Frankenheimer, un flic et Hackman |
Le réalisateur est John
Frankenheimer (1930-2002) dont on peut dire que son travail, à défaut d’être
personnel, est solide. On lui doit LE PRISONNIER D’ALCATRAZ (excellent et étonnant film avec
Burt Lancaster, pas celui d’Eastwood), SEPT JOURS EN MAI (Lancaster encore), GRAND
PRIX avec Yves Montand où il filme des courses de bagnoles, quelle idée, LE TRAIN (Lancaster toujours, Jeanne Moreau, Michel Simon), L'ILE
DU DOCTEUR MOREAU (Brando). On oubliera RONIN (1998) avec Robert de Niro et
Jean Reno, virilement filmé à Paris, avec the poursuite de voitures, même qu'on en
avait causé à l’époque dans les journaux tv.
Frankenheimer et William Friedkin étaient amis, le second ayant même travaillé à ses débuts avec le premier. Il y a un air de famille entre leurs deux styles, le choix de Frankenheimer pour réaliser cette suite était donc une bonne idée. D’autant qu'il est francophile, habitait Paris (sur l’Ile de la Cité, autant avoir une belle vue…) ce qui était un avantage sur le tournage.
Frankenheimer et William Friedkin étaient amis, le second ayant même travaillé à ses débuts avec le premier. Il y a un air de famille entre leurs deux styles, le choix de Frankenheimer pour réaliser cette suite était donc une bonne idée. D’autant qu'il est francophile, habitait Paris (sur l’Ile de la Cité, autant avoir une belle vue…) ce qui était un avantage sur le tournage.
Flic ricain vs flic français (on ne rit pas) |
A part Doyle et Charnier, tout
le casting est changé. Faut dire que pas mal de monde est resté sur carreau
dans le premier épisode. Doyle débarque dans la cité phocéenne le 1er
avril (scène classique du chauffeur de taxi radin) où des dizaines de flics les
manches retroussées découpent une tonne de poissons. Ces français qui ne pensent
qu’à becter, préparer la bouillabaisse ? Non, une descente de police après
un coup de fil anonyme annonçant une grosse quantité de drogue dissimulée dans
la cargaison d’un chalutier. Sauf que c’était un poisson d’avril. Les flics
sont fumasses, et Doyle apprend cette tradition française du canular printanier.
Le film va confronter les deux
cultures, américaine et française, notamment sur l’usage des armes et des
interrogatoires aux Stups ! Ce qui est intéressant c’est que le casting
français, Bernard Fresson en tête, parle en anglais en présence de Doyle. Le film
est donc à voir en VO. Pour la VF, Gene Hackman est doublé avec un gros accent
américain caricatural. On n’évite pas ces incohérences où, d’une part, il
comprend tout et parle bien pour les besoins de l’enquête, et d’autre part, peine
à commander un whisky ou draguer des filles dans un bar. Une scène d’ailleurs
longuette et assez bête, je pense qu’un barman français sait ce qu’est un Jack
Daniel’s. « Jacques qui ? » rétorque le gars, arff arff arff… Le
barman est joué par André Penvern, éternel et génial second rôle, l’air un peu
tarte comme Henri Guybet, ils étaient d’ailleurs tous deux dans RABBI JACOB.
Cours, Forrest, cours ! |
La mise en scène renoue avec
les caractéristiques du premier film. Le cahier des charges est respecté, une
photographie un peu glauque, sale (Claude Renoir, grand chef op’), un aspect
documentaire, les bas-fonds marseillais remplacent avantageusement ceux de Big Apple (non, Sonia, pas les "I-Pod et I-Pad sont dans un bateau" de Steve
Jobs) des scènes rentre-dedans, viriles, et des poursuites. Pas en voiture,
évitons trop de redites, mais à pieds, dernière scène sur le port, caméra
portée à l’épaule. Question : Gene Hackman a-t-il couru l'équivalent de 45 marathons pour le tournage ? Bref, on est donc en terrain connu. Et en première page de la bible
(le document qui résume les traits de caractère d’un personnage de fiction, ce
qui se dit souvent à propos des séries télé) le côté forte-tête de Doyle, et ses
bavures. A chaque fois qu’il intervient, sans autorisation, il y a un mort chez
les flics français. Ce que lui fait remarquer Barthélémy, mais aussi le
spectateur, devant ces redondances scénaristiques. A un moment Doyle dit un
truc du genre : « En France, libérer un suspect sous prétexte qu’il n’a
pas avoué, c’est aussi un gag du 1er avril ? ». C’est sûr
qu’au pays d’Harry Callahan, ce genre de pudeur n’est pas de mise. Voir la
scène où Doyle incendie carrément un hôtel – certes miteux – pour se venger des
mauvais traitements qu’il y a subis. Nous on a Maigret, eux ils ont Rambo !
