samedi 13 juillet 2019

BERLIOZ – Symphonie Funèbre et Triomphale (1840) – Colin DAVIS (1969) – par Claude Toon Taratatsointsoin



- MAIS VOUS ÊTES DINGUE M'SIEUR CLAUDE, ON NE S'ENTEND PLUS DANS LA RÉDACTION… Seul M'sieur Pat est mort de rire, il est dans le coup ?
- Je prépare nos lecteurs aux festivités de demain Sonia… Là, on entend, ou on subit, une symphonie pour harmonie de Berlioz pour fêter le 10ème anniversaire de la révolution de 1830…
- Mais il n'y a que des cuivres ou des vents, une fanfare de géants, toujours aussi barré le Hector… Franchement ce n'est pas de la dentelle ce truc… hi hihihi
- Non, mais pour une fanfare, c'est diablement bien écrit… Un peu un gag, nous commençons les articles courts et farfelus de l'été…
- Ah oui exact. J'espère qu'après la Fête Nationale, nous aurons des musiques plus douces et ensoleillées pour se faire bronzer…
- Bien entendu ma petite chérie, mettez de la crème, protégez votre peau… Au Deblocnot, on fait même dans la prévention en santé publique…

Berlioz en 1840
Le tableau de Delacroix "La liberté guidant le peuple" illustrait la pochette du vinyle original de cette interprétation du plus berliozien des maestros du XXème siècle, je veux parler de Sir Colin Davis. Les anglais aiment notre compositeur national puisque John Eliot Gardiner a repris le flambeau une génération plus tard. Il est très pompier ce tableau, la robuste guerrière figurant la Liberté en perd son soutif ! Ah les artistes, ils arrivent toujours à caser du sexy dans les situations les plus improbables😀.
1830 : Le roi Charles X s'embourbe dans les derniers soubresauts de la Restauration qui, après l'exil définitif de Napoléon Ier après Waterloo, a ramené sur le trône Louis XVIII. Tous ceux qui ont lu Les Misérables de Victor Hugo savent dans quel degré de misère le peuple de France paye à lui-seul les conséquences de la révolution de 1789. Du 27 au 29 juillet, trois jours surnommés "les trois glorieuses", les parisiens se soulèvent, dressent des barricades. Gavroche comme 800 autres manifestants meurent sous les balles réelles de la répression, Lino Ventura sauve Javert de l'exécution en fuyant par les égouts… Heu, je mélange un peu tout là. Vous suivez ? Exit Charles X et les Bourbons et arrivée de Louis-Philippe de la famille d'Orléans qui institue une monarchie constitutionnelle. Paris et la France retrouvent leur calme jusqu'en 1848, date ou Louis-Napoléon Bonaparte prendra le pouvoir suite à une autre insurrection et mettra en place la IIème république avant de trahir une nouvelle fois la démocratie en se faisant sacré Empereur du Second Empire en 1852.
Pourquoi ce petit cours d'histoire ? Pour préciser le contexte de la composition de la très cocardière mais diablement bien orchestrée Symphonie Funèbre et Triomphale. En 1830, on tente une révolution politique, Berlioz, lui, révolutionne la musique romantique avec sa dantesque symphonie fantastique (Clic). Œuvre évidement incomprise par les conservateurs mais encensée par les modernistes comme Liszt. Berlioz gagne ses galons de compositeur influent et d'inventeur de l'orchestration nouvelle manière.  
1840 : Louis-Philippe cherche une idée pour calmer la grogne face à sa politique calamiteuse. Il fait érigé la colonne de juillet place de la Bastille en mémoire des victimes des "trois glorieuses". Il charge son ministre de l'intérieur Charles de Rémusat du gouvernement Thiers de passer commande d'une œuvre musicale imposante pour marquer cet anniversaire. Berlioz est sollicité, ravi il se met au travail rapidement même si il a peur que l'apothéose finale soit trop pompeuse. (Qu'est-ce que cela aurait été sans ces scrupules😂.) On doit jouer l'ouvrage lors du transfert des cendres des victimes de 1830 au cénotaphe qui supporte le célèbre génie doré qui a une patte en l'air. Berlioz qui n'a peur de rien a mis un uniforme pour diriger sa symphonie le 28 juillet 1840. Dans une cohue indescriptible, certains musiciens fatigués d'attendre se font la malle… Heureusement, le compositeur a prévu une harmonie d'environ 200 musiciens (10 fanfares municipales au bas mot). Le journal satirique et républicain Le Charivari écrira : "Pendant l’inhumation, M. Emberlificoz fera exécuter sa défunte marche funèbre. Quelques charrettes mal graissées augmenteront le pittoresque de sa composition". Wagner qui n'aimait guère Berlioz parlera pourtant de chef-d'œuvre en comparant Berlioz à Beethoven
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On peut s'attendre à une musique totalement oubliable car de circonstance, et bien sous réserve d'aimer les cuivres survoltés et les marches tantôt funèbres, tantôt glorieuses, on peut trouver du plaisir amusé à écouter cet ovni musical. Je me suis amusé à faire le bilan de l'effectif en termes d'orchestration à partir de la partition ; accrochez-vous :
4 picolos, 5 flutes, 5 hautbois, 21 clarinettes en 3 groupes (?!) + 2 clarinettes basses, 8 bassons + 1 contrebasson, 12 cors, 22 trombones de divers types et un trombone basse. 2 tubas, 8 tambours, 3 paires de cymbales, une grosse caisse, des timbales, un tamtam et curieusement, à partir de 1842 des violoncelles et des contrebasses que l'on n'entend guère… Enfin, un chœur final.
De nos jours, on joue en salle avec un effectif plus modeste qui fait ressortir les trouvailles et nuances qui font que cette étrange symphonie n'est pas à jeter aux orties des nanars musicaux. Il faut dire que l'écriture complexe n'est pas vraiment prévue pour des amateurs, notamment le solo de trombone du premier mouvement. Bien entendu Colin Davis l'a enregistrée dans les années 60 avec l'orchestre symphonique de Londres avec des pupitres de bois d'une justesse sans faille et des cuivres éclatants.

