui les prémices d'un Rock carré, rugueux et canaille. Ce que prouve d'ailleurs les Inmates en gommant simplement les violons pour laisser la place aux grattes.Du beurre fondu pour Bill Hurley.
Transfiguration du "Everything's Allright" - dont l'original de The Mojos (1er groupe d'Ansley Dunbar) ressemble à du John Barry en mode Rhythm'n'Blues - qui l'amène dans un roadster montant dans les tours et usant prématurément sa gomme sur un bitume brûlant.
Cette version enterre sans effort celle de David Bowie ("Pin Ups" 1973).

Plus étonnant, alors que jusqu'à présent, sur cet album, le collectif a tendance à durcir ses reprises, il fait l'inverse avec "Bad Influence". Ce morceau de Robert Cray, à l'origine plus rythmé et latin, devient ici une belle pièce de Soul coincée entre la ballade appuyée et la road-song sentimentale. Et là encore, la reprise s'avère plus savoureuse que l'original.

"You're Too Much" retrouve l'essence des 50's. Presley et Cochran avec un son ébouriffé et crade qui séduiraient The Cramps.

Final sur une reprise d'Ike & Tina Turner (1965), "Goodbye So Long", qui, une fois n'est pas coutume, ne parvient pas à retrouver la verve et la fougue du couple sulfureux.

     Un excellent album de Rock, servi par le meilleur groupe dit de Pub-Rock, aux influences 60's (Creedence, Stones, Otis Redding, Chuck Berry, Kinks, Pretty Things, entre autres), sublimé par Bill Hurley qui fut cité par Robert Plant comme l'un des meilleurs chanteurs anglais.

     A noter la présence de Gypie Mayo (le guitariste de Dr Feelgood) qui est venu prêter son concours pour l'enregistrement de quelques pièces de l'album, notamment sur "Bad Influence". Mayo qui remplacera parfois au pied levé Peter Gunn.


(1) Célèbre producteur connus pour son travail pour Motörhead ("Overkill", "Bomber", "Ace of Spades" et "No Sleep 'til Hammersmith"), Fleetwood Mac, Dr Feelgood, Eddie & The Hot Rods, Girslchool, The Godfathers, The Screaming Blue Messiah, ). C'est son dernier travail pour les Inmates car hélas, il décède cette année, en 1989, des suites d'un cancer à l'âge de 45 ans.



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