- Cool M'sieur Claude, après deux symphonies dont la tragique 10ème
de Chostakovitch, retour à une musique plus glamour, un quatuor de
Mozart…
- Oui Sonia, et l'un de ceux écrits à des fins de divertissement mais
sans négliger une certaine ampleur et une écriture raffinée…
- J'entends ça. Une œuvre dans un groupe de quatuors comme souvent avec
Wolfgang ? C'est qui ou quoi "Hoffmeister" ?
- Non justement une œuvre isolée et Hoffmeister était un ami de Mozart,
le dédicataire qui fera publier très rapidement la partition.
- Le Quartetto Italiano, un ensemble dont vous avez déjà parlé me
semble-t-il ?
- Oui et qui apporte beaucoup de fraîcheur dans leur interprétation. Un
must dans une discographie pléthorique…
Franz Anton Hoffmeister |
1786
: une année charnière en demi-teinte pour
Mozart. Voilà cinq ans qu'il a pris ses libertés d'homme et de compositeur. La
querelle avec son père, à cause entre autres, du mariage avec Constance,
n'est pas résolue et le génie a décidé de ne plus dépendre d'un protecteur,
ce qui, à cette époque classique est synonyme de précarité financière. Pour
assombrir le tableau, la chasse à la franc-maçonnerie est ouverte, il faut
se montrer discret. Enfin, pour endeuiller la maisonnée, un fils
Johann Thomas né le 18 octobre
ne survivra qu'un petit mois😟.
Pourtant,
Mozart
ne chôme pas. De cette année-là datent les
concertos pour piano 23
à
25, 2 des
concertos
pour
cor, la
symphonie N°38
dite "de
Prague" qui mérite une chronique à elle seule, etc. Pour la musique de chambre,
une multitude de pièces : des trios dont celui pour
clarinette alto et piano
"les
quilles",
un quatuor pour piano et cordes. On compte aussi des projets sous forme de mouvements isolés… Et puis le
1er mai voit la création de l'opéra parmi les plus célèbres,
Les Noces de Figaro. Second volet de la trilogie de Beaumarchais, la suite donnée au
Barbier de Séville
qui sera plus tard un sujet pour
Rossini. L'accueil est mitigé car la noblesse apprécie mal de voir un des siens en
coureur de jupons,
le comte Almaviva. La musique de
Mozart
a atteint la maturité et les succès immédiats qu'a connus le jeune et
miraculeux enfant prodige vont se faire plus rares.
Comme indiqué à Sonia, le
20ème quatuor
est un ouvrage isolé entre la série des
six quatuors dédiés à Haydn
(N°14-19
de 1782-1785) et celle des
trois
derniers
dits
prussiens
(N°21-23
de 1789-90). En cet été
1786,
Mozart
a retrouvé le moral, le climat général du quatuor le prouve. Que des
tonalités majeures (ça n'est guère surprenant chez Wolfgang). Le succès
"public" pour
Les Noces de Figaro
lui a redonné la pêche…
L'ouvrage est dédié à
Franz Anton Hoffmeister
(1754-1812), un ami,
compositeur prolixe (66 symphonies) et surtout éditeur des compositeurs
viennois en vue comme
Haydn
et
Beethoven.
Le quatuor est composé en deux semaines. Il est achevé le 19 août.
Mozart
n'a rien composé pour le genre depuis 18 mois, genre à qui, avec Haydn, il a donné une forme définitive toujours en vigueur. Isolé ? Pas tant que
ça dans le parcours du compositeur. Il fait la paire par son enthousiasme
avec le
trio Kegelstatt K 498
"Les Quilles", un trio pour clarinette, alto et piano achevé le 5 août.
Mozart
se passionnait pour la clarinette nouvellement inventée et aimait jouer de
l'alto. On ne connaît pas les dates exactes des créations. Avouons-le, c'est
assez secondaire 😉.
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Mozart vers 1786 |
Le
Quartetto Italiano
a marqué sans conteste la vie musicale pour cette formation au XXème
siècle. Nous le retrouvons pour la troisième fois dans ces pages, après une
chronique consacré au
15ème quatuor
de
Beethoven
et une autre où les quatre instrumentistes en complicité avec
Maurizio Pollini
nous interprétaient le
quintette avec piano
de
Brahms. Des interprétations de légendes qui n'ont jamais quitté le catalogue. La
biographie du quatuor actif de
1945 à
1980 est détaillée dans le
premier article
(Clic). Bien entendu, leur intégrale des quatuors de
Mozart
réalisée entre 1966 et
1972 a connu le même destin…
Merci à Decca qui a réédité ces disques initialement gravés pour le
label Philips.
