vendredi 4 janvier 2019

ROCK de Philippe Manoeuvre (2018) par Luc B.


avec Iggy Pop
On pouvait s’attendre à un pavé, vu l’itinéraire du monsieur dans le monde du Rock, et ben non : 275 petites pages. Les longues années d’alcoolisme de Philippe Manœuvre auraient-elles altéré sa mémoire ? L’alcool et la dope ont une large place dans ce livre, comme ils en ont eus dans sa vie, jusqu’au 31 décembre 1999. Donc on ressort un peu désappointé de cette lecture, qui survole beaucoup d’évènements, mais sans vraiment les approfondir. Certaines rencontres sont très développées, d’autres à peine esquissées.

Par moment c’est assez frustrant. Par exemple, Manœuvre peut évoquer au détour d’un souvenir, une interview de Ian Gillan, mais sans en dire plus sur le chanteur de Deep Purple. Bah zut. Et lorsqu’on lit à la toute fin la liste des personnes qu’il a croisées, interviewées (y’en a trois pages !) on se demande pourquoi il ne nous en dit pas plus. Rien ou si peu sur Dylan, Neil Young, Led Zep ou Springsteen, Clapton, les Gun’s, Johnny Winter, Gallagher, Buddy Guy ou Little Bob…

Par contre des chapitres sur Johnny Hallyday, Michael Jackson ou Madonna… Comme caution rock’n’roll, on repassera.

Le livre s’ouvre sur son premier et grand amour : Iggy Pop et les Stooges, les tournées en mini-bus, les diners, les concerts. Suivent les Rolling Stones, difficilement accessibles, mais Manœuvre au fil des années arrivera à toucher le Saint Graal. Chapitre intéressant, la rencontre avec Jean Pierre Dionnet, et les années Métal Hurlant, puis les Humanoïdes Associés. Là, Manœuvre raconte bien ce monde de la BD, de l’édition, la gageure de faire émerger cette culture SF dans le paysage français, les premières traductions de Bukowski, Selby. Et toujours des grands noms qui surgissent, comme cette fois où Federico Fellini sonne à sa porte pour obtenir une dédicace de Moebius ! Ou ce coup de fil outre-Atlantique pour demander à une personnalité de préfacer un ouvrage du dessinateur Druillet : Georges Lucas himself ! (qui un mois après enverra son texte…).

C’est cet aspect qui reste hallucinant, le nombre de gens que Manœuvre à croisé (j'aimerais fouiller dans son répertoire téléphonique) mais aussi les circonstances parfois rocambolesques. Quand Billy Idol passe en concert au Zénith de Paris, il débarque chez Manœuvre en taxi avec sa gamine dans les bras, pour du baby-sitting, et la récupère trois heures après ! Ou lorsque partageant une pizza avec Wayne Kramer du MC5, chez lui, il reçoit un coup de fil des Stones pour choisir des chansons à jouer prochainement à l’Olympia ! Kramer en reste sur le flanc. Au moment de l’émission Sex Machine, il y a James Brown qui au fond du trou (littéralement, il purge quatre ans de taule) souhaite parler, s'expliquer, se confier au jeune journaliste français. Merde, ça en jette !

no comment...
Dans le genre drug & rock’n’roll (pour les anecdotes il y’a l’embarras du choix) il y a cette traversée de Paris pour dégotter de l’herbe pour Anita Edberg et Keith Richards alors clients du Ritz ! Question coke, le couple avait déjà tout ce qu’il fallait ! Ou cette overdose à l’héro avec Marianne Faithfull dans les loges du théâtre Marigny, où la chanteuse venait enregistrer une télé pour Jacques Martin !

Le chapitre sur Johnny Hallyday n’apporte pas vraiment grand-chose à la légende (tout a tellement était déjà dit), mais de bons passages sur la solitude de l’idole, son côté presque enfantin, sa passion réelle pour le blues et le rock’n’roll, sacrifiée par son entourage qui voulait maintenir à flot cette machine à cash, à l’instar d’Elvis.  De très jolies pages sur Serge Gainsbourg, plus tendres, presque intimes, notamment sur sa fin de vie. Manœuvre est très pote avec Michel Polnareff, et là encore, le récit est intéressant. Parce qu'il raconte plus que le bonhomme en lui-même, il raconte le métier, l'envers du décor. Et tout le travail autour de la biographie que Polnareff lui commande, projet ultra-secret - que l’éditeur va faire fuiter, le chanteur refusera donc toute promo - le contrôle des médias, l’aspect éditorial, les corrections (réécriture ?) du manuscrit par la femme du blondinet à lunettes blanches. Re-belote avec Joey Starr, qui lui aussi veut sa bio. Bon… moins passionnant, sauf si on aime les virées au crack à Stalingrad (quartier parisien réputé pour sa faune junkie).

