- Houhou
M'sieur Claude, il y a une coquille dans votre papier sur la 39ème
symphonie de Mozart, dans l'orchestration vous avez oublié les hautbois…
- Ce n'est
pas un oubli Sonia. La partition n'en prévoit pas… Par contre, vous avez deux clarinettes,
instruments que découvrait Mozart avec enthousiasme…
- Ah bon ! Ah
oui c'est vrai, il écrira même un quintette et un concerto, tous les deux assez
célèbres, surtout le concerto dont vous avez parlé, joué par Benny Goodman.
- Fichtre
c'est vrai, l'une de mes premières chroniques en 2011, que le temps passe…
- Je crois
avoir déjà entendu parler de Trevor PInnock, mais il n'a encore jamais été au
centre d'une chronique d'après l'index…
- Exact, j'avais
mentionné son disque consacré aux concertos pour violons de Bach. Comme
Harnoncourt, Gardiner ou d'autres, cet artiste venu du baroque se penche sur
l'époque classique avec vitalité.
Trevor Pinnock |
Petit rappel : on répartit les symphonies
de Mozart en deux groupes, les N° 1 à 20,
œuvres de jeunesse proches des divertimentos
et les vingt dernières dont l'ambition musicale ne va cesser de croitre
jusqu'à la composition des six dernières qui annoncent le jeune Beethoven voire le romantisme. Et de citer
les deux dernières, la 40ème
et son thème initial si connu et la 41ème
dite "Jupiter". À cela
s'ajoute une petite dizaine de symphonies sans numéro officiel qui sont là
aussi de brillantes ébauches publiées de manière posthume. Mozart
invente au siècle des Lumières la symphonie moderne. Mais il n'est pas le seul,
Haydn apportera aussi une immense pierre à
l'édifice avec ses 104 symphonies. Comme je le
lisais récemment dans une revue spécialisée, on l'oublie trop souvent.
Depuis 1787,
la vie de Mozart a pris un tournant dramatique.
Il n'a plus de protecteur, l'archiduc Léopold
II n'aime pas sa musique et n'apprécie guère la
"Franc-maçonnerie" (à laquelle appartient le compositeur) ni la
personnalité du musicien criblé de dettes mais qui continue de mener un train de
vie fastueux. Seuls des concerts épisodiques permettent au ménage de subsister.
Sa santé est précaire, sans aucun doute les conséquences d'une enfance
épuisante qui a perturbé sa croissance (Mozart
mesurait 1,52 m) et des prémices d'une maladie rénale qui le mènera à la tombe
en décembre 1792 (l'une des
suppositions sérieuses parmi 140 hypothèses). Pour Vienne, Mozart
reste le compositeur d'opéras. Pourtant Don Juan, chanté en italien pour satisfaire la mode qui date de 1787, rencontre un triomphe à Prague lors de la première, mais un succès plus
modeste lors de la création viennoise. Le style de Mozart
est devenu trop riche pour les mélomanes flegmatiques qui composent la
noblesse… Il y aura un lien entre cet opéra admiré par Wagner
qui y voit des influences romantiques et la 39ème
symphonie. (À suivre…). 1788
sera malgré ces difficultés existentielles une année de travail intense comprenant l'écriture des trois dernières symphonies pendant l'été.
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Mozart en 1788 |
28 juin :
Symphonie n° 39 en mi bémol K 543
10 juillet :
Sonatine pour violon et piano
14 juillet :
Trio avec piano K 548
25 juillet :
Symphonie 40 en sol mineur K 550
10 août :
Symphonie 41 en ut "Jupiter" K 551
Trois symphonies d'une durée de 25 à 35 minutes suivant que le
chef fait les reprises ou non, pas des œuvrettes. Il y a un petit mystère concernant
l'opportunité de les avoir écrites !? La dernière mouture dans le genre date de
1786, la 38ème, la symphonie
"de
Prague" qui comme Don Giovanni rencontra un vif succès
dans la ville tchèque mais ne fut sans doute jamais jouée à Vienne dont le
public de plus en plus frivole commençait à bouder la modernité de Mozart. Une symphonie à l'orchestration
beethovénienne et imposante par sa richesse mélodique et héroïque. Les trois
symphonies
de l'été 1788 ne seront pas toutes
jouées de son vivant (seulement la 40ème à Dresde en 1789) ! Les spéculations à propos de la
nécessité pour Mozart de les composer avec
un tel empressement posent donc question. Sans doute le souci de disposer d'une
réserve d'œuvres orchestrales d'envergure prêtes à être données en concert à tout
moment… On peut imaginer aussi que le maître ait voulu se mesurer avec le genre
à titre personnel pour s'évader de ses tourments (sa fille Theresia
Constantia est morte trois jours après l'achèvement de la 39ème
symphonie à l'âge de six mois). On ne connaît même pas la date
des créations, par contre elles ont été éditées en 1797, 11 ans plus tard.
