La chanson, ce n’est pas uniquement la France et tous les pays francophones. Après avoir passé la Méditerranée et mis le pied sur le
continent africain, la richesse de la langue et la culture du Maghreb apporteront
un plus dans la musique.
Idir le renouveau du chant Berbère
Pour
beaucoup de personnes quand on parle du Maghreb en général et de la Kabylie en
particulier, on ne pense qu’à Zinédine Zidane,
même si ce dernier est né à Marseille, ses parents sont d’origine Kabyle. Mais la
Kabylie nous a heureusement donné d’autres talents que celui du ballon rond. Lounès Matoub fait partie de ces Poètes d’expression
kabyle partisans de la laïcité et de la démocratie ; il sera assassiné par un
groupe islamiste. Plus proche de nous, la chanteuse Souad
Massi, elle est né à Alger mais originaire de Tizi Ouzou une des villes
les plus peuplés de kabylie et pour la petite histoire, Edith Piaf a aussi du sang de cette région montagneuse par sa mère
la chanteuse Line Marsa.
Idir, c’est un visage bonhomme, un
léger embonpoint qui rend le personnage sympathique. De faux airs avec Jean Chocun de Try Yann
(Une année les sépare seulement !).
Ce natif des montagnes du Djurdjura est imprégné très jeune par la tradition et
la culture berbère, sa grand-mère et sa mère étaient des poétesses reconnues et
on venait de loin pour les écouter. Au début il ne prévoit pas de monter sur
les planches, il fait des études de géologie et se destine à une carrière dans
l’industrie pétrolière. Ce sera en 1973
qu’il va remplacer au pied levé sur Radio Alger une vedette en chantant un
titre qu’il lui avait composé : «Rsed A Yidess», une berceuse qui
signifie : «Que vienne le sommeil». Un morceau de trois minutes qui ressemble
plus à un morceau yéyé des années 60. Un titre ou l’on entend André Ceccarelli qui se fit connaître comme le batteur des Chats Sauvages puis après celui de
Michel Jonasz, Claude Nougaro, Dee Dee Bridgwater et même sur un album de Tina Turner avant de se tourner
vers le jazz.
«Rsed A Yidess» sera enregistré en 45 tours ainsi qu’un
second «A Vava Inouva» («Mon papa à moi») un morceau plein
de nostalgie avec sa mélodie berbère et sa musique folk des années 70. Un texte
qui évoque les veillées dans les montagnes kabyles et la transmission orale des contes. Cette berceuse était composée par Idir et le poète Ben Mohamed (Ben) pour la chanteuse
Kabyle Nouara,
mais suite à un empêchement de cette dernière, ce sera Idir lui-même qui interprétera le titre à la radio algérienne
accompagné de la chanteuse Mila. Le succès sera immédiat et va allègrement franchir la Méditerranée.
Une seconde version sera enregistrée en 1999
et ce sera la chanteuse de langue gaélique Karen
Matheson qui reprendra le duo. Quand «A Vava Inouva» prendra son envol, Idir
est sous les drapeaux pour une durée de deux ans. Le morceau devient un succès
planétaire, il sera diffusé dans 77 pays et traduit en 15 langues. En 1975 il monte sur Paris appelé par la
maison de disque Pathé Marconi qui veut produire son premier album avec pour
titre «A Vava Inouva» où se
trouve le titre éponyme. Il est considéré comme le premier grand tube venant
d’Afrique du Nord. Mais sa carrière ne s’arrêtera pas à un seul titre, Idir est un artiste discret, après le succès de son
premier album, il faudra attendre trois ans avant qu’il n’enregistre le
second : «Ayarrach
Negh» («A nos enfants»). Il ne se reconnaît pas dans
le monde du show-biz, il aime composer et surtout pour les autres. Après une
série de concerts qui donnera un album live à l’Olympia, il va
disparaître pendant une dizaine d’années en donnant quand même quelques concerts.
En 1991 sort une compilation de dix sept chansons de ses deux premiers
albums qui va relancer sa carrière, il va réenregistrer certains titres comme «A Vava Inouva»
qui reste son cheval de bataille. Deux ans plus tard il enregistre «Les chasseurs de
lumière» ou entre les derboukas, flûtes et autres guitares acoustiques,
pour la première fois une touche de modernisme sera intégrée avec des synthés.
On pourra même entendre un duo avec Alan Stivell. Il livrera en pâture ses nouveaux titres au
public pendant trois soirs à l’Olympia.
C’est un homme qui a des
convictions. Il participe souvent à des concerts pour soutenir différentes
causes. En juin 1995, plus de 6.000
personnes viennent l’applaudir avec Khaled pour un
concert pour la paix, la tolérance et la liberté à l’initiative de l’association
«l’Algérie la vie». Il participera
aussi au concert hommage rendu à Matoub Lounes chanteur
kabyle assassiné en 1998.
Son retour discographique se fera en
1999 avec «Identités». Un album qui réunit
une foule de guest star. Manu Chao, Dan Ar Braz, Maxime le
Forestier, Karen Matheson, Zebda, Gilles Servat, l’Orchestre National
de Barbès et d’autres encore feront partie de l’aventure. En 2001, il organise un grand concert au
Zenith de Paris où, devant une salle comble, des artistes soutiennent la révolte
du peuple kabyle face au pouvoir algérien. Une
série de violentes émeutes et manifestations politiques de militants
kabyles appelée le «Printemps Noir» qui
fera 126 morts et 5000 blessés. L’année suivante, une nouvelle compilation avec
des titres inédits dont un écrit par Jean-Jacques
Goldman : «Pourquoi cette pluie» une chanson sur les pluies
torrentielles qui se sont abattues sur Alger en novembre 2001. En 2005, il
enregistre son premier album live «Entre scènes et terres» et qui va concorder
avec ses trente ans de carrière. Il sortira aussi un DVD qui retrace son
parcours.
En 2007, en pleine campagne présidentielle, Idir sort «La France des couleurs» avec des
invités comme Akhénaton, Grand Corps Malade, Tiken Jah Fakoly
et beaucoup d’autres. 2013 et encore
un album «Idir»
avec quelques reprises à la sauce berbère comme «Tajmilt i Ludwig (Clin d’œil à Ludwig)» Un court
extrait instrumental de l’hymne à la joie, ou «targit» une belle reprise de «Scarborough Fair»
de Simon et Garfunkel. Il reprendra aussi «Behind Blue Eyes»
des Who, mais le morceau sera interprété
uniquement sur scène pour une histoire de droit.
Son dernier album date de 2017 et est bourré de duos tous autant
improbables les uns que les autres : Francis Cabrel,
Patrick Bruel, Charles
Aznavour, Bernard Lavillier, Henri Salvador, Gérard Lenorman, Tryo, Grand Corps Malade, Maxime le
Forestier et aussi avec sa fille Tamina.
On pourra retrouver aussi une belle version de «La corrida» (Takurida)
ainsi que de «La
Bohème».
Idir est un grand monsieur qui fait
tout pour le rapprochement entre les peuples. Un humaniste, précurseur de la
world music dont, même si il reste un homme discret, la voix résonne dans les
montagnes de la Kabylie.
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