À 71 ans, le prolifique Stephen King ne semble pas
vouloir ranger sa machine à écrire (sans doute un traitement de texte
désormais). Entre la SF, le polar ou le fantastique, souvent un mélange des trois,
il y en a pour tous les goûts, d'autant que l'auteur imaginatif arrive bon an
mal an à renouveler les sujets les plus rebattus par des auteurs concurrents,
et cela souvent avec une pincée d'humour noir qui caractérise sa prose.
Je n'ai pas tout lu dans sa bibliographie pléthorique.
Si Bruno a eu le courage de lire les 7 volumes de la Tour sombre (quelques
milliers de pages), j'avoue avoir décroché au milieu du tome 2. Ce n'est pas la
première fois que je parle d'un roman de Stephen King comme le montre l'index Bouquins. Début
des années 2000 j'avais peu apprécié le longuet et touffu Dreamcatchers, notamment la
scène des E.T. prenant naissance dans des chiottes cradingues s'étirant sur des
dizaines de pages me donnait le sentiment d'un auteur en manque d'imagination.
Cette imagination qui nous avait offert des musts comme Ça, Les
Toominockers,
Misery
(voir le commentaire sur l'une des rares adaptations pertinentes au cinéma – Cinoche),
La part des
ténèbres et quelques autres grands succès de la fin du siècle dernier.
J'ai redécouvert le plaisir de lire l'auteur natif du Maine
avec 21-11-63
paru en 2012 et commenté par Luc, un
fort volume de 900 pages revisitant l'assassinat de JFK
à grand renfort de surnaturel et de pliures de l'espace-temps, puis avec Mr Mercedes,
un vrai polar de 2015 dans lequel un
criminel maléfique comme seul ose en créer King était poursuivi par une pittoresque équipe
d'amateurs sous la houlette d'un policier à la retraite. J'avais écrit un
papier enthousiaste à l'époque…
"Une pittoresque équipe d'amateurs" ? Pas
toujours si amateurs que ça ladite équipe, mais une constante dans l'œuvre de l'écrivain.
Exemples : la bande d'adolescents pourchassant une créature démoniaque dans Ça
sur plusieurs décennies, et les enquêteurs improvisés dans Mr Mercedes répondent
bien à cette thématique. L'outsider reprend le même concept,
d'ailleurs la 4ème de couverture fait référence à Ça.
Autre thème abordé ici : celui du vrai/faux coupable,
du gars qui clame son innocence malgré des charges et preuves accablantes contre
lui… Thème récurrent aussi au cinéma : Le faux coupable d'Alfred
Hitchcock
de 1957 dans lequel le bassiste de
jazz Manny Balestrero (Henry Fonda)
a le malheur d'être le sosie d'un criminel (problématique du manque de
fiabilité des témoignages oculaires que l'on va retrouvé dans ce livre) ou encore un chef d'œuvre méconnu de Fritz Lang
de 1936, Furie, un réquisitoire
contre le lynchage dans lequel Joe Wilson
(Spencer
Tracy) est accusé d'enlèvement et meurt brûlé vif dans sa cellule incendiée par la populace…
Vraiment mort ? Voyez ce film culte… Dans l’outsider, encore l'ignominie du lynchage.
Stephen King quitte
le Maine, État privilégié dans ses intrigues, pour nous entraîner vers l'Oklahoma, un État très
réactionnaire appliquant toujours la peine capitale, et plus précisément dans un bled typique du middle-west qui doit voter en masse Trump,
Flin City.
Le livre débute sur une série de témoignages recueillis
par l'inspecteur Ralph Anderson et
le coroner Bill Samuels auprès de gens
qui ont tout vu… Vu quoi ? Terry Maitland
rodant sur les lieux de l'assassinat, suivant un rituel effroyable, d'un gamin de
douze ans, Frankie Peterson. Terry Maitland est une figure appréciée de Flin
City. Surnommé Coach T, Terry est un bon mari pour Marcy, un bon père de deux fillettes,
Sarah
et Grace,
et un bon entraîneur de base-ball pour tous les petits yankees de la ville.
Planque idéale pour Serial KIller, E.T., mutant, etc. |
Très rapidement le diabolique Stephen King brouille les cartes.
Le sort s'acharne sur Fred et Arlene Peterson, les parents. Arlene
meurt d'une crise cardiaque et de chagrin et Fred se suicidera après que Ollie, le frère aîné
de Frankie
Peterson, ait été abattu par Ralph pour avoir tiré dans la foule et tué Terry lors d'un transfert au tribunal, acte insensé pour venger son jeune frère…
Une famille Peterson touchée par la malédiction ? Une introduction plutôt hard ! Mais, et
si Terry,
malgré le faisceau d'indices, était innocent, était bien à son congrès comme certaines preuves matérielles commencent à le confirmer… ?
Marcy qui n'a
plus que la haine envers Ralph, un ami de longue date, coupable à ses yeux d'une précipitation qui a conduit à la bavure fatale, décide avec Howie Gold de lancer une contre-enquête.
C'est ainsi que va se constituer un groupe d'investigation parallèle constitué de Howie,
Alec Pelley
un privé associé à l'avocat, Ralph qui culpabilise à mort et veut se rattraper (le personnage central à vrai dire) et plus tard Holly,
une détective privée qui a vécu six mois auparavant une situation identique dans l'Ohio : un
homme accusé à bonne raison (sans doute pas si bonne que ça) du meurtre de deux fillettes…
D'autres personnages les rejoindront…
Alors que se passe-t-il dans ce bled de Flin City et
ailleurs. Un serial-killer qui aurait trouvé le moyen diabolique de simuler des
empreintes, de l'ADN et même du sperme ? Fortiche le tueur. Un E.T. qui a la possibilité
de se dupliquer pour massacrer des gosses en jouissant de voir un innocent
porter le chapeau (un maléfice digne de X-files). Des clones déments issus des laboratoires secrets gouvernementaux
et devenus incontrôlables, donc une idée à la Dean Koontz, ami de Stephen King
? Vous voulez le savoir ? Alors embarquez vite dans cette histoire palpitante, 500 pages vous attendent !
Avec un peu moins de 600 pages, on bénéficie de
l'imagination fertile de l'auteur à succès sans trop de longueurs et
de digressions. Les descriptions des lieux, personnages et situations servent
toutes avec gourmandise et pertinence cette intrigue emberlificotée… On
s'attache aux personnages, sauf à l'infâme Jack Hoskins, un flic corrompu qui veut se
venger de Ralph
qui l'a mal noté. Est-ce une raison pour inventer une mise en scène aussi terrifiante et manipuler si facilement la police scientifique ? Difficile à avaler, mais néanmoins une hypothèse de
plus dans ce roman vraiment passionnant…
Le style lent de cet auteur rejette la précipitation
parfois assommante de nombreux thrillers. Tant mieux. On prend son temps, on échafaude
des hypothèses, pas de temps morts, on ne se perd jamais dans ce
labyrinthe policier d'où pourrait surgir le surnaturel. Sans cesse captivant malgré le
développement ambitieux du récit.
Bonne Lecture !
Albin Michel – 2019 – 576 pages –
disponible en e-book.
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