MALICORNE - "EN PUBLIC" (1979) - par Pat Slade

Retour aux sources de la musique et du chant français de nos provinces. Il y a eu plusieurs groupes qui ont flirté avec le genre en y mélangeant le folk des années 70 comme Mélusine, la Bamboche ou Malicorne et quarante ans plus tard, cela fait du bien à réécouter.

Le Voyage au Moyen-âge

Gabriel Yacoub

Oyez oyez gentes dames et damoiseaux, Bienvenue dans l’univers de Malicorne. Il était une fois une époque où la France sortait d’une guerre où la maréchaussée eut maille à faire face à la jeunesse de France estudiantine de la jeune faculté de la Sorbonne (Construite en l’an de grâce 1253), où les pavés volèrent de la rue Coupe-Gueule et la rue des Portes devenue depuis la rue de la Sorbonne. A cette même époque les bretons envahirent les bacs de disques et un certains Alan Stivell, breton de son état allait remplir l’Olympia avec un jeune homme de vingt ans à ses côtés qui se prénommait Gabriel Yacoub. Beaucoup de personnes crurent que Gabriel Yacoub avait des origines bretonnes, alors que pas du tout… puisque né d’un père d’origine libanaise et d’une mère native du Loiret. Très vite il va forger son goût pour le folk en écoutant Woody Guthrie, Bob Dylan ou Donovan. Il formera avec deux amis de lycée le trio New Ragged Company. Il évoluera ensuite vers le folk irlandais et anglais. Il jouera en duo avec son pote flamand le violoniste René Wermeer.

Après quelques virées en Angleterre, il plonge dans l’histoire bretonne au côté d’Alan Stivell (Ou se trouve également Dan Ar Braz) pendant près de deux ans. Il y jouera de la guitare, du banjo et du dulcimer. Même si il a fait partie du renouveau de la musique celtique en France, il n’est pas facile de chanter dans une langue qui n’est pas la sienne. Le Gaélique et le brittonique du harpiste breton ne lui conviennent plus et il décide de quitter la formation pour chanter le répertoire traditionnel français.

Peu de temps avant la création de Malicorne, il enregistre un album expérimental avec son épouse Marie Yacoub «Pierre de Grenoble». Ce n’est pas un album de Malicorne même si il est maintenant intégré à la discographie du groupe. Le succès de l’album sera à l’origine du renouveau de la musique traditionnelle en France.

Le nombre de musiciens passés par Malicorne est digne de l’annuaire des postes et télécommunications (Qui, pour information, disparaitra définitivement en décembre 2019), plus quelques invités comme Dan Ar Braz, Michel  Santangelli et Jean-Michel Kajdan. Le succès de «Pierre de Grenoble» fera le lien à la création du groupe et aux enregistrements qui vont suivre. C’est entouré de sa femme et de deux autres musiciens, Laurent Vercambre et Hugues de Courson qu'il fonde le groupe. Son nom est dû au hasard, en route pour le deuxième festival du Kertalg suite à une déviation du coté du Mans, ils passèrent par un village du nom de Malicorne-sur-Sarthe, trouvant le nom très poétique, ils l’adoptèrent.

Après un second album en 1975 «Malicorne 2» qui aura du succès avec un disque d’or, ils sortiront l’année suivante l’emblématique «Almanach». Un album-concept en douze titres traditionnels qui à ce jour s’est vendu à plus de 500.000 exemplaires à travers le monde et reste l’album le plus vendu du groupe. Trois albums suivront jusqu’à leurs premier live en 1979.

Et aussi étrange que cela puisse paraître, Malicorne passera deux soirs au El Casino de Montréal où ils enregistreront cet album. Un mélange d’instruments comme le dulcimer, l’épinette, le mandoloncelle, le cromorne (Genre de hautbois baroque recourbé à l’extrémité), le nyckelharpa (Violon d’origine suédoise de la famille de la vièle) auquel vient se mêler les instruments modernes et les vocaux.

Tout commence par un talking de Gabriel Yacoub : «…... des chansons traditionnelles pour la plupart, qui ont la particularité d'avoir été faites par des gens dont ce n'était pas la profession de faire des chansons, ce qui fait leur charme.». «La semaine» commence le concert, l’histoire de la semaine d’un paysan suivie d’un gig au violon et d’un branle. Sur les huit titres de l’album, ce ne seront pas moins de cinq inédits que l’on pourra trouver. Mais aussi les classiques du groupe comme «Le Mariage Anglais», une belle ballade à la composition élaborée qui raconte l’histoire de la fille d’un roi français obligée d’épouser un anglais pour des raisons politiques. «Le Prince d’Orange», un traditionnel à cappella avec de superbes voix en harmonie. Une chanson anti-guerre comme le disent les paroles, l’histoire d’un prince français blessé à mort par l’armée anglaise. De «L’Ecolier Assassin» à «Pierre de Grenoble» en passant par «La Danse des Damnés» tous le charme des chants d’antan de nos provinces ressurgit. Pour finir leur prestation, le groupe fera participer le public sur un titre à cappella «C’est le Mai».

Malicorne 2015

«En Public» est un très bon live pour se plonger dans le monde de Malicorne, un monde avec une atmosphère et une ambiance d’où ressurgit une époque oubliée dans le capharnaüm musical de l’époque.

Le groupe se séparera en 1981 pour se réformer en 1984 le temps d’une tournée et de trois albums. On ne les retrouvera ensuite qu'en 2010, le temps d’un concert exceptionnel au Francofolies de La Rochelle. Il en résultera un album et un DVD. Malicorne donnera son unique et dernier concert lors du festival du chant de marin de Paimpol. 34 ans après «Pierre de Grenoble», Le chaudron des influences divers de Malicorne reste en bouche comme un bon alcool alambiqué avec goût.