vendredi 29 mars 2019

THE LEMON TWIGS "Do Hollywood" (2016) et concert 2019, par Luc B.



P’tits cons ! 

Y’a pas d’autres mots… Quand les frangins Brian (l’ainé) et Michael d’Addario natifs de Long Island (NY) sortent leur premier album DO HOLLYWOOD, dont on admirera la photo de pochette, ils ont respectivement 18 et 16 ans… Enfin, leur premier enregistrement est en réalité WHAT WE KNOW, 6 titres sur une cassette distribuée à 100 exemplaires ! Les gamins ont biberonné à la bonne source, grâce aux disques de leur père, un fana de rock anglais, entre autres. Faut les voir dans leurs premières vidéos postées sur le Tube, ils ont quoi… 7 ou 8 ans, l’un aux claviers, l’autre à la batterie, reprendre The Who ou les Beach Boys. Le papa est hors champ, à la basse et aux chœurs.  


Sur le livret du disque, les frères sont crédités tous les deux au chant, à la guitare, aux claviers, à la batterie, à la basse, et pour Brian on rajoutera la trompette, le violoncelle… et les arrangements orchestraux. Mieux que Rémi Bricka, l'homme orchestre ! Un disque pochette-surprise, où s’entassent pèle mêle Beatles, Wings, Kinks, Beach BoysZombies, une certaine emphase glam tendance Bowie, Bolan, Mott the Hoople, des chansons vraiment ultra référencées, qui chialent de tics propres à la pop psychédélique. Sur le titre d’ouverture, très Wings, « I wanna prove to you » à la mélodie directement accrocheuse, dès le second vers ça vire de bord, de tonalité, doit y'avoir 18 accords différents pour un seul mot chanté ! Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. Excès de zèle, diraient les détracteurs (Massey Ferguson).

Et puis la prise de son est bien roots, la frappe de la batterie (très présente, et vas-y que je caracole sur les toms et que je martyrise mes cymbales) est sourde, brumeuse, comme si y’avait un torchon tendu sur la caisse claire. « Those days is comin’ soon » convoque le Sergent Poivre et plus spécialement « Being for the Benefit of Mr. Kite » de Lennon, par son ambiance de fête foraine, gros bordel de fanfare à la fin.

à La Cigale, 4 mars 2019
On serait davantage dans le « Double Blanc» sur le refrain  de « As long as we’re together », et puis il y a plein de chœurs, d’harmonies vocales, de dadadun dadada dadun dadada (sur « Baby baby »). Les titres courts (« Haroomata » et ses 12 lignes de texte, qui je crois pompe un riff des Flyod avant de bifurquer sans mettre de clignotant dans le tagada tsoin tsoin de la Fête à Neuneu) côtoient des constructions plus élaborées, qui n’évitent pas une certaine emphase (« Franck » et les violons, y’a du Lou Reed de « Coney Island Baby », un peu, non ?) ou le final queenesque de « A great snake ». Ces mecs-là osent tout, c’est même à ça qu’on les reconnait…

En tout cas, j'ai rarement écouté un album de parfaits inconnus, et au bout de deux écoutes avoir déjà en tête des mélodies et autres gimmicks, cet art de composer des refrains fédérateurs, comme Status Quo pouvait mélanger boogie fiévreux les pieds dans la bouse, et mélodies pop. En août 2018 ils sortent leur deuxième disque GO TO SCHOOL qui donne carrément dans l’opéra-rock en faisant renaitre les joies du concept-album, autour de l’histoire d’un singe qui va à l’école, même veine, chansons gigognes, à tiroirs, et dérapages plus ou moins contrôlés.

Et il se trouve, mes p’tits veinards, que THE LEMON TWIGS (les brindilles de citron, et si vous voyiez leur look de jeunes travelos anorexiques, vous ne laisseriez pas vos filles sortir avec ces types-là) sont passés par Paris, à La Cigale, et que j’y étais. Et qu'à la recherche de quoi becter avant, je croise Brian d'Addario errant sur le boulevard Rochechouard, avant de le recroiser plus tard dans la salle qui cherchait les gogues !

