lundi 1 juillet 2019

TERRES RARES de Sandro Veronesi (2014) – par Nema M.




Sonia regarde par-dessus l’épaule de Nema qui est en train d’écrire la chronique :
- Encore une histoire de mines ? Des mines de terres rares ? Avec des grosses machines toutes pourries qui creusent et qui détruisent la planète ?
- Mais non Sonia, ne monte pas sur tes grands chevaux d’écologiste à deux balles ! C’est un roman italien, plein de rebondissements, il n’y a qu’une petite allusion à ces terres rares… d’ailleurs il y a peut-être un autre sens à donner à ces terres, des territoires plus imaginaires que tes fameuses mines ? À découvrir en lisant ce palpitant bouquin.

Sandro Veronesi
Terres rares. On ne comprend le titre que très, très loin dans l’avancement de la lecture de ce roman au héros vibrionnant. Plutôt que de terres, il est question de voitures. De voitures achetées à crédit, crédits non remboursés et donc reprises des voitures par la société Super Car, mandatée à cet effet. Super Car se charge également d’une remise rapide en état et de la revente de ces véhicules. Voici en quelques mots le cadre dans lequel le héros, Pietro Paladini, se situe dès le début de son histoire. Car il s’agit d’une tranche de vie de ce Pietro Paladini, associé à Lello (Raffaele Pica) dans la société Super Car et normalement en charge des reventes de voitures.
Pietro Paladini a 51 ans, est veuf, installé à Rome depuis la mort de sa femme Lara, père d’une grande adolescente de 18 ans, Claudia, et plus ou moins en couple avec une jolie femme un peu marginale qu’il appelle D. elle-même mère de deux petits garçons, Kevin et Eden. Pietro a également un frère Carlo, exilé en Amérique Latine et une belle sœur Marta, la sœur de sa femme Lara. Et aussi une belle-mère. Mais ça, on le découvre surtout à la fin de l’histoire. Bref, c’est italien donc la famille c’est très important.

Quelle histoire ! Je vous préviens, ce récit à la première personne est très mouvementé. Toutefois, le chapitre 10 n’est pas à la première personne, mais est comme une sorte de grande parenthèse, l’histoire du traumatisme de Marco Tardiolo, suite à l’abandon par sa fiancée (qui conduit à des embarras plutôt… emmerdants au sens propre, si on peut dire, parce que vous verrez c’est plutôt pas propre du tout). Un chapitre de transition pour la suite du récit.

Audi Q3 Advanced
Donc, le début des aventures commence par la nécessité pour Pietro d’aller récupérer une voiture, une Audi Q3, à la place de Lello. L’Audi a été « donnée » a une fille, une sorte de ??? « Croques, tu t’en repentiras après », belle à se damner, avec ses cheveux noirs et parfumés. La villa où loge cette magnifique Rozy Malaparte (Rossana Bonavolontà pour l’état civil) est dans un coin du bord de mer pas si idéal qu’on pourrait le croire, malgré les palmiers et les agaves. La fille a une fille, encore un bébé, environ deux ans, qui se coince les doigts dans une porte, ce qui amène Pietro, l’Audi, Rozy et le bébé hurlant aux urgences d’un hôpital pour enfant. Fatale erreur. Car si le bébé se remet très bien, le Pietro troublé et perturbé va se faire avoir et l’Audi va se faire la malle. Avec bien entendu Rozy-Rossana. Et un Pietro qui cogite beaucoup sur sa mésaventure. Et sur une autre mésaventure survenue à Kevin. Et sur le rôle de père et la souffrance d’un père devant la douleur de son enfant, ou de l’enfant d’un autre. Accessoirement, Pietro perd son téléphone portable. On s’aperçoit que ces satanés smartphones ne sont pas des accessoires mais des ficelles magiques, indispensables pour joindre ses proches, ses relations, ceux dont on peut avoir besoin. Coupées les ficelles, que reste-t-il ? Un trou noir dans la mémoire avec zéro numéro de téléphone. Galère…
De retour à son bureau, Pietro reprend petit à petit pied dans le monde civilisé (à savoir là où il y a possibilité de téléphoner). Mais un évènement grave et survenu : la perquisition des locaux de la Super Car. A partir de là, descente dans le monde terrifiant des magouilles à plus ou moins grande échelle. Lello, qui a disparu, permet à Pietro de comprendre petit à petit les activités de la Super Car (grâce à la magie d’internet et des recoins des messageries quand on laisse les messages dans les brouillons…). C’est profondément horrible. Pietro s’enfuit. Au passage, je vous signale qu’il aura récupérer l’Audi, un vrai personnage dans cette histoire, une bonne grosse présence amicale et sur laquelle notre héros peut compter.  

Il s’enfuit à Milan, ville où il a habité du temps de son mariage avec Lara. Il espère y retrouver Claudia, sa fille. En effet, en cette période de circonstances négatives pour ce pauvre Pietro, elle vient justement de fuguer de Rome pour aller chez sa tante à Milan. Grâce à son ancienne secrétaire, Pietro aura l’appui d’une avocate haute en couleur mais très efficace et pourra ainsi y voir un peu plus clair concernant son implication dans les magouilles de la Super Car. Plus clair certes mais quand même pas totalement.

Sans tout dévoiler de ses aventures et de ses réflexions, sachez que Pietro sera de nouveau au contact avec son frère Carlo, puis avec sa belle-mère. Qu’il comprendra beaucoup de choses sur sa famille. Qu’il découvrira en Suisse auprès de sa belle-mère, une histoire de terres rares en Amérique Latine. Il aura aussi un moment d’intenses émotions avec sa fille Claudia, adolescente avec encore des larmes d’enfant mais déjà dotée de cette subtile beauté de la femme qui pointe le bout de son nez derrière les mèches de cheveux rebelles.
Ce roman foisonnant de personnages et de situations rocambolesques, nous donne à travers les monologues de Pietro des temps de réflexion sur les relations entre membres d’une même famille et la difficulté à comprendre l’autre et finalement à se comprendre soi-même.

Né en 1959 à Florence, Sandro Veronesi fait tout d’abord des études d’architecte puis devient écrivain. Un certain nombre de ses romans ont été adaptés au cinéma dont Chaos calme (prix Fémina étranger en 2008, porté à l’écran en Italie en 2011 par Antonello Grimaldi, avec Nanni Moretti sous le titre Caos calmo). À noter que dans Chaos calme, on découvre Pietro Paladini au tournant majeur de sa vie, au moment de la mort de Lara. Si vous voulez donner un visage à Pietro, allez voir la bande annonce de ce film et imaginez-le environ 10 ans plus tard…

Très rythmé, agréable à lire, évidemment très italien (regard de l’homme italien sur les femmes, leur beauté, leurs secrets, leur malice… mais aussi, l’Italie des « combinazione », Rome et ses quartiers de banlieue, et Milan la fière avec ses immeubles cossus). 

Bonne lecture et bon voyage !
Editeur Grasset
476 pages (le Livre de Poche)




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