lundi 25 mars 2019

TRANCE de Danny Boyle (2013) – par Claude Toon




Elisabeth Lamb (Rosario Dawson) Est-elle un agneau ?
Je vous confiais il y a peu une certaine aversion pour les films de zombies. À l'inverse je raffole des films étiquetés "incompréhensibles", comprendre labyrinthiques, jouant à grand renfort de fausses pistes sur notre capacité de déduction pour comprendre qui est qui, ou encore : voyageons-nous dans la réalité ou le rêve et que déduire de l'ultime information énigmatique envoyée en guise de provocation avant le générique de fin ? En résumé le film à voir x fois, parfois en vain 😠.
Quelques exemples de mes chouchous dans le domaine : 2001 Odyssée de l'Espace de Stanley Kubrick qui entrecroise l'espace, le temps, la psyché cosmique… Inception de Christopher Nolan ou un plongeon dans l’entrelacs des rêves imbriqués sans certitude d'en être sorti. Du même auteur, le splendide Interstellar qui mêle space opéra avec les théories sur les trous noirs, les trous de vers, et autres déformations spatiotemporelles et particularités quantiques (avec la bénédiction du Prix Nobel Kip Thorne – pour ses travaux sur les ondes gravitationnelles - scientifique aux théories géniales mais très contestées par la communauté des physiciens) et, cerise sur le gâteau : Mulholland Drive de David Lynch avec une belle brune et une jolie blonde, un duo qui ne constitue peut-être qu'un personnage unique balloté dans un univers onirique inquiétant, à chacun de tirer ses conclusions (musique magnifique de Angelo BadalamentiClic).
Et aujourd'hui, coup de projecteur sur un thriller policier et psychologique pour ne pas dire occultiste sur fond de manipulation sous hypnose. Je veux parler de Trance, un film de 2013 ou Vincent Cassel et sa bande de canailles affronte Rosario Dawson, une psy spécialiste de ladite hypnose et toute aussi canaille. À moins que ce ne soit l'inverse. Le dernier plan fournira une réponse totalement ambiguë sur le quoi sans vraiment répondre sur le mystère du comment et sur l'existence même des faits et des protagonistes.

Simon se creuse la tête
Si vous aimez les polars alambiqués et la peinture, notamment Goya, ce film est pour vous, sinon…
Bienvenue à Londres chez Christie's ou Sotheby's, ces salles de vente londoniennes où il est imprudent de lever le bras pour se gratter la tête, geste qui pourrait être indûment interprété comme une enchère pour l'achat d'un tableau tarifé à 25 000 000 $ ou £…
Simon (James McAvoy), est un trentenaire commissaire-priseur d'art. On l'a formé à sauver un tableau en deux temps trois mouvements en cas d'attaque terroriste picturale ; protocole : saisir le chef-d'œuvre (enfin si c'est les noces de Cana de Véronèse – 10m x 7m environ, contacter Vin Diesel), le ranger dans une housse high-tech puis le "poster" vite fait dans une "boîte à tableau" blindée en attendant les flics. Précautions utiles car trop de tableaux ont disparu à jamais tel Tempête sur la mer de Galilée de Rembrandt. (J'en profite pour illustrer mon papier de quelques-unes des œuvres haut de gamme présentées dans le film.)
Simon est chargé de la vente du Vol des sorcières de Goya, pas immense mais hors de prix. Mince, un groupe hyper violent a réussi à envahir la salle, a balancé des fumigènes. Il faut sauver le soldat Goya. Simon embarque la toile, on suppose qu'il emballe l'objet, puis arrive face à la "boîte postale" salvatrice… Trop tard, le chef du gang, Franck (Vincent Cassel) l'attend, fusil mitrailleur à la main. Gargle ! Simon essaye de le "taser", en vain. Il se prend un coup de crosse sur le crâne… Franck rejoint ses complices, fonce en bagnole dans une planque, ouvre la housse et sort le magnifique et couteux… cadre totalement vide !!!
Franck le ténébreux et ses guignols...
Vous l'aurez compris, Franck s'est fait doubler par Simon ! Cambrioleur mais pas enfant de chœur, il retrouve la trace de Simon (le portrait de Simon fait la une de la presse) qui végète à l'hosto, la tête enrubannée. Ça va ch**er. Big problème, Simon était bien de mèche mais est devenu amnésique à cause du coup de crosse temporale…