Parmi les grandes séquences d’action,
il y a la descente de flics dans le repère des trafiquants, la fuite de Philippe
Léotard en camionnette (fallait mettre ta ceinture, Philou !) l’attaque du navire sur cales suspecté de convoyer la drogue aux
Etats Unis, improbable mais efficace. Et puis le morceau de bravoure : la désintox de Doyle. Car le
flic est enlevé par la bande de Charnier, le séquestre dans un hôtel de passe, le
bourre d’héroïne.
Jolie scène avec cette vieille anglaise junkie, qui sous prétexte d’apaiser ses douleurs, caresse la main de Doyle, mais lui pique sa montre pour s’acheter sa prochaine dose. Curieusement – pourquoi pas le buter ? - les trafiquants laissent Doyle en vie. C’est une loque, recueilli, soigné, désintoxiqué à la dure par Barthélémy. Si le film met en parallèle les us et coutumes new-yorkais et marseillais, il en va de même pour le style de jeu des comédiens. La scène, très réaliste, permet surtout à Gene Hackman de sortir le grand jeu, sa méthode Actor Studio, je hurle, vocifère, m’écrase la tête aux murs, j’en fais des tonnes, bien loin du jeu de Fresson, droit dans ses bottes. Au passage, chapeau à Bernard Fresson, j’adore cet acteur, à la fois gouailleur (MAX ET LES FERRAILLEURS, LES GALETTES DE PONT AVEN avec le très très très regretté Jean Pierre Marielle) sobre et d’une justesse parfaite, et quel sourire ! Il a souvent joué pour Alain Resnais, mais aussi Buñuel, Enrico (pas Macias), Clouzot, Polanski, Gavras, Deray… Il est décédé en 2002, trois mois après John Frankenheimer.
Jolie scène avec cette vieille anglaise junkie, qui sous prétexte d’apaiser ses douleurs, caresse la main de Doyle, mais lui pique sa montre pour s’acheter sa prochaine dose. Curieusement – pourquoi pas le buter ? - les trafiquants laissent Doyle en vie. C’est une loque, recueilli, soigné, désintoxiqué à la dure par Barthélémy. Si le film met en parallèle les us et coutumes new-yorkais et marseillais, il en va de même pour le style de jeu des comédiens. La scène, très réaliste, permet surtout à Gene Hackman de sortir le grand jeu, sa méthode Actor Studio, je hurle, vocifère, m’écrase la tête aux murs, j’en fais des tonnes, bien loin du jeu de Fresson, droit dans ses bottes. Au passage, chapeau à Bernard Fresson, j’adore cet acteur, à la fois gouailleur (MAX ET LES FERRAILLEURS, LES GALETTES DE PONT AVEN avec le très très très regretté Jean Pierre Marielle) sobre et d’une justesse parfaite, et quel sourire ! Il a souvent joué pour Alain Resnais, mais aussi Buñuel, Enrico (pas Macias), Clouzot, Polanski, Gavras, Deray… Il est décédé en 2002, trois mois après John Frankenheimer.
Il y a tout de même un
sentiment de redite avec cette suite, sans la rudesse, la sécheresse et l’originalité
du premier film. D’ailleurs si certains doutent encore de ce qu’on appelle la
vision d’auteur dans le cinéma, ces deux films en sont la bonne illustration.
Frankenheimer n’est pas Friedkin, CQFD. Le premier avait été un succès
surprise, le second se devait de rentabiliser la mise. Voir Gene Hackman donner
la réplique à Bernard Fresson (ils sont extra tous les deux, mais l’américain
cabotine parfois), Philippe Léotard, Jean Pierre Castaldi ou Roland Blanche,
vaut le détour. C’est du
solide, il y a ce qu’il faut d’action comme de pittoresque, au final un polar
divertissant, sombre, à l’épilogue radical. Mais qui ne fait œuvre de mètre
étalon, comme le premier.
couleur - 2h00 –
format 1 :1.85
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