samedi 19 janvier 2019

MOZART – Quatuor N°20 K499 " Hoffmeister" – QUARTETTO ITALIANO (1971) – par Claude Toon



- Cool M'sieur Claude, après deux symphonies dont la tragique 10ème de Chostakovitch, retour à une musique plus glamour, un quatuor de Mozart…
- Oui Sonia, et l'un de ceux écrits à des fins de divertissement mais sans négliger une certaine ampleur et une écriture raffinée…
- J'entends ça. Une œuvre dans un groupe de quatuors comme souvent avec Wolfgang ? C'est qui ou quoi "Hoffmeister" ?
- Non justement une œuvre isolée et Hoffmeister était un ami de Mozart, le dédicataire qui fera publier très rapidement la partition.
- Le Quartetto Italiano, un ensemble dont vous avez déjà parlé me semble-t-il ?
- Oui et qui apporte beaucoup de fraîcheur dans leur interprétation. Un must dans une discographie pléthorique…

Franz Anton Hoffmeister
1786 : une année charnière en demi-teinte pour Mozart. Voilà cinq ans qu'il a pris ses libertés d'homme et de compositeur. La querelle avec son père, à cause entre autres, du mariage avec Constance, n'est pas résolue et le génie a décidé de ne plus dépendre d'un protecteur, ce qui, à cette époque classique est synonyme de précarité financière. Pour assombrir le tableau, la chasse à la franc-maçonnerie est ouverte, il faut se montrer discret. Enfin, pour endeuiller la maisonnée, un fils Johann Thomas né le 18 octobre ne survivra qu'un petit mois😟.
Pourtant, Mozart ne chôme pas. De cette année-là datent les concertos pour piano 23 à 25, 2 des concertos pour cor, la symphonie N°38 dite "de Prague" qui mérite une chronique à elle seule, etc. Pour la musique de chambre, une multitude de pièces : des trios dont celui pour clarinette alto et piano "les quilles", un quatuor pour piano et cordes. On compte aussi des projets sous forme de mouvements isolés… Et puis le 1er mai voit la création de l'opéra parmi les plus célèbres, Les Noces de Figaro. Second volet de la trilogie de Beaumarchais, la suite donnée au Barbier de Séville qui sera plus tard un sujet pour Rossini. L'accueil est mitigé car la noblesse apprécie mal de voir un des siens en coureur de jupons, le comte Almaviva. La musique de Mozart a atteint la maturité et les succès immédiats qu'a connus le jeune et miraculeux enfant prodige vont se faire plus rares.
Comme indiqué à Sonia, le 20ème quatuor est un ouvrage isolé entre la série des six quatuors dédiés à Haydn (N°14-19 de 1782-1785) et celle des trois derniers dits prussiens (N°21-23 de 1789-90). En cet été 1786, Mozart a retrouvé le moral, le climat général du quatuor le prouve. Que des tonalités majeures (ça n'est guère surprenant chez Wolfgang). Le succès "public" pour Les Noces de Figaro lui a redonné la pêche…
L'ouvrage est dédié à Franz Anton Hoffmeister (1754-1812), un ami, compositeur prolixe (66 symphonies) et surtout éditeur des compositeurs viennois en vue comme Haydn et Beethoven.
Le quatuor est composé en deux semaines. Il est achevé le 19 août. Mozart n'a rien composé pour le genre depuis 18 mois, genre à qui, avec Haydn, il a donné une forme définitive toujours en vigueur. Isolé ? Pas tant que ça dans le parcours du compositeur. Il fait la paire par son enthousiasme avec le trio Kegelstatt K 498 "Les Quilles", un trio pour clarinette, alto et piano achevé le 5 août. Mozart se passionnait pour la clarinette nouvellement inventée et aimait jouer de l'alto. On ne connaît pas les dates exactes des créations. Avouons-le, c'est assez secondaire 😉.
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Mozart vers 1786
Le Quartetto Italiano a marqué sans conteste la vie musicale pour cette formation au XXème siècle. Nous le retrouvons pour la troisième fois dans ces pages, après une chronique consacré au 15ème quatuor de Beethoven et une autre où les quatre instrumentistes en complicité avec Maurizio Pollini nous interprétaient le quintette avec piano de Brahms. Des interprétations de légendes qui n'ont jamais quitté le catalogue. La biographie du quatuor actif de 1945 à 1980 est détaillée dans le premier article (Clic). Bien entendu, leur intégrale des quatuors de Mozart réalisée entre 1966 et 1972 a connu le même destin… Merci à Decca qui a réédité ces disques initialement gravés pour le label Philips.
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1 - Allegretto (ré majeur) : Dès les premières mesures, il est évident que la bonne humeur va prévaloir dans cette allegretto introductif. L'indication du tempo nous invite à un divertissement sans précipitation épique. Le thème principal énoncé d'emblée courtise l'auditeur par sa légèreté bondissante. On enchaîne sur la répétion de quatre motifs dont la première mesure est un groupe de quatre noires de valeurs égales grimpant dans l'aigu à chaque reprise, une scansion allègre qui signe l'esprit martial et guilleret, gaieté de mise à Vienne en cet été 1786. Fidèle à la forme sonate, Mozart réexpose en variation mais aux seuls violons ce thème qui charpentera le mouvement. [0:41] Un élan vigoureux f marque le début d'un premier développement d'un mouvement résolument volubile. Le dialogue entre les quatre pupitres se veut charmeur, disert et courtois. [2:46] Réexposition dans la lignée des règles de la forme sonate. Pas de thème secondaire très marqué, Mozart nous promène dans les jardins viennois à la rencontre de charmantes demoiselles. Août était-il ensoleillé en cet été 1786 ? Le thème initial est abondamment repris tel un leitmotiv à travers un travail de contrepoint élaboré qui apporte fantaisie et bonhomie au propos… [9:22] Quelques traits staccato et syncopés introduisent une coda dans laquelle résonne le trottinement des chevau-légers de la capitale.

