Johann Etienne |
Mengele ne fut
pas le seul "médecin" à fouler du pied le serment d'Hippocrate.
D'autres, aux connaissances médicales souvent usurpées, ont commis des
atrocités à Buchenwald,
Mauthausen,
etc. Je ne détaille pas dans l'horreur, des ouvrages parfois insoutenables mais
bien documentés existent. Mais qui les lit de nos jours ? Un tiers des français
ne connaîtrait rien du nazisme et de la barbarie, de la shoah ? Ce thriller
historique s'inspire de ces heures les plus noires de l'histoire de l'humanité.
Le livre adopte la trame des romans policiers ou
d'espionnage. Des intrigues mêlées, mais pas de poursuite en bagnoles, en
avions… ou sur les toits qui ont les faveurs des thrillers survoltés. L'auteur
préfère cerner son terrible sujet en suivant les destins croisés de nombreux
personnages.
Divers évènements a priori sans lien direct impulsent
le roman (l'histoire se déroule en 2005) :
Petits "rescapés" du bon Dr Mengele |
2 - Le commissaire Paul Marsac est appelé sur une scène de crime. On a retrouvé le
corps du dealer Yacine Chouqri
presque déchiqueté. Dans sa cuisine labo, le type mitonnait une spécialité : la
pervitine, une méthamphétamine antique que l'on distribuait aux soldats
allemands et autres Waffen SS pour les shootés à mort, pour tenir le coup des
jours et exacerber leur violence. Une saloperie qui n'a plus court depuis des
lustres ! Encore l'ombre du nazisme… Le tueur présumé sera identifié d'entrée
de jeu : Hans Müller, un géant blond
bien connu en Allemagne et en France des services de police, comme l'on dit,
pour une liste sans fin de délits et de crimes… Un bel Aryen sanguinaire… Paul Marsac doit se coltiner Bertrand Schneider, un dandy qui dirige "les stups"…
3 - Pour épicer le récit, l'auteur lance d'autres
pistes narratives :
Samuel Atlan,
polyglotte surdoué et possédant une mémoire eidétique d'une performance incompréhensible
pour la faculté. Samuel, un gars
solitaire qui n'a aucun souvenir d'avant ses sept ans. Sa quête n'est autre que
d'identifier ses origines… Brutale surprise quand il réalise que lui aussi possède
cette cicatrice étrange à l'oreille, comme celle du patient X dont l'image est parue dans la presse grâce ou à cause
d'un fouille-merde de paparazzi croyant toucher le gros scoop avec ce
mystérieux voyageur venu du Chili…
Camp chilien de Chacabuco |
Paulina Alvarez a vu son
fils happé par La
colonie "de la Liberté", un camp retranché bâti par des
allemands réfugiés après la guerre, un lieu autarcique bénéficiant des
largesses des dictatures chiliennes et de la corruption. Le gamin devait
bénéficier d'une bonne éducation, de soins médicaux, voir sa mère quand bon il
lui semblait… De mois en mois, puis d'années en années, le gamin est devenu
absent, atone, parlant de moins en moins l'espagnol, plutôt un charabia
germano-ibérique comme le patient X.
Un jour elle apprend qu'il a réussi à prendre la fuite de ce qui devait être un
paradis. Une autre quête commence, celle d'une mère qui comme tant d'autres
mères chiliennes ont vu leurs enfants s'évaporer dans l'enfer Pinochet
vingt ans plus tôt…
Mais que se passe-t-il réellement dans La Colonie
au sud du Chili depuis des décennies ?
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La fiction peut-elle s'emparer de la thématique des
déviances médicales nazies sans trahir la mémoire des martyrs ? Oui, si la
complaisance n'est pas présente, c'est le cas dans ce livre de Johann Etienne. En 1978, Franklin J. Schaffner dans Ces garçons qui
venaient du Brésil adaptait un roman d'Ira
Levin. Un casting de poids avec Laurence
Olivier, James Mason
et Gregory Peck incarnant le docteur Josef Mengele
qui avait créé par GPA une vingtaine de clones d'Hitler en vue de reconstruire
un IVème Reich. Pas un chef-d'œuvre, mais un scénario glaçant. De la
science-fiction il y a 40 ans qui ne serait plus qu'un sujet de fiction
terrifiante possible après les avancées géniques récentes… Seraient ignominieux
tout livre ou tout film qui se complairait à satisfaire le goût pour l'hyper
violence gore des voyeurs adeptes de scènes de torture et de vivisection
inspirées des folies médicales nazies. Il y en a surement en VOD…
Lebensborn en 1937 |
Un bon livre documenté tant sur le plan historique que
scientifique. L'aspect science-fiction n'existe quasiment pas en regard des
découvertes hallucinantes en biologie des dernières décennies. On peut penser
que le rejet de l'éthique la plus élémentaire appartient au passé. Ce serait une
erreur grave, ainsi depuis 2007, l'Angleterre autorise la création de chimère
et d'autres manipulations sur les gamètes. À quand les belles heures de l'eugénisme
et des super soldats dignes de X-Files ? La brièveté du dénouement m'a légèrement frustré.
Annexe : Une
chimère n'est pas le fruit de l'imagination féconde de l'auteur. L'américaine Taylor Muhl est un ravissant mannequin
atteint de cette "anomalie". Jolie femme certes, mais un syndrome maléfique,
car comme lors des greffes d'organes, il est cause de phénomènes de rejet, la jeune femme n'a pas
une santé florissante, ses deux ADN étant en conflits… Deux jumelles hétérozygotes
dans un seul corps !
Editions Ex Aequo- 268 pages.
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