lundi 11 février 2019

LE MONTESPAN de Jean Teulé (2008) - par Nema M.



Sonia et Nema sont dans le métro. Une annonce de la RATP signale qu’en raison d’un paquet suspect à la station Barbès Rochechouart, le trafic est interrompu sur la ligne 4.
- Rochechouart comme la Montespan ? demande Sonia passionnée d’histoire de France, plutôt version people.
- Oui sans doute, mais Barbès lui n’a rien à voir avec Rochechouart. C’était un homme politique du XIXème siècle je crois, répond Nema. 
- Ah, la Montespan… Cette beauté incomparable, blonde au tain laiteux, piquante…. Et quel destin !
- Sonia tu te calmes, ce n’était qu’une dévergondée et son histoire n’a pas particulièrement bien fini, riposte Nema.

Jean Teulé
OK, La Montespan, favorite de Louis XIV, tout le monde connaît. Mais pourquoi ce titre : Le Montespan ? Peut-être parce que tout simplement Madame la marquise de Montespan avait un mari, ma fois fort sympathique, mais fort peu connu. C’est en lisant ce roman de Jean Teulé que j’ai découvert ce personnage haut en couleur. Jean Teulé nous conte avec brio la vie de ce Monsieur le marquis de Montespan en nous plongeant « en trois D », grâce à moult détails, dans la France du XVIIème siècle.

Madame et Monsieur le marquis se sont mariés un peu par hasard à la suite d’une rencontre fortuite dans un lieu de justice. Le jeune Gascon est, dès qu’il la voit, subjugué par tant de beauté et de grâce : une belle blonde appétissante avec les rondeurs fraiches de la jeunesse, une voix claire et un à propos charmeur. Bref, le coup de foudre. Elle vient d’apprendre que finalement, elle ne pourra pas épouser le sieur de Noirmoutier à qui elle était destinée. Mais bon, après tout, ce joli grand gaillard venu de Guyenne à Paris est très attirant avec sa spontanéité et pas vilain du tout. Alors ils se marièrent en janvier 1663. Le mariage démarre avec des rires et de bruyants jeux amoureux dans leur petit logement de la rue Taranne, au-dessus de la boutique du perruquier Joseph Abraham, propriétaire de la maison. 
Mademoiselle Françoise de Rochechouart de Mortemart est issue d’une grande noblesse, ce qui n’est pas le cas de Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan dont le château de Bonnefont n’est ni très grand ni très luxueux et dont les terres ne rapportent pas beaucoup. Pas bien riche la famille de Montespan et en plus, malheureusement, Françoise et Louis-Henri sont très joueurs : ils sortent énormément, perdent de l’argent et s’endettent.

LE marquis de Montespan
Il n’y a pas d’autre choix pour un marquis issu de la noblesse d’épée que de partir guerroyer pour se refaire financièrement. Hors de question de travailler ou de faire du commerce pour les nobles à l’époque. Mais alors là, question guerre, vraiment pas de chance. Louis-Henri achète une charge militaire, recrute une compagnie et l’équipe. Un gros investissement. Il part donc guerroyer pour reprendre la ville de Marsal au duc de Lorraine. Pas de chance, les habitants capitulent et se rendent, donc pas de combat, pas de gloire, pas de reconnaissance. Et pas un sou. Et pendant ce temps Françoise, devenue Athénaïs car cela fait plus chic, nous sommes à l’époque des précieuses, s’occupe à fréquenter les salons et à se rapprocher petit à petit de la cour, va voir le chantier à Versailles…. Compte tenu des dettes, Louis-Henri devra repartir dans de nouvelles expéditions militaires pour tenter de faire fortune…. 

Françoise-Athénaïs de Montespan
Un premier enfant, Marie-Christine, puis un deuxième, Louis-Antoine. On ne sent pas vraiment un esprit très maternel chez Athénaïs. Elle supporte de moins en moins le manque d’argent, de bijoux, du faste qu’elle voit se répandre à Versailles qu’elle commence à fréquenter. Louis-Henri au retour de l’une de ses expéditions, se surprend  à la trouver changée, tellement à l’aise dans les salons du Marais à déambuler en semant de bons mots de table en table, entre deux parties de cartes, lui qui est si peu mondain. Mais son amour, admiration sans borne, ne faiblit pas. Et même quand il aura compris qu’elle devient la maîtresse du Roi, cet amour sera toujours là, toujours aussi puissant, lui laissant croire qu’elle n’est pas heureuse à Versailles.

Alors notre gaillard de marquis ne se laisse pas faire, il veut montrer qu’il est le mari et que tout cocu qu’il soit devenu, il reste l’amour unique et légitime (et de son point de vue le seul) de sa Françoise-Athénaïs. Non, il ne sera pas le mari que le Roi achète pour avoir la paix et profiter tout à loisir de sa favorite. Le Roi est un voleur, un sale séducteur ! C’est horrible l’hypocrisie qui habite cette noblesse de cour qui ne fait qu’applaudir tout ce que le Roi dit ou décide. Ah l’infâme Lully avec ses bas de soie rose ! Seul l’oncle de Louis-Henri, Henri Grondin archevêque de Sens, défend ce pauvre marquis bafoué. Mais cela n’aura qu’un temps. A noter un passage rigolo, enfin si on veut, le moment où Montespan va à la cour de Saint-Germain-en-Laye avec son carrosse complètement transformé, peint en noir et avec de grandes ramures de cerf aux quatre coins. Quel attelage et quelle audace !  Cette façon d’affronter le Roi, cela lui coutera cher à ce pauvre marquis. Après de nombreuses péripéties et désagréments, il est contraint de revenir dans les terres de sa famille, dans ce château délabré de Bonnefont. Il croira encore pendant des années à un retour possible de sa belle (qui pendant ce temps-là fabrique des bâtards débiles…). Et finalement, le temps passe, la favorite n’est plus favorite… Et chut ! Je ne vous dirai rien de la fin de cette longue histoire.     

Dans ce récit très coloré, on croise des nobles qui se battent en duel, un Lauzun énigmatique, des paysans frustres mais finalement humains, des gens en partance pour les Amériques (pas vraiment de leur plein grès), toute une foule riche ou pauvre, maquillée pour cacher la misère d’une époque où on ne se lavait pas ou simplement sale de la crasse du travail dur de la ville ou des campagnes. On y sent des parfums de fleurs délicates, mais aussi l’âcre odeur des ordures dans les rues ou la piquante senteur des chandelles de suif de mouton. On y entend bons mots et propos des plus grossiers, musique de cour et fausses notes de cloches fêlées. Quelle atmosphère !

Roman de cape et d’épée aux rebondissements nombreux. Jean Teulé nous offre un beau portrait d’homme de conviction et d’amour, un peu naïf et très têtu, c’est le moins que l’on puisse dire, mais attachant.

Pour ce roman, Jean Teulé a reçu le prix Maison de la Presse et le Grand prix Palatine du roman historique.

Bonne lecture !

Editeur Julliard, POCKET
307 pages

Extrait du film Le roi s'amuse avec une musique de Lully. Un tableau de 1669 de Adam Frans van der Meulen représentant la construction du palais de Versailles et pour finir : un documentaire sur les guéguerre entre courtisanes à la cour du Roi Soleil...




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