2 - Menuetto (allegretto en ré majeur & trio en fa majeur) : [10:08] Le menuetto prolonge le rythme obstiné qui caractérise l'inspiration de Mozart dans cet enthousiaste quatuor depuis les mesures initiales. Le violoncelle marque la mesure par des successions de noires sans legato. Ce mouvement est très court, d'esprit champêtre et chorégraphique, très animé. [11:23] Ludique, le Trio est une course éperdue dans les bosquets égayée de groupes de croches en triolet qui lui donnent ce tempérament humoristique. On notera la richesse mélodique inouïe dans ce passage où chaque instrumentiste pourchasse ses petits camarades. Une diablerie musicale pleine de peps. [12:27] Retour classique du thème du menuet mais sans la reprise. Mozart joue la carte de la concision…


Vienne vers 1800
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3 – Adagio (sol majeur) : [13:10] L'adagio est un moment de repos sans intention métaphysique. La richesse mélodique est au rendez-vous avec de nouveau le rejet d'une thématique trop contrastée. Le climat se veut rêveur, les instruments à l'opposé de la fin du trio du menuet, fusionnent pour évoquer la tranquillité d'un sous-bois. Mozart prend son temps, ne complique en rien son discours sans pour autant lasser, car multipliant délicatement les transitions. [16:39] La réexposition du thème porteur ouvre la voie à un développement plus cadencé. [17:40] Un très court instant, la musique se laisse gagner par des sonorités élégiaques, pas réellement tristes mais interrogatives. Un démon vient-il de traverser l'esprit du compositeur au travail. Un écart très fugace qui permet à l'adagio de retrouver sa douceur crépusculaire. Un adagio magnifique qui montre à quel point le style quatuor tente de gagner des dimensions quasi symphoniques.

4 – Allegro (ré majeur) : [22:17] Pour confirmer cette impression quant aux velléités d'un type d'œuvre qui n'est plus un simple divertissement de salon, l'allegro est d'une durée imposante et met en jeu pas moins de trois thèmes. Un motif amusant introduit un chassé-croisé versatile entre les quatre cordes. Insolite ! [22:52] Exposition d'un thème précipité de double et triple croches aux violons. Quel lyrisme débridé… [23:17] Encore un nouveau motif exaltant. A l'inverse de l'adagio, le final se révèle très mouvementé, entrecoupé de syncopes, de ruptures de rythme ; de la haute voltige polyphonique. L'inventivité est diabolique, une surprise toutes les trois ou quatre mesures. [27:27] Une reprise nous conduira vaillamment à une coda endiablée.
Le Quartetto Italiano ne cherche pas la prouesse virtuose, préférant des tempi plutôt sages, notamment dans l'adagio. Et ce choix permet au quatuor de briller de mille feux à travers un discours clair. Pas de vibrato intempestif, bref une merveille. Franchement, on pouvait s'y attendre. (Partition)
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La discographie est riche. Quelques une de mes gravures favorites :
Avec le Quatuor Alban Berg autre grand nom du XXème siècle, et malgré un ton plus sévère que leurs confrères italiens et des tempos plus agrestes (2:31 pour le menuet), on retrouve l'élégance et l'énergie guillerette de l'opus. Parfait mais à mon goût un peu froid et un violoncelle capté de trop près (vraiment histoire de dire quelque chose 😆). Les trilles dans l'adagietto sont féériques… Disponible à l'écoute sur Deezer. (Warner – 5/6).
Le Quatuor Mosaiques propose un album simple réunissant le 20ème et le 22ème quatuor. Contrairement aux Berg, les tempos sont lents, un peu trop ? La facétie mozartienne s'émousse légèrement, mais le legato est soyeux. Du bel ouvrage disponible à l'écoute sur Deezer. (Astrée – 5/6)
Le Quatuor Hagen créé au début des années 80 renoue avec des tempos vif-argent et l'espièglerie mozartienne. Certes le son est moins chatoyant que chez les italiens, inimitables dans ce domaine, mais la poésie facétieuse est bien présente. Avec les quatuors K 559 et K 590, le disque est généreux. Un album isolé qui permet une découverte du monde du quatuor chez Wolfgang. Disponible à l'écoute sur Deezer. Là, je me répète 😀 (DG – 6/6)

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