J.S ONDARA "Tales of America" (2019)

ATTENTION : ce disque sera certainement mon gros coup de cœur de 2019.
C'est un vrai petit miracle quand soudain une pépite apparaît au milieu du  flot de daubes mondialisées, tout ce rap/electro/ r'n'bi  produit à la chaîne, sans autre ambition que de faire un max de  vues sur youtube et remplir le tiroir caisse, quitte à vendre son âme et montrer son c** . Alors évidement quand un gus apparaît  seulement  armé de vrais textes, d'une voix  d'une pureté absolue et d'accords folks bien ciselés, ça se remarque. D'ailleurs il a été signé par une major, puisse t'elle maintenant le promouvoir autant que les daubes précitées.

Mais revenons à J.S Ondara, ce jeune artiste de 26 ans est né et a grandi à Nairobi au Kenya, c'est à la radio qu'il découvre la musique , puis plus tard avec les disques de  Neil Young, Ray Lamontagne ou Bob Dylan (son album de chevet est "Freewhelin" du Bob). Ne pouvant acheter une guitare il se contente d'écrire et chanter. Il arrive en Amérique en 2013, chez une tante à Minnéapolis et acquiert  une guitare d'occase. Décidé à suivre les pas de ses idoles il s'investit complètement dans la musique, s'autoproduit et balance quelques vidéos sur le net. La belle histoire commence puisqu'il est remarqué par une radio puis signé par Verve (tu vois Rockin,  internet peut aussi avoir ses bons cotés et ne sert pas qu'à propager la haine, la daube et les fake news).

Lui qui était arrivé aux US alors que Barak Obama - son compatriote d'origines - en était président voit maintenant son pays d'adoption dirigé par un olibrius moisi qui considère l'Afrique comme un "pays de merde", de quoi se poser des questions sur ce fameux "rêve américain"...
Mais pas d'activisme ou de protest song pur et dur chez Ondara qui donne plutôt sa vision  douce amère de l'Amérique non sans une certaine poésie et même de l'amour pour la patrie qui l’accueille.

Ce qui frappe d'entrée sur "American dream" c'est cette voix superbe, juvénile et presque féminine qui curieusement prend parfois brièvement un accent dylanien, les mélodies folk/country sont bien ciselées avec outres les guitares (Mike Viola,  Taylor Goldsmith et Ondara lui même) du fiddle  (Andrew Bird)  et du  violoncelle (Gabe Noel, Evgeny Tonkha), les autres musiciens étant Griffin Goldsmith (percussions), Sebastian Steinberg et Jon Flower (basse) plus des choristes (Joey Ryan, Madison Cunningham, Dinah  Blackwell-Davis (la petite fille de Liza Blackwell dont nous avons souvent parlé dans ce blog, sa mère étant née de la liaison  de Liza et son amant  Miles Davis dans les années 60 à St Germain des Prés). Sur "Torch song" et "Saying Goodbye" ou la vénéneuse "Television girl" J.S. chante les amours qui finissent mal, la voix se fait écorchée , émouvante. Sous le délirant "days of insanity" ("il y a un ours à l'aéroport/ attendant un avion/ il y a une chèvre à la gare/ embarquant sur le train C / il y a un cheval à l’hôpital/ dansant avec un lièvre/  quelqu'un appelle le doctor de l'université/ quelqu'un appelle le sorcier et un magicien/ Quelqu'un appelle le pasteur, le rabbin, le sage/ car arrivent les jours de la folie") se cache une métaphore sur la folie ambiante.  Une belle histoire pour celui qui se définit d'ailleurs comme "un raconteur d'histoire" , entre le griot africain et le bluesman du Mississppi (d'ailleurs la photo de la jaquette a quelque chose des premiers bluesmen, Robert Johnson, Skip James...). "Turkish bandana" chanté  à capella se fait plus mordant sur l'envers du décor et le rêve du migrant qui tourne au cauchemar ("tu rêvais de grandeur/ d'une maison au bord d'un lac/ d’être une sorte de journalistes / et maintenant tu es ouvrier d'usine / ours et vautours te suivent / oh dois je toujours vivre dans la peur de la police?").

Les autres titres présentent aussi ce mélange de  chansons d'amour et de titres sur la justice sociale et le désenchantement, surfant parfois sur les 2 thèmes dans un même titre, en faisant un voyage qui ne laissera pas l'auditeur indemne au cœur de la société américaine, au cœur des populations déplacées,  au cœur des hommes et femmes et de leurs sentiments aussi ; avec mention à l'émouvant "God bless America" où la voix de velours donne la chair de poule.
Assistons nous à la naissance d'un futur grand? L'avenir nous le dira, mais j'ai envie de dire que l'avenir c'est ici et maintenant, alors plongez sans tarder dans ces "contes d’Amérique".
ROCKIN-JL

"J'ai réalisé mon rêve américain. Mon rêve américain à moi était de créer ma propre musique" 
J-S Ondara