- Petit air
de musique de chambre M'sieur Claude après plusieurs semaines vouées à
l'orchestre. Jolie cette mélodie, je l'ai déjà entendue quelque part…
- Oui Sonia,
le thème initial de la sonate pour violon et piano n°5 de Beethoven est à sa
musique de chambre ce que le thème du destin qui frappe à la porte est à la 5ème
symphonie…
- Je vois
dans le titre qu'elle porte le sous-titre "le printemps", un
Beethoven bucolique de la même veine que sa symphonie "pastorale" ?
- Beethoven
n'y est pour rien, c'est une idée de l'éditeur. Par ailleurs, ce n'est pas la
même époque que la 6ème symphonie plus tardive… Mais en effet,
quelle fraîcheur !
- Maria Joäo
Pires a déjà été au centre d'une chronique à propos d'une célèbre sonate de
Mozart. Je ne trouve pas le nom du violoniste…
- Augustin
Dumay est l'un des grands violonistes français ; on l'accueille dans le blog
pour la première fois et avec plaisir…
Beethoven en 1800 |
Il semblerait que cette sonate ait été commencée dès les
années 1794-1795 par un jeune Beethoven dans la vingtaine. Le compositeur
était né en 1770. C'est en 1800-1801 qu'il achèvera sa partition qui
de nous jours porte le numéro d'opus 24. Elle est éditée dès 1801 en même temps que l'opus 23. Comme
souvent dans le domaine de la musique de chambre, les sonates ont été écrites
par groupes à différentes époques du musicien, l'opus 12 publié en 1799 en comporte 4, les opus 23 et 24
sont contemporaines de l'année 1801,
l'opus 30 en réunit 3 et date de 1802,
quant aux deux dernières, les opus 47 "À Kreutzer" et
opus 96, elles seront écrites successivement en 1805 et 1813. Une
remarque s'impose : la plupart des sonates de cette dizaine ont vu le jour sur
une période courte entre 1799 et 1802 donc avant la période
définitivement romantique initiée par Beethoven
avec la symphonie
"héroïque"
de 1803. J'ai tendance à penser en
écoutant le tendre mouvement lent de la 5ème sonate que ledit
romantisme est indéniablement déjà présent dans l'esprit de Beethoven au tournant du XIXème
siècle
La sonate est dédiée au comte Moritz von Fries, un noble très fortuné doublé d'un mécène qui soutiendra
financièrement Beethoven et Schubert. Il n'agira pas en tant que "protecteur"
mais sera plutôt le fidèle des fidèles, ce qui lui vaudra la dédicace de la 7ème symphonie composée en 1812.
On ignore quand la sonate fut jouée officiellement pour
la première fois. Une certitude par contre, cette sonate est l'une des plus
populaires et interprétées de Beethoven
en particulier et du répertoire violon-piano en général…
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Maria Joäo Pires et Augustin Dumay |
1801-1802 : Beethoven, qui contrairement à Mozart
n'a
pas eu le privilège d'accéder au statut de génie dès la plus tendre enfance, devient
un compositeur influent et a produit déjà des œuvres importantes qui vont
marquer l'histoire de la musique : ses deux premières
symphonies, les concertos pour
piano 1 & 2,
le 3ème est en cours de
composition, une dizaine de sonates pour
piano et les six quatuors de l'opus 18. Certes,
il y a ses acouphènes qui le gênent depuis 1796
mais la vraie surdité est à venir. Sans doute le compositeur est-il au stade où comme
chacun on se dit "ça passera…" ce qui hélas ne sera pas le cas. Les
temps sont encore à l'optimisme contrairement aux années 1806-1808 où son handicap le conduira à un état dépressif bipolaire
définitif.
Donc rien d'étonnant que les sonates pour violon et
piano, ouvrages sans virtuosité exigeante et destinés au divertissement haut de
gamme respirent une certaine joie de vivre. Par contre l'écriture se complexifie
nettement par rapport à ce que Mozart
ou Haydn ont pu produire dans le genre.
Chaque sonate dure une bonne vingtaine de minutes et le premier mouvement de la
5ème sonate à lui seul a une durée proche de celle rencontrée
dans des concertos ou des symphonies. Certes la forme reste classique en quatre
mouvements mais on sera déconcerté par le scherzo (appellation nouvelle du
menuet) fort bref qui ne dure qu'une minute, comme si Beethoven
l'avait intégré contraint et forcé sans vraiment croire à son utilité… il le
supprimera dans la sonate "À Kreutzer". Est-ce un ultime respect
des conventions académiques dans la structure sonate ?
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Augustin Dumay est né
en 1949. Si on le connaît comme
violoniste, il est également pianiste et chef d'orchestre. Ses premiers maîtres
au Conservatoire de Paris ont été Roland Charmy
(violon) et Jean Hubeau (piano). Ses
débuts de carrière ont été marqués par des invitations à la Philharmonie de Berlin dirigée par Herbert von Karajan ou Colin Davis.
Comme chef, il a surtout dirigé des ensembles
chambristes et dans ce cadre, il a gravé une intégrale des concertos de Mozart avec la Camerata
Salzburg, à la fois comme soliste et comme maestro. Sa
discographie compte une quarantaine de disques.
Quant à la biographie de Maria
Joäo Pires, voir son interprétation de la sonate
"Turque" de Mozart (Clic).