En première partie, Laure Briard et sa pop doucereuse mâtinée de bossa nova, qui vibre davantage dans ses parties instrumentales, où les musicos envoient les décibels, à l’image d’un batteur déchainé sur la fin. Mais ça reste sympathique, gentillet, rien à voir avec la tornade qui va suivre. Y'a les films de Rohmer, et ceux de Friedkin... Le look a changé pour les frères d’Addario, Michael au centre de la scène, plus généralement au micro, porte Perfecto et Ray-ban miroir (qu’il remonte sur son nez sans cesse, très agaçant), mix de Joey Ramones et Lou Reed. Et les mecs envoient le bois, sans échauffement ni sommation. Michael lève la gambette comme Zizi Jeanmaire sans son truc en plumes, se trémousse, prend des poses lassives à la Iggy Pop, moue dédaigneuse et faussement décadente, se déhanche comme Jagger, pendant que le frangin qu’on sent moins à l’aise en frontman (un chant moins assuré, moins juste, parfois limite...) parcourt la scène comme un kangourou monté sur ressorts, en bon petit-fils de Pete Townsend, avec moulinets du bras apparents, et qui a hérité du même tarin, aussi long que ses chorus de guitare. 

Michael est à la Télécaster, Brian à la Strat, et d’entrée de jeu se lancent dans un duel de chorus à rallonge, comme il y en aura pas mal au cours du concert, parfois tout de même un peu démonstratifs. Sur « Fire » on pense à Wishbone Ash. Trois musiciens les accompagnent, un batteur fou et gaucher qui joue à droite, un bassiste serré dans un petit top en lycra du meilleur effet, et un clavier (un peu trop discret à mon goût).

La première volée de titres est issue du dernier album en date, mais 4 ou 5 titres de DO HOLLYWOOD seront joués. Et on se demande comment des morceaux aussi complexes dans leurs arrangements passeront l’épreuve du live : au mieux ! Le son est beaucoup plus rock, glam, Mott ou T-Rex, la voix de Michael prend souvent les intonations du Brian Ferry avant sa période costard Armani et choristes en porte-jarretelles, les changements d’ambiance opèrent, les harmonies vocales aussi, ils savent chanter c’est rien de le dire. Le show est à la fois très pros, et vivant, les musiciens jouent ensemble, c’est marrant de voir comment à tour de rôle, les frères dirigent le groupe, tiennent la baraque. Les chansons s’enchainent, pas de blabla (même pas bonjour / au revoir d’ailleurs) certains petits tours semblent bien au point, comme lorsque que Michael part  en coulisses chercher une clope déjà allumée par un assistant (!!) mais qui visiblement n’a jamais fumé de sa vie, ça crapote, pour à la fin de la chanson se l’écraser sur l’avant-bras… Petite provoc à deux balles ("excusez-moi de vous choquer" précise-t-il...), une cigarette de cirque sans doute… Quand la salle tente un « happy birtday to you » (pour lequel des deux ?) Michael d’Addario stoppe les hostilités illico d'un geste du pouce glissé sur la gorge, simulant un coup de rasoir, genre pas de ça chez nous, de même qu’il renverra dans les cordes quiconque braquera son smart-phone sur lui. Un selfie pendant qu’on y est ? Faut pas déconner…

Une ambiance pas trop festive au sens où c'est très pro sur scène. Ils sont jeunes (20 ans à peine et déjà 15 ans de métier !), essaient de faire bien, et avec des titres aux constructions si alambiquées comme les leurs, ils doivent rester sacrément concentrés sur le job, sans omettre fraicheur de l’interprétation live. La salle de la Cigale à Paris (500 places) est très agréable (y’a un bar !) bien agencée, on y circule bien, sur plusieurs niveaux, sauf pour ceux comme moi ce soir-là, coincé du dos et dopé à l’Advil 400, contraint de rester assis au balcon comme un vieux con… Mais bonne nouvelle : on peut encore mélanger des 15 - 60 ans pour écouter ensemble de la bonne musique qui roll...

Les frangins d’Addario nous ont mis une belle claque, quitte à en faire un peu trop parfois, et pourtant, qu’est-ce qu’on aurait donné pour en prendre une heure de plus. J'aurais apprécié quelques reprises, mais pas ce soir-là. C’était bouclé en 1h30, un dernier « If you give enough » à deux guitares pour conclure et se barrer sans saluer. Ils sont en tournée en Europe, ont fait plusieurs dates en France, si vous les voyez passer près de chez vous, à 30 balles la place, ne vous en privez-pas. Ces mecs sont assez bluffant, reste à savoir comment ça va tourner à l’avenir. Pour l’instant ils enregistrent à la maison, enfin celle de leurs parents (pour la loi américaine, ils sont mineurs !) les labels n’ont pas encore mis leurs sales mains sur eux. J'ai vu le futur du rock'n'roll, ils s'appellent... 

Bon, on s’écoute quoi du coup… "These words" issu de l'album (très Wings et ce pont boogie...) , en live/studio (Michael à la batterie), puis deux titres du concert de la Cigale "The fire" (dont on soulèvera les modulations de tempo) et "As long as we are together". Qualité de son moins bonne, of course, et faudra dire à la demoiselle qui tient la caméra, que la mise point - le focus - ça existe...

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