Les orchestrations de Mozart
ne se ressemblent pas souvent. On a expliqué ce fait par la nature de l'effectif
de musiciens dont il disposait lorsque l'ouvrage répondait à une urgence comme
la symphonie N°36
de "Linz"
écrite en trois jours (Clic). Ici, cette raison ne peut pas être
avancée. Mozart a-t-il supprimé la
partie de hautbois pour promouvoir le nouvel instrument à la mode, la
clarinette. Une supposition qui n'engage que moi. Donc, nous avons :
1 flûte, 2 clarinettes, 2 bassons, 2 cors, 2
trompettes, 2 timbales et les cordes (contrebasses et violoncelles jouent à
l'unisson sauf précision sur la portée commune). (Partition)
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Né en 1946
dans le Kent, Trevor Pinnock fait partie
du Gotha des clavecinistes et chefs d'orchestre qui ont redonné son
authenticité aux couleurs et aux styles de la musique baroque ou, comme le
montre l'article du jour, à celle de l'époque classique et du début de l'époque
romantique. Il a suivi toute sa formation dans les écoles les plus
prestigieuses d'Angleterre. Dès 1973,
à la suite des pionniers du retour aux sources comme Nikolaus
Harnoncourt ou Gustav Leonhardt,
il fonde le English Concert composé
d'instrumentistes qui jouent sur des instruments d'époque. Pour mémoire, les
différences notables avec les orchestres modernes sont : cordes en boyaux, diapason
adapté au style ancien, cuivres sans pistons, flûtes en bois (traversières ou à
bec), et surtout effectif réduit au niveau du groupe des cordes pour laisser
respirer l'harmonie.
Si le chef et claveciniste s'est notamment passionné
par Bach et Rameau,
on lui doit cette merveilleuse intégrale des symphonies de Mozart
qui ne quitte jamais le catalogue. En 2003,
il cède la direction de son orchestre au violoniste Andrew
Manze pour poursuivre une carrière internationale.
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Clarinette vers 1785 |
1 - Adagio,
Allegro : Il va devenir d'usage à l'époque d'introduire une
symphonie par un adagio. Innovation chez Mozart dans les symphonies 36 et 38 déjà (la 37 n'existe
plus, une confusion ancienne avec un ouvrage de Michael
Haydn retouchée par Wolfgang), La plupart des symphonies londoniennes
de Joseph Haydn, et encore certaines
symphonies de jeunesse de Beethoven
et de Schubert… Ici, une suite d'accords
puissants de tout l'orchestre en tutti et martelés aux timbales précède un
aimable arpège descendant ; un motif répété trois fois. La musique de Mozart revendique rarement des intentions
philosophiques, mais on ne peut qu'être surpris par la force épique voire brutale
de ces premières mesures. [0:41] Un thème inquiétant sur fond de discret
roulement de timbales se développe pendant l'adagio. Je ne peux éviter
d'établir un rapport avec le dramatisme de l'ouverture de Don Juan.