L'ouvrage comporte trois mouvements :
1.  Marche funèbre : certains y voient l'influence de celle de la symphonie "héroïque" de Beethoven. Mouais ! Berlioz adopte un ton dramatique là où Beethoven jouait la carte du pathétisme avec une harmonie bien modeste…
2.  Oraison funèbre : un passage qui tourne le dos à la musique militaire. Presque intimiste, empreint de nostalgie, ce qui est surprenant avec ce type d’orchestration. La page fait la part belle aux solos instrumentaux. 
3.  Apothéose : le texte ajouté en 1842 d'Anthony Deschamps (pas Didier) est d'une banalité patriotique assez affligeante, mais au moins cette conclusion est brève. A noter qu'au départ, le titre était "symphonie militaire". Lors de l'ajout du chœur et des cordes, la partition prit son nom actuel et devient ainsi plus adaptée à une exécution en concert.
Rien de plus à commenter. Idéal pour se réveiller le matin, par contre à deux heures du mat' et à fond la caisse, vous risquez la visite du GIGN…
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1 commentaire:

  1. La funèbre et triomphale, le premier disque que j'ai acheté avec mon argent de poche. La version de Davis chez Philips "Trésors Classiques" dans le cycle Berlioz pour le centenaire de sa mort. Quelle oeuvre !!! Mais une toute petite chose m'a toujours gêné, c'est l'accent du John Alldis Choir sur le choeur final :"SOUIVEZ les séraphins, soldats divins...". Bon ! je chipote un peut ! Il existe aussi une belle version par l'orchestre de la garde républicaine. Je m'étonne que tu n'ai pas parlé du "Prélude aux Troyens à Carthage" et de la "Marche funèbre de Hamlet" qui complétait l'album. Enfin Bref ! Voila une oeuvre qui te remet les idées et les oreilles en place le samedi matin !!!!

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