Après cette intro assez classique, le film s'égare fébrilement dans la douce folie (dans tous les sens du mot). Franck et ses pieds nickelés essayent les bonnes vieilles méthodes de l'inquisition pour rafraîchir les neurones de Simon : les baffes, quelques ongles arrachés. Rien n'y fait, l'amnésie est confirmée. La poisse et un Goya introuvable. Ah, un espoir : le neurologue suggère une psychothérapie par hypnose, on ne sait jamais. Simon choisit sur internet, sur un critère plus lié à la séduction qu'au hasard, une jolie métisse hypnothérapeute prénommée Elisabeth (Rosario Dawson).
Premier rendez-vous pour Simon (pour retrouver ses clés de bagnole à titre de test). Étrange, la belle psy se statufie et porte la main à son cou en le voyant arriver ! Bizarre ça… Cela dit on retrouvera les clés !? Séance suivante, la chasse au Goya commence. Les scènes de voyage astral dans les rêves et les souvenirs alterneront en continu dans le film avec celles plus narratives d'une enquête classique. Et nous, on ne sait plus trop, Danny Boyle nous ballade entre réalité supposée et illusion. Un imprévu et de taille, Elisabeth lit le journal et découvre le pot au rose. Elle n'est pas une quiche pour patients friqués hauts en couleur et bien azimutés par leurs fantasmes. Elle voudra sa part du gâteau

Ce film bien rythmé se construit autour de l'affrontement triangulaire entre Franck, Simon et Elisabeth. Franck croit être le génie qui contrôle tout. Tu parles. Rosario Dawson fut découverte par le sulfureux Larry Clark où l'adolescente donnait la réplique à une autre débutante, Chloë Sevigny, dans Kids (la descente aux enfers de jeunes junkies). L'actrice enchaîne depuis les rôles de composition, des personnages déjantés : mère maquerelle SM dans Sin city, pipelette allumée qui défonce le portrait du viril et psychopathe Kurt Russel dans Boulevard de la mort de Tarantino, etc. Rigolo de la voir en tailleur classieux organiser des séances d'hypnose de groupe pour bandits dans des hangars cradingues qui servent de repère à nos branquignols. En tailleur ou… waouh en nu intégral. Eh bien oui, un Goya inestimable justifie bien de séduire la clientèle pour sonder les inconscients par tous les moyens, Simon puis Franck ou l'inverse. Ah le Simon, une libido parfois en panne à cause d'une obsession pour la peinture de la Renaissance et de l'âge classique représentant ses nymphes sans toison pubienne (exemple : Goya et La Maja nue de 1800). D'où une scène poilante (si je puis dire) ou Elisabeth s'enferme dans la SdB d'où sourd le Bzzz Bzzz d'un épilateur, son très explicite. Elle ressort une minute plus tard telle une star du X. (Un plan de 0,6 seconde légèrement flouté, donc ne pas acheter le DVD pour cette seule raison. Pour Rockin, j'ai mis la photo chastement, utiliser la loupe). Humour (noir) et sensualité sont au rendez-vous.
Blague de mecs à part, Danny Boyle oscarisé pour Slumdog Millionaire réussit presque un sans-faute à travers ce dédale à suspens allié à une action intense : réalité ou imaginaire ; avant, maintenant, plus tard ; hallucinations survoltées ? Un réjouissant puzzle psychique qui échappe cependant à une logique rigoureuse lors du montage. La scène gore où Franck continue de bavasser sans le haut du crâne suite à une tuerie digne de Réservoir Dog affiche trop explicitement la nature des illusions manipulées par Elisabeth, le réalisateur nous volant ainsi notre liberté d'échafauder nos hypothèses. Cela dit on peut s'y perdre avec gourmandise jusqu'au coup de théâtre final. La question : Simon ne fait-il qu'un avec Franck. Ben heu… Ah peut-être, non le revoilà, mais… Noooon pas le générique de fin… Grrr ! A noter un petit soupçon de féminisme en prime.
Belle photographie d'Anthony Dod Mantle. Ni du Kubrick, ni du Nolan ou du Lynch, mais réjouissant pour un amateur de récit tordu. Sonia n'a pas aimé, elle préfère les scénarios sans chausse-trappes…

Format : couleur - 35 mm - 2,35:1 – 101 minutes

La tempête sur la mer de Galilée de Rembrandt (1633, volé en 1990) ; La maja (vénus) nue de Goya de 1800 et le vol des sorcières de Goya de 1798 qui appartient désormais à…





2 commentaires:

  1. A mon humble avis, ça vaudrait bien un 5/6.
    De mémoire, l'accueil a été mitigé ; certains n'hésitant par à le décrire comme un essai moyen car inutilement alambiqué, alourdi par des scènes inutiles, alors que d'autres ont crié au génie.
    Au moins, Danny Boyle, comme bien souvent, essaye de sortir des standards.

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    1. Ma foi, à bien y repenser, je suis d'accord. C'est un coup de cœur... donc je ne devrais pas essayer de noter "objectivement"...
      La scène avec Vincent Cassel transformé en œuf à la coque est un peu excessive, mais tout compte fait confirme que nous sommes depuis longtemps sous l'emprise des délires insufflés par la belle Rosario :o)

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