Madonna à la Mer de sable
Même si la vie de Philippe Manœuvre n’est pas faite que de musique (édition, journalisme, radio, télé, et ce grand écart qui va des Enfants du Rock à La Nouvelle Star… hum… les piges à Télé MatinWilliam Leymergie lui lance : "une chronique sur Depeche Mode ? enfin un groupe français !") je m’attendais tout de même qu’on en cause un peu plus, de musique. A la base, le Rock, c’est ça. Pas seulement la panoplie perfecto et Ray-ban. Que pour ce fan de Funk, l’évènement n°1 soit la première diffusion en France du clip « Billie Jean » de Michael Jackson (à mettre à son actif), ça fait un peu mal aux nougats. Des pages heureusement contre-balancées par celles consacrées à Prince. Mais tout de même, Jackson et Madonna et leurs shows pyrotechniques en playback ne cadrent pas trop avec un concert des Stooges ! (réflexion d’Iggy Pop en sortant de scène : « on a joué combien de temps ? » « 1h15 » « Ouh la, faudrait pas se laisser aller comme les Greatful Dead ! »).

Il y a un long chapitre étonnant, mais presque incongru, sur un de ses amis, Jean Luc, coursier puis chauffeur de taxi, musicien à ses heures perdues, embarqué par son voisin de piaule... Jacques Mesrine dans le kidnapping d’un juge ! Ou la passion de Manœuvre pour les pyramides, qu’elles soient au Mexique ou au Caire. Mais bon, j’aurais quand même voulu savoir ce qui s’était dit avec Ian Gillan

Autre remarque, j’ai trouvé le style d’écriture assez quelconque. Ca se lit bien, comme on dit, mais j’imaginais une plume plus précise, acerbe. On a parfois l’impression d’une retranscription d’entretien, c’est parfois bancal. Le livre fourmille d’histoires, de rencontres, d’anecdotes, le métier de rock-critique est dépeint dans son quotidien, mais on se dit : ok, tu nous racontes ça, mais t’en penses quoi ? C’est quoi ton opinion, ta vision des choses. Tu bois un thé avec Mick Jagger, ok, mais après, c’est tout ?

A moins qu’il y ait un second tome en préparation, parce qu’encore une fois, imaginer que Philippe Manœuvre n’ait que ça à raconter après quarante ans de critique rock, à Rock & Folk ou à la télé… On reste un peu sur sa faim.  

 


10 commentaires:

  1. "Un style d'écriture assez quelconque" dis tu , et oui c'est la principale caractéristique du style du monsieur et si encore ça se limitait à l'écriture ! Je vais être direct , ce type est un imposteur , responsable de la perte de vitesse de Rock et Folk. Lecteur de la revue depuis 1968 , j'ai vécu la belle époque des grandes plumes ; Paringaux, Garnier, Dister (ah le grand Dister!) bref de vrai journalistes alors Manoeuvre derrière je rigole! Le Rock et Folk actuel est à ranger à côté de Gala et autre torchon. Manoeuvre est très pote avec Polnareff .....c'est un pur hasard si l'infâme dernier disque du bonhomme recueille 5 étoiles et est disque du mois dans le dernier numéro ????? Oui je fais du mauvais esprit.....

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  2. D'accord avec JP....un style d'écriture vraiment pas terrible pour un livre finalement très décevant.C'est beaucoup moins bien écrit que ses articles d’antan publiés dans la presse rock.
    Je ne reviendrai pas sur son parcours incroyable, mais PM dans ce livre, fait preuve d'une fausse humilité pour mieux se mettre en avant et c'est insupportable.

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  3. J'ai du mal avec ce type qui doit avoir du mal à plaquer 3 accords sur une gratte. C'est comme si que je critiquais des professeurs de langues sans en parler une seule...à part coller des timbres...mais ce monsieur est futé et a su s’immiscer et manœuvrer dans la critique rock comme un fil conducteur...jeu de maux...

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  4. Hello! Je viens de lire ton comm sur Amazon , j'avais pas tilté que le Phil ici présent était la même personne que ce cher Philou....;Bref heureux de te relire au hasard de mes pérégrinations sur le net! Happy New Year l'ami!

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  5. Mmmmh...Faudrait pas tout confondre...

    "Rock et Folk actuel est à ranger à côté de Gala et autre torchon"... J'achète pas R&F depuis 68, juste depuis 78 (Blondie en couverture). C'est pour situer;

    Dans le dernier numéro (janvier 19, 2019...t'as une interview de Wayne Kramer (MC5) que je te défie de trouver dans Gala.
    Manoeuvre il a fait son business, surtout en promouvant des Plastiscines ou Naast, je te l’accorde.
    C'est un gros con quand il chronique Highway to Hell à sa sortie (il s'est barré à la moitié du 1er titre, ses voisins gueulaient, tout ça tout ça...).

    Les vendeurs de papier sont dépendants de ce qu'ils chroniquent, fin des 60's ça bourgeonnait et pullulait, dans les années 80 c'était une merde immonde, moi je m'en foutait j'adore le hard rock et j'étais servi.

