mercredi 3 juillet 2019

RUFUS BLACK "Rise Up" (2017), by Bruno


     Dès que retentissent les premières notes de "Shut Up" - la chanson -, ce petit disque sorti de nulle part vous saisit et ne vous lâche plus. C'est à la fois rafraîchissant et galvanisant. Un mélange équilibré de Devo ("Working in the Coal Mine"), de Cheap-Trick, de Wilson Pickett et de Eli "Paperboy" Reed. Avec le son qui va avec. C'est mat, pâtiné, organique. Ça respire la prise live à plein nez.

Les batteurs apprécieront le jeu aérien et appuyé de Russ Parker qui doit renouveler mensuellement son stock de cymbales tant ces dernières sont sollicitées. Et les bassiste le jeu groovy et ferme, entre Soul et Heavy-rock 70's, de Leighton Allen.
Avec une pièce d'introduction d'une telle intensité, on peut craindre qu'en comparaison, la suite ne paraîsse fade. Or, il n'en est rien. Si le groupe change quelque peu de registre, et ralentit le tempo, il maintient l'intérêt.
Ainsi, "Make A Move", qui débute comme une simple ballade Soulful, se jette tête la première dans une forme de Heavy-soul-rock qui évoque irrévocablement Free. C'est au point où le chanteur, Gavin Conder, devient, l'instant de cette chanson, le quasi-sosie vocal de Paul Rodgers. L'orchestration est à l'avenant, en particulier la frappe robuste et ferme dans la continuité d'un Simon Kirke.

La suite avec l'attractif "It's Your Thing" dans une très bonne version coincée entre l'originale (de 1969) des Isley Brothers et celle de Snooks Eaglin', confirme que Rufus Black n'est pas un groupe de manchots, d'amateurs à la petite semaine.

     En fait, cette formation est le fruit de professionnels qui ont pris l'habitude de se réunir pour prendre ensemble du bon temps, en interprétant le plus simplement du monde la musique qui les fait kiffer, tressaillir, vibrer. Des réunions informelles pour se ressourcer avec de saines vibrations régénératrices. Sans avoir la sensation d'aller au turbin, en devant prendre soin de bien respecter le cahier des charges du patron, et surtout, en prenant soin de ne pas lui faire de l'ombre, sous peine de voir son contrat rompu pour incompatibilité d'humeur.
De ces rencontres parsemées de jams et de reprises est né un matériel plus personnel à la saveur proche des classiques de la Soul, du Blues et du Rock millésimé 60's-70's.

     Ensuite, il n'a fallu qu'un pas pour qu'ils se produisent sur scène, en tant qu'entité propre, et non pas sous l'autorité d'un employeur. Autre degré de satisfaction.

     Parmi ces cachetonneurs de la profession, on retrouve le guitariste Scott McKeon, (fervent adepte de la Fender Stratocaster, heureux propriétaire d'une de 62 presque - aussi élimée que celle de Gallagher - et concepteur d'une pédale de Fuzz qui fait l'unanimité - du moins avec des simples bobinages -), qui est parvenu à se faire un petit nom en accompagnant  depuis quelques années Tom Jones. Les fans de télé-crochet reconnaîtront peut-être le guitariste Ben Jones, qui, lorsqu'il n'accompagne pas un artiste en tournée, fait partie de l'orchestre de l'émission "The Voice". C'est aussi un habitué du célèbre club londonien le Ronnie Scott's où il dévoile son inclinaison jazz-rock. 

     Ce "Shut Up" est donc un savoureux cocktail de chansons puissament relevé de Soul fiévreuse, de Funk burné et de bon Rock roots (entre Creedence, Free et The Faces).

   "Whisky Town" dévoile remarquablement une autre facette, dans une atmosphère introspective et un spleen moite proche de Free. Le superbe solo, tout en nuance et en retenue, laisse transparaître l'influence digérée de David Gilmour et de Paul Kossof.

   Bien plus surprenant, le combo reprend "Can't Feel My Face", le tube de R&B gluant (pléonasme) de The Weeknd. Encore des vendus ! Horreur ! (malheur). Et bien non, car leur interprétation et le grain de leur sonorité transforment cette bouse en une belle pièce de Soul millésimé 60's. Un véritable coup de baguette magique transformant la grenouille en charmante princesse.
Rufus Black, c'est comme une bonne binouse après le labeur

   Malheureusement, le soufflet retombe avec une énième version du ultra rabâché "I Just Want Make Love To You" (Willie Dixon), qui ne fait aucunement avancer le schmilblick. Dommage. On pourrait presque en dire autant avec la reprise de "Take Me To the River" (Sam Cooke, M. Hodges). Le fait de placer côte à côte ces deux scies, de plus en fin de parcours, non seulement grève la bonne tenue de l'album, mais donne la sensation d'un subit déficit d'imagination.

C'est bien loin d'être mauvais, ou même passable, au contraire, c'est juste que ce sont des titres usés jusqu'à la corde. En particulier en ce qui concerne l'ultra rabâché "I Just Want Make Love To You" dont la petite inflexion funky ne parvient pas à le renouveller. Seule véritable bémol.

   Un disque sans prétention, qui fait le job. Celui d'une musique authentique et sans fard ; sans pathos et à la douce patine vintage. Un disque plus travaillé et subtil qu'il n'y paraît (l'écoute "play loud", ou au casque, dévoile à tous les niveaux une grande maîtrise du son)



 
🎼🎶♬

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