mercredi 19 juin 2019

ALAMO (1971), by Bruno


     Nouvel élément ajouté au chapitre des pépites « oubliées » (en particulier celles des années 70).- J'aime bien ce chapitre -. Réservé aux bafouilles, sur ces groupes qui ont disparu après avoir réussi à enregistrer et à sortir le fameux premier disque. Le but ultime, l'Eldorado, la Terre Promise, hélas atteint au prix de pénibles et douloureux efforts et qui souvent a servi à donner le coup de grâce à des jeunes la tête pleine de rêves et d'espoir, éreintés par des années de galère, de mauvaise nutrition et de nuits écourtées.
Dans la catégorie des loosers magnifiques, en voici un beau spécimen, ALAMO. Et pour cause, ils se sont sabordés eux-mêmes.

     En dépit de son patronyme, le groupe n'est pas originaire du Texas mais du Tennessee. Précisément de Memphis. Un quatuor formé de musiciens assez expérimentés, en particulier en ce qui concerne le guitariste Larry Raspberry qui a déjà plusieurs enregistrements à son actif, dont un hit national, en 1965, avec The Gentrys et la reprise de "Keep On Dancing". Et, dans une moindre mesure, Ken Woodley, qui venait de Paris Pilot, dont l'unique effort enregistré, de 1969, est produit, arrangé et en grande partie composé par l'ex Mar-KeysDon Nix.

     L'histoire de ce disque est assez singulière dans le sens où, alors que l'avenir s'annonçait radieux, sinon sous de bons auspices avec la signature avec le géant Atlantic, le groupe explose peu de temps après la réalisation de leur premier et unique disque.

Confiant, le label leur avait même organisé une série de concerts, et le présentait à la presse comme le nouveau Led Zeppelin.
Mais à leur retour à la maison, à Memphis, des dissensions éclatent et Larry Raspberry claque la porte. Apparemment, excédé par le despotisme de Ken Woodley, chanteur et organiste, qui, à l'exception d'une chanson co-écrite avec Raspberry, a composé et écrit l'intégralité du répertoire retenu pour le disque. 

     Totalement décontenancé et déçu, Atlantic s'en désintéresse, préférant réserver ses efforts (et sa monnaie) à d'autres formations plus stables. 
Du gâchis.

     Si indéniablement, et en dépit de l'annonce mercantile et dithyrambique d'Atlantic, cette galette ne peut rivaliser avec aucun des disques de Led Zeppelin, elle n'est pas non plus dénuée d'intérêt. Ce n'est pas sans raison que la seule production d'un groupe mort-né soit parvenue à traverser les décennies et ait bénéficié de quatre rééditions en CD.


     En effet, lorsque résonnent les premières notes de "Got To Find Another Way", on comprend l'enthousiasme qu'avaient pu éprouver les commerciaux d'Atlantic. A lui seul ce morceau fusionne Uriah-Heep, Point Blank, Cactus et Steppenwolf. Vraiment. Ça démarre d'ailleurs sur une nappe d'Hammond B3 typée Uriah-Heep (première période) sur laquelle se pâme le riff alangui d'une guitare fuzzy. Le second mouvement brouille les pistes avec un riff hargneux à la Point-Blank, et une batterie binaire qui s'abat subitement tel un gorille fabuleux distribuant à ses fûts des volées de claques dès que retentit le chant âpre et rocailleux de Ken Woodley. Pendant que derrière, la basse tisse des entrelacs de bronze façon Tim Bogert. Un délice.

Un groupe de brutes ? Peut-être, cependant, par esprit de contradiction, "Soft And Gentle" se pointe de suite pour prouver le contraire. Une ballade Soul à l'atmosphère caniculaire, dont remontent parfois quelques senteurs à la Lynyrd Skynyrd. L'orgue est lourd, les doigts rivés sur les touches, jouant avec la tonalité du Jon Lord du Mark I, et la guitare paresseuse, en slow-motion ; devant, la voix est granitique. Lors de long coda où l'orgue récite sa messe, la basse entonne l'air du chant.

   Avec "The World We Seek", l'orgue sonne à nouveau comme celui d'Hensley (un autre Ken) sur cette pièce typiquement Hard-rock ébranlé par un long break teinté de Jazz.  "Question Raised" prend le ton contestataire d'un Steppenwolf, avec l'image d'un freak-biker bouffant des kilomètres de bitume sur son chopper bariolé, son double pot d'échappement crachant des images psychédéliques aux couleurs chatoyantes.


   Sur "Bensome Changes", le chant prend des accents altiers, un peu à la manière d'un Ronnie Van Zant, avec quelques montées d'adrénaline où il rugit comme un guerrier au combat, sur une rythmique brutale et rêche. La référence Steppenwolf surgit à nouveau avec "All New People" . 

"Get the Feelin'" se fait plus léger, plus frais, mais aussi plus nerveux. Du très bon Rhythm'n'Blues énergique coiffant le J. Geils Band - en version live - sur son propre terrain. 


     Autoproduit - Richard Rosebrough, le batteur, a endossé le rôle d'ingénieur du son -  cet unique album éponyme pêche par sa production qui aurait amplement mérité plus d'éclat et de force. Elle ne concorde pas avec ce qui sort normalement du prestigieux label Atlantic. Elle s'appliquerait plutôt à celui d'un honnête travail de valeureux petit labels indépendants de l'époque. Ainsi l'instrumentation peut demander quelques efforts d'attention pour en saisir toute la saveur du détail. 
     Ce Heavy rock rugueux et cru, mâtiné de Southern rock, à grand renfort d'orgue Hammond (entre Jon Lord Mark I et Ken Hensley) et de guitares parfois rageuses, alternant entre le crunchy et le fuzzy, bien mené par un chanteur chanteur-organiste (et compositeur) au timbre rauque et éraillé (entre Jim Rutledge, de Bloodrock, et Wayne Bruce, ... d'Hydra), avait tout pour faire un petit bout de chemin sous les projecteurs des scènes d'Amérique du Nord. 

     A rapprocher de Frijid Pink, Point Blank, Bloodrock, Ancient Grease, Hydra, de Steppenwolf, quelque peu aussi d'Uriah Heep de "Very 'Umble... Very 'Eavy" ou de "Look at Yourself", le tout avec de forts accents de Southern rock plombé. Une réussite.


     Après sa démission précipitée et sans préavis, Larry Raspberry rebondit en formant un groupe dont il a la maîtrise : Larry Raspberry And The Highsteppers. (au moins, comme ça, aucun doute pour savoir qui est le patron). Une troupe de Rhythm'n'Blues énergique . Il jouera aussi avec Don Nix

Le groupe ne résiste pas à ce départ et Ken Woodley se retrouve à faire le musicien de studio (il est présent sur "Take It Or Leave It" et "Morccan Roll" des Variations). Étonnant pour quelqu'un qui aurait composé 93,75 % d'un disque. C'est louche. Il jouera quelques années avec Alex Chilton, à la basse et parfois aux claviers, aux côtés de Richard Rosebrough ; avec qui il fit équipe sur d'autres enregistrements.




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