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1 – Allegro : Le premier
thème est énoncé au violon, thème d'une élégance et une tendresse suffocantes,
lyrique et un soupçon bucolique. Vous allez trouver cette suite d'épithètes
dithyrambique. Elle l'est, car voici l'un de ces traits de pur génie
caractéristiques de l'art de Beethoven,
cette capacité à toucher l'auditeur d'emblée, à le stupéfier, conduisant
parfois ses confrères moins inventifs au découragement, heureusement pas trop… Le piano semble prendre son indépendance, la main droite enchainant de délicats
arpèges ascendants-descendants. Un bloc thématique primesautier et aux accents
printaniers (l'éditeur a dû partager cette impression si il est à l'origine du
sous-titre). Pendant que le violon chante, le piano fait ses gammes pourrait-on
dire. [0:19] Un vaillant et long arpège en crescendo au clavier inverse les
rôles. Le piano parodie dans la foulée (au sens musical) le thème initial proposé
par le violon qui en toute logique rejoue la suite d'arpèges déjà entendue au
piano. [0:39] Après quelques mesures de transition, un second groupe thématique
plus épique apparait. Comme lors de l'introduction, piano et violon
s'interpellent et échangent les motifs de manière ludique. Les deux
instrumentistes organisent un jeu de cachecache vivant et coloré. Lumière
solaire illumine et petite brise souffle sur l'une des pages les plus
sereines jamais écrites par Beethoven.
[2:30] La première reprise applique la forme sonate
stricte, la répétition des groupes thématiques. [4:56] le développement
n'apporte pas un contraste stylistique marqué mais nous entraîne à travers des
variations débridées nourries des motifs initiaux. [5:58] Pseudo reprise sous
forme d'un rappel du second motif du premier thème. [7:14] le compositeur fait
preuve de fantaisie par la présence d'une péroraison en style de cadence en
duo. [8:13] la musique se fait interrogative par l'insertion de quelques
syncopes facétieuses avant d'aborder une coda bien scandée.
2 - Adagio molto espressivo [9:48] :
L'adagio débute par un récitatif élégiaque au violon soutenu par un perpetuum
mobile rythmé sur le pas d'une promenade champêtre au clavier. [11:11] Une
seconde idée pensive mais troublée de quelques éclats constitue la seconde
thématique. La musique s'écoule tel un ruisseau sous la ramure, le violon
suggère des épanchements de galants comme nous l'entendrons dans la symphonie
"pastorale". [14:23] Des échanges concertants des deux instruments surgissent
des frissons, témoins d'un tel émoi que l'on ne peut pas nier que le romantisme
est déjà né dans l'esprit du maître. Le jeu de Maria
Joäo Pires distille chaque note grâce à un legato d'une
précision d'orfèvre mais attention sans sécheresse aucune, plutôt de la sensualité.
Le son des cordes d'Augustin Dumay évite lui
aussi tout vibrato hédoniste au bénéfice d'un timbre soyeux et si je puis dire d'une
virilité en totale osmose avec le phrasé tout en finesse de la pianiste portugaise.
3 - Scherzo: Allegro molto : [16:00]
Comme expliqué plus haut le scherzo est d'une brièveté absolu, trépidant de
plus. [16:25] Le trio est aussi virevoltant avec des arpèges vertigineux voire
frénétiques au violon. Le grand Beethoven
n'a pas cherché une thématique élaborée pour ce qui n'est qu'une simple facétie.
Pour ne fâcher personne en cette époque éprise d'académisme, des reprises sont
prévues mais nos deux artistes fidèles au souci de concision d'une simple page
de partition ne les font pas. Bonne idée…
4 - Rondo:
Allegro ma non troppo : [17:13] Terminer une sonate aussi joyeuse et idyllique
par un rondo est idéal. Un rondo : des couplets et un refrain. Une forme populaire
et chorégraphique, une fête de village. Beethoven
ne déroge pas à la règle qu'il s'impose depuis le début. Le piano n'est pas
l'accompagnateur du violon. Non, les instruments se disputent gaiement la possession
des motifs musicaux. Légèreté et allégresse concluent cette sonate féérique.
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La discographie de ces sonates pour violon et piano
est généreuse, soit en intégrale de 3 CD soit en albums isolés comportant la 5ème
"le
printemps" et la 9ème "à Kreutzer".
Voici trois must :
En 1957, le
violoniste belge Arthur Grumiaux et la pianiste
roumaine Clara Haskil gravent l'un
des sommets de leur collaboration pour Philips
avec une intégrale des sonates. La brillance du son de Grumiaux
et le chant très articulé de son jeu se marient à merveille avec le touché
gracieux et espiègle de Clara.
Pour l'éternité (DECCA – 6/6).
En 1974
paraît un album avec les deux sonates les plus célèbres, au violon Itzhak Perlman, au piano Vladimir Ashkenazy. Pour les critiques
officiels : The référence. À relativiser comme toujours, mais plutôt vrai du
fait de l'engagement des jeunes artistes (à l'époque) pour ces deux œuvres (DECCA – 6/6)
Parution plus récente en 2008, dans un luxueux coffret, l'interprétation charmeuse captée dans
une superbe stéréo d'Isabelle Faust et
Alexandre Melnikov est une concurrente
évidente face à Maria Joäo Pires et Augustin Dumay, CDs mal
réédités en ce moment. (Harmonia Mundi
– 6/6).
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