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1 - Allegretto
(ré majeur) : Dès les premières mesures, il est évident que la bonne humeur va
prévaloir dans cette allegretto introductif. L'indication du tempo nous
invite à un divertissement sans précipitation épique. Le thème principal
énoncé d'emblée courtise l'auditeur par sa légèreté bondissante. On enchaîne
sur la répétion de quatre motifs dont la première mesure est un groupe de
quatre noires de valeurs égales grimpant dans l'aigu à chaque reprise, une
scansion allègre qui signe l'esprit martial et guilleret, gaieté de mise à
Vienne en cet été 1786. Fidèle à la forme sonate,
Mozart
réexpose en variation mais aux seuls violons ce thème qui charpentera le
mouvement. [0:41] Un élan vigoureux
f marque le début d'un premier
développement d'un mouvement résolument volubile. Le dialogue entre les
quatre pupitres se veut charmeur, disert et
courtois. [2:46] Réexposition dans la lignée des règles de la forme sonate.
Pas de thème secondaire très marqué,
Mozart
nous promène dans les jardins viennois à la rencontre de charmantes
demoiselles. Août était-il ensoleillé en cet été 1786 ? Le thème
initial est abondamment repris tel un leitmotiv à travers un travail de
contrepoint élaboré qui apporte fantaisie et bonhomie au propos… [9:22]
Quelques traits staccato et syncopés introduisent une coda dans laquelle
résonne le trottinement des chevau-légers de la capitale.
2 - Menuetto
(allegretto en ré majeur & trio en fa majeur) : [10:08] Le menuetto prolonge le rythme obstiné qui caractérise
l'inspiration de
Mozart
dans cet enthousiaste quatuor depuis les mesures initiales. Le violoncelle marque la mesure
par des successions de noires sans legato. Ce mouvement est très court,
d'esprit champêtre et chorégraphique, très animé. [11:23] Ludique, le Trio
est une course éperdue dans les bosquets égayée de groupes de croches en
triolet qui lui donnent ce tempérament humoristique. On notera la richesse
mélodique inouïe dans ce passage où chaque instrumentiste pourchasse ses
petits camarades. Une diablerie musicale pleine de peps. [12:27] Retour
classique du thème du menuet mais sans la reprise.
Mozart
joue la carte de la concision…
Vienne vers 1800 |
xxxxx |
4 – Allegro
(ré majeur) : [22:17] Pour confirmer cette impression quant aux velléités d'un type
d'œuvre qui n'est plus un simple divertissement de salon, l'allegro est
d'une durée imposante et met en jeu pas moins de trois thèmes. Un motif
amusant introduit un chassé-croisé versatile entre les quatre cordes.
Insolite ! [22:52] Exposition d'un thème précipité de double et triple
croches aux violons. Quel lyrisme débridé… [23:17] Encore un nouveau motif
exaltant. A l'inverse de l'adagio, le final se révèle très mouvementé,
entrecoupé de syncopes, de ruptures de rythme ; de la haute voltige
polyphonique. L'inventivité est diabolique, une surprise toutes les trois ou
quatre mesures. [27:27] Une reprise nous conduira vaillamment à une coda
endiablée.
Le
Quartetto Italiano ne cherche pas la prouesse virtuose, préférant des tempi plutôt sages,
notamment dans l'adagio. Et ce choix permet au quatuor de briller de mille
feux à travers un discours clair. Pas de vibrato intempestif, bref une
merveille. Franchement, on pouvait s'y attendre.
(Partition)
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La discographie est riche. Quelques une de mes gravures favorites :
Avec le
Quatuor Alban Berg
autre grand nom du XXème siècle, et malgré un ton plus sévère que
leurs confrères italiens et des tempos plus agrestes (2:31 pour le menuet),
on retrouve l'élégance et l'énergie guillerette de l'opus. Parfait mais à
mon goût un peu froid et un violoncelle capté de trop près (vraiment
histoire de dire quelque chose 😆).
Les trilles dans l'adagietto sont féériques… Disponible à l'écoute sur
Deezer. (Warner – 5/6).
Le
Quatuor Mosaiques
propose un album simple réunissant le
20ème
et le
22ème quatuor. Contrairement aux
Berg, les tempos sont lents, un peu trop ? La facétie mozartienne s'émousse
légèrement, mais le legato est soyeux. Du bel ouvrage disponible à l'écoute sur Deezer.
(Astrée – 5/6)
Le
Quatuor Hagen
créé au début des années 80 renoue avec des tempos vif-argent et
l'espièglerie mozartienne. Certes le son est moins chatoyant que chez les
italiens, inimitables dans ce domaine, mais la poésie facétieuse est bien
présente. Avec les
quatuors K 559 et K 590, le disque est généreux. Un album isolé qui permet une découverte du monde
du quatuor chez Wolfgang. Disponible à l'écoute sur Deezer.
Là, je me répète 😀 (DG
– 6/6)
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