    Manoeuvre a pris sa retraite, si y'a Polnareffff en disque du mois je doute qu'il y soit pour quelque chose.

    T'as Roy Orbison dans le numero de Janvier, Jean pierre Kalfon, une descente en flèche de la réédition de Beggars Banquet ("qui a écouté plus d'une fois un album des Sones après Tattoo You")...

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  6. Ouais ! Au pilori ! Balancez les tomates et les étrons !
    Il faut dire qu'il l'aurait parfois bien mérité. Notamment lorsque lors de ses interviews où il se permet d'être totalement irrespectueux. On ne devrait pas reprocher à quelqu'un d'avoir ses propres avis, et ses préjugés ; cependant, lorsque l'on est pro, on devrait faire un peu plus preuve d'objectivité et de décence.
    On a parfois pu le voir à la télévision se foutre ouvertement - mais plus ou moins derrière la caméra - de musiciens, avec une condescendance crasse. Une attitude qui donne franchement envie de le prendre à coups.
    D'autant plus qu'il a l'étonnante capacité de changer d'avis aussi vite qu'une girouette de direction (ou de "retourner sa veste" ...). Effectivement, le "cas AC/DC" en est un bon exemple : lui qui l'a copieusement et souvent descendu, une fois le groupe devenu une institution, il s'affiche fièrement avec des tee-shirt à leur logo (à croire qu'il en avait un stock).
    Il n'avait pas aussi ménagé ses efforts de dénigrement sur Black Sabbath.
    Son style prétentieux - du genre "parole d'évangile" ou "je détiens la vérité et suis le garant du bon goût" - pouvait être particulièrement rédhibitoire. Il en allait de même pour ses papiers dans "Métal Hurlant".

    On peut aussi légitimement lui reprocher ses attaques sournoises envers d'autres "critiques Rock" et revues (nettement plus indépendantes). Il faut bien défendre "son" territoire ....

    Toutefois, il a été l'un des plus fervents défenseurs de Blue Öyster Cult (dès les débuts du combo) ; oeuvrant pour que l'on découvre cet exceptionnel quintet. Et rien que pour ça, il mérite la miséricorde. :-)
    Idem pour Aerosmith
    On a moqué sa participation à "Nouvelle Star", mais ... à ce jour, il a été le seul à critiquer ouvertement l'émission et relever ses magouilles.

    Le gars a certainement dû "se battre" et faire des concessions pour s'imposer dans un monde où il est bien difficile de gagner sa croûte (exemple : s'afficher avec Madonna, d'autant plus à l'époque où elle représentait tout ce qu'un rocker pouvait détester !).

    Le vrai problème avec Manoeuvre c'est surtout que "nos" médias le considèrent comme une sommité incontournable en matière de musique. Sa parole faisant foi.

    Aujourd'hui, le gars est à la retraite, et pour garder un certain train de vie parisien et remplir la gamelle de ses deux bambins, il faut s'attendre à voir régulièrement sortir des bouquins plus ou moins consistant. Il faut en garder sous le coude pour avoir suffisamment de matière à exploiter pour de futurs parutions.

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  7. Je ne dirais rien sur Manoeuvre...je serais grossier !

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  8. Bon, beaucoup de réactions sur le bonhomme, et sur le livre. Perso, j'ai lu des R&F comme tout le monde, mais je ne suis jamais entré dans ces querelles Best ou R&F, ou les batailles entre critiques rock, aussi affligeantes que la guéguerre Stones/Beatles en son temps... Il faut dire que je suis beaucoup plus jeunes que vous tous...

    Comme souligné dans mon compte rendu, le livre de Manoeuvre fait l'impasse sur un nombre incalculable de groupes ou artistes, qu'il les admire ou les déteste, peu importe. Mais se focalise sur certains, bien (ou mal) choisi, dont on doute de leur place dans le panthéon du rock (à part Iggy), au sens où où nous l'entendons, nous, le rock. Et il est clairement dit et raconté que ces gens sont de ses amis... J'en conclus que ce livre de mémoires s'intéresse davantage au cercle fermé de ses potes, et moins au monde de la musique, et de rock en particulier.

    Il n'y a rien de comparable avec le bouquin (chroniqué en son temps) de Nick Kent "Apathy for the devil", une trajectoire assez similaire, mais un livre d'un tout autre intérêt, et d'une autre portée, musicale et sociale. Oui, Manoeuvre reste un peu ou niveau feuille de choux.

    Reste le nombre incroyable de rencontres, d'histoires, anecdotes, drôles, cocasses, déglinguées le plus souvent, de projets imaginés et souvent réalisés, et ça, on ne peut pas lui retirer.

    Le bouquin était une occasion de justement s'expliquer, argumenter, se remettre en question, ou au contraire enfoncer le clou, mais non... Trop court et superflu, dommage...

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  9. j'aimais Manoeuvre au début lorsqu'il parlait !
    mais depuis qu'il essaye de penser et qu'il croit savoir,je l'ai perdu,mais je n'ai rien perdu!

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