C’est
septième film de Xavier Dolan, qui s’offre Hollywood, un tournage en anglais,
servi par des stars : Susan Sarandon, Nathalie Portman, Kathy Bates, Jessica
Chastain (enfin… on va y revenir) et pour le casting masculin, Kit Harington,
que seuls les fidèles de la série GAME ON THRONES connaissent, parce qu’à part
ça…
Le
film est traité en flash-back, sur deux époques. On commence par Rupert Turner,
jeune acteur qui publie sa correspondance. Une liaison épistolaire (et pis c’est
tout) lorsqu’il était gamin, avec un acteur célèbre de série
télévisée dont il était fan : John F. Donovan. Qui vient de mourir. La presse s’empare du cas, Rupert Turner donne une interview à une journaliste, à qui il raconte son histoire...
Le
film a été difficile à produire. Un long tournage, et au final un premier
montage de plus de quatre heures, refusé par les producteurs. Le film qui
devait aller à Cannes, n’ira donc pas, Xavier Dolan étant prié de revoir sa copie. Il n'a pas d'autre choix que de couper au montage le rôle de Jessica Chastain (journaliste people odieuse, qui servait à dénoncer le ravage des ragots dans la Mecque du cinéma) qui
disparait de l’écran victime des coups de ciseaux, et avec elle, un pan entier de l'intrigue... La fresque sur le monde du cinéma, la célébrité, les
coulisses nauséabondes du métier, est réduite de moitié. Cimino (LA PORTE DU PARADIS) et Peckinpah (PAT GARRETT) sont passés par là aussi...
John
F. Donovan est adulé des foules, des femmes, et cache son homosexualité. Sa fiancée officielle est juste une amie qui fait paravent aux ragots. Xavier
Dolan en dit beaucoup sur lui-même, à ce propos, de même qu’on le retrouve
aussi à travers le personnage du jeune Rupert Turner, puisque Dolan avouait - alors qu’il
était lui-même un acteur-enfant - avoir écrit à Léonardo Di Caprio, en pleine
vague TITANIC. Un film très personnel, donc, mais j’allais dire, comme d’habitude
chez le cinéaste canadien. Outre les coulisses du métier (Kathy Bates joue l'agent de Donavan, mais on la voit si peu...) avec des scènes
de tournage, on retrouve le grand thème de Dolan, l’enfant en marge, incompris,
différent. Les camarades de Rupert se moquent de lui, le harcèlent, sa maitresse doute de son histoire,
dont il fait un exposé à l’école.
La
figure maternelle est toujours très présente dans les films de Dolan. Elles sont deux, ici. Et
ce sont sans doute les scènes les plus réussies, Nathalie Portman jouant la
mère de Rupert, et Susan Sarandon, celle de JF Donavan. On retrouve aussi les
scènes dites d’hystérie (on sent toujours le cinéma de Pialat) où les personnages dans une pièce se hurlent dessus, sentiments toujours
exacerbés, lyriques (avec la musique à donf qui va avec) et en contre point,
ces moments de bonheur, d’ivresse de vivre, autour de chansons. Sauf qu'on ne retrouve pratiquement que cela, dans une cuisine, une salle de bain, un séjour... La bande son
convoque plein de monde, de Adèle pour le début, Pink, Green Day, Cat Power ou Dalida, et The Verve pour le final.
Bref,
on a envie de dire : rien de très nouveau. Et c’est là que le bât blesse,
car on a à l’écran un empilement de scènes best-of Dolan, des trucs qu’il
maitrise, mais dont il ne semble pas pouvoir sortir. Dans une interview il disait
avoir envie de tout filmer, du western comme de la SF, mais pour le moment, il
reste dans son chemin balisé. Il y avait sans doute plus d’envergure
dans ce projet à l'origine, mais avec un montage réduit de moitié, qu’en reste-t-il ? On
sent que c’est bancal, des trucs arrivent sans prévenir, des idées fusent sans
aboutir, à commencer par l’idée de départ, cette correspondance clandestine
entre un acteur célèbre et un gamin.
Jamais
on nous en explique le principe réel (est-ce vrai ou fantasmé, on aurait
presque voulu que ce soit faux !), les tenants et aboutissants, ou alors
trop peu. Rupert a 11 ans quand lors que la correspondance s’arrête.
Il a donc commencé à écrire à 6 ans… Est-ce possible ? De son point de vue, on comprend le réflexe du fan ultime, mais du côté de l'acteur, qu'est ce qui motive ces lettres ?
Et puis ce qui m'agace, c'est que Dolan filme en très longues focales, donc sur un grand écran scope, on n’a que des visages en gros plan, et du flou tout autour. Sa
mise en scène ne respire pas. On imagine de longues séquences tournées dix
fois, dont on ne garde que des petits bouts, pour être sûr que toutes les
prises soient utilisées. Un montage haché, des plans ultra courts, certes joliment éclairées. Et si les
deux actrices principales sont excellentes, malheureusement ce n’est pas le cas
de Kit Harington, plus transparent, qui dégage peu charisme, de
mystère, pour le personnage qu'il est censé incarné.
Dans
la première scène, la journaliste trouve extrêmement légère l’histoire de Rupert. Un truc de midinette, pas de
quoi en faire la une. Rupert s’emporte, lui dit qu’elle n’a rien compris, qu’il
faut voir les choses au-delà… Sauf qu’elle n’a pas tort ! Et c’était à
Xavier Dolan de nous expliquer pourquoi ce sujet était si profond. Il peine à
le faire. Encore une fois, je pense qu’avec un tel montage fait de bouts de
ficelles, il a essayé de sauver les meubles. Le film, banni, ne sera pas distribué à l’international. Il ne sort qu’en France,
chez Mars Distribution, qui a négocié les droits.
Verra-t-on
un jour le montage intégral ? Xavier Dolan s'est visiblement remis sur pied, puisqu’il a déjà
tourné un nouveau film !
couleur - 2h05 - scope 1:2.35
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