[2:12] L'allegro débute sereinement sur une mélodie
élégante des cordes agrémentée d'interventions des cors puis des bassons. [2:45]
Une seconde idée plus vaillante notée f
achève de dissiper les nuages qui assombrissent le climat initial. On note très
rapidement la présence marquée des cuivres de l'English Concert, tout comme les
bois, qui ne sont pas noyés dans la masse des cordes aux couleurs
délicieusement râpeuses. Le mouvement suit la forme sonate classique avec sa
belle polyphonie et ses réexpositions ; [4:32] pour l'allegro. Si la forme ne
prétend pas à une inventivité structurelle surprenante, on ne peut nier la
volonté de Mozart de jouer avec
gourmandise sur les contrastes, la vitalité prenant le pas sur la morosité inquiète
de l'adagio très élaboré, il faut en convenir. [7:12] Le développement central
retrouve rapidement quelques accents élégiaques avant la reprise qui conduira à
la conclusion [7:42].
Cor naturel |
3 - Menuet et
Trio : [18:47] Le menuet trépidant est de forme très classique avec la reprise de son thème appuyé et rythmé à [19:56]. [20:29] Le
trio se présente tel un divertissement comme l'aurait écrit Mozart adolescent. Sur une scansion
discrète des cordes, les bois s'amusent, se pourchassent ; une danse de soirée dont
la Vienne conservatrice de ces années-là serait friande. 24 mesures de pure
gaité. Le menuet est repris da capo.
4 – Allegro : [23:11]
Le final se veut trépidant, avec un premier thème vigoureux, plein de sève avec
ses élans agrestes des cors. Le tempo de Trevor Pinnock
est allant. [23:54] une seconde idée surgit discrètement comme un léger galop.
Nous sommes à l'opposé des accords empreints de gravité de l'adagio
introductif. Voici une course folle très colorée. [26:14] Une variation avec de
nouveau ces cors vibrants nous conduira avec humour, en traversant de nombreuses
et réjouissantes joutes des bois jusqu'à une coda brillantissime. La clarté de
la direction de Trevor Pinnock sert à
merveille ces conflits badins entre les pupitres de l'harmonie trop souvent
confus lorsque interprétés par des orchestres moderne dans des captations où les
ingénieurs du son ne se soucient guère des détails. Une réussite totale…
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La discographie des dernières symphonies de Mozart est
bien entendu pléthorique. Elle se répartit depuis quelques décennies en
deux groupes d’enregistrements : ceux interprétés par des orchestres modernes et ceux gravés par des artistes attachés à l'authenticité des couleurs des instruments
anciens. Dans les chroniques précédentes, j’avais déjà parlé des réussites
majeures dues à la première approche : Karl Böhm, romantique avant l'heure mais parfois desservi par le son un peu épais des
grandes philharmonies de Berlin ou
de Vienne. Épais, peut-être, mais quel soyeux des cordes ! Autres grands
noms : Josef Krips à Amsterdam, Otto Klemperer, ou encore en remontant plus
loin Bruno Walter… Dans le second groupe, nous
avions écouté la vision lumineuse de Christopher
Hogwood dans la 28ème symphonie.
Continuons d'explorer le catalogue. Les
interprétations modernes ont encore droit de cité. Aujourd'hui, j'en cite deux
: tout d'abord une intégrale réalisée dans les années 80-90 par le chef
américain James Levine avec la Philharmonie de Vienne, une conception
très vivante, des tempos vif-argent et une prise de son au scalpel. Une valeur
sûre pour ceux que les orchestres de style baroque rebutent (DG – 6/6).
Pour les dernières symphonies de la maturité, Herbert von Karajan a gravé juste avant l'ère du
numérique le cycle qui bénéficie des chaudes couleurs de la philharmonie de Berlin, une conception moins abrupte que
ses captations pour EMI début des 70' (DG – 5/6).
Enfin, pour les symphonies N°39 et 40, René Jacobs et l'orchestre
baroque de Fribourg a signé un disque survolté avec des bois et
des cuivres éclatants. Pour ceux qui aiment les timbres à l'ancienne et la
vitalité sans une métaphysique parfois inappropriée par rapport à la
spontanéité de Mozart, c'est enchanteur !
Mais uniquement pour ceux‑là… (Harmonia-Mundi
– 6/6)
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Tu sens entend dans l'introduction que "Don Giovanni" n'était pas loin (sortie en octobre 1787) comme tu le dis.
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