John Schlesinger assis à la caméra |
Classé
X pour ses scènes de sexe (inédites pour l’époque) mais aussi par la violence du
constat. Le réalisateur anglais John Schlesinger, à qui on doit aussi MARATHON MAN, truste les récompenses en Europe. Il souhaite adapter le roman
éponyme pour montrer un visage de l’Amérique que peu de films ont montré
jusque-là. Et ce n’est pas un tableau à l’aquarelle, ni à l’huile, mais au
vitriol.
Le
départ est remarquable. On y voit Joe Buck sortir de sa douche, s’habiller en
tenue de cowboy texan, lissant son chapeau comme Delon dans le SAMOURAÏ, un
dernier regard dans le miroir, valise à la main : à moi New York ! Et
sonnent les premiers accords de « Everybody’s talkin’ » cette chanson
magique d’Harry Nilsson (reprise de Fred Neil) dont la mélancolie est indissociable
du film. Joe Buck ne va pas conquérir Paris comme Aznavour, mais New York. Et
faire le gigolo. « Je ne suis pas un vrai cowboy, mais un véritable étalon »
clame-t-il. Une pute, quoi. Il le dit et le répète à qui
veut l’entendre. Joe Buck c’est Jon Voight (DELIVRANCE, RUNAWAY TRAIN, HEAT) visage poupin, à croquer, mâchouillant son chewin’gum, qui rêve de l’Amérique
des winners.
Le
voyage en bus est effrayant. Aucun moyen de communiquer, ses tentatives de
conversations échouent. Joe Buck nous apparait de suite comme un déraciné. Et John
Schlesinger balance des flashbacks sur l’enfance. Traumatisantes, ambiguës, des
images de ce blondinet dans le lit de ses (grands ?) parents nus, ou massant les épaules de sa mère, lui
provoquant un quasi orgasme. Un gamin adopté et abusé ? On ne comprend pas
bien si ce sont des souvenirs réels ou des fantasmes, comme plus tard, ces
scènes de viols récurrentes sur lui-même et sa copine (en noir et blanc).
Images violentes au montage heurté, qu’on a du mal à intégrer, mais qui participent
à définir le personnage dans son obsession du sexe, et sa marchandisation.
Aussi
mythique que la rengaine de Nilsson ou le thème instrumental joué à l’harmonica
par Toots Thielemans, ces images de Joe déambulant dans New York, affublé de son
chapeau et sa veste à franges, chemise cowboy, et poste de radio en main. Un ovni.
Joe Buck qui fantasmait New York va s’en prendre plein la gueule. Une galerie
de monstres. Sa première passe avec une vielle bourgeoise libidineuse qui n’a
pas un dollar à lui filer, comme ce jeune mec qui le suce dans un cinéma, et
quand il trouve enfin une cliente friquée, il ne peut pas bander. Et il y a ce
type rencontré à la fête foraine, homo refoulé que Joe va dérouiller pour son
fric (visez le plan cadré à hauteur de braguette), ou ce maquereau mystique
halluciné au milieu de ses breloques religieuses. Le film tire un boulet rouge
contre ces bigots caractériels et leur misère sexuelle. C’est ça que montre MACADAM COWBOY. Une
radiographie de New York fin 60’s, tournée en décors réels, avenues grouillantes
de cafards et de taudis peuplés de laissés pour compte, ou de penthouse pour parvenus azimutés et cyniques.
La parade monstrueuse.
Joe
Buck n’est pas seul à dériver. Il y a plus solitaire que lui, et c’est sans doute pourquoi
ils vont faire équipe ensemble. Rico Ratso, le rital, p’tit mec aux cheveux
gras, tuberculeux, à qui le fabuleux Dustin Hoffman prête sa voix
nasillarde de canard boiteux. Qui rêve de Floride, de soleil, pour soigner ses
bronches. Ratso et son physique ingrat, scène sublime et tragique quand il se
recoiffe (le peigne ne passe pas dans ses cheveux sales) demandant à Joe « suis-je
présentable ? ». Une larve. Ils vont faire équipe d’abord par
recherche du profit, Ratso le maquereau et ses plans foireux et Joe l’étalon
prêt à fourrer.
Chacun est la béquille de l’autre. Amitié réelle ou désir homo, en tous cas, ils ont besoin l’un de l’autre, parce que la solitude à deux est plus vivable, et cohabitent dans un squat miteux, sans chauffage. Quand Ratso fantasme sur Miami, s’imaginant roi de la fête en chemise immaculée sous le soleil de Floride, Schlesinger enchaine sur le New York triste, gris et glacial recouvert de neige. Le rêve tu te le prends en pleine tronche.
Chacun est la béquille de l’autre. Amitié réelle ou désir homo, en tous cas, ils ont besoin l’un de l’autre, parce que la solitude à deux est plus vivable, et cohabitent dans un squat miteux, sans chauffage. Quand Ratso fantasme sur Miami, s’imaginant roi de la fête en chemise immaculée sous le soleil de Floride, Schlesinger enchaine sur le New York triste, gris et glacial recouvert de neige. Le rêve tu te le prends en pleine tronche.
Joe
Buck est beau mec, photogénique. On le repère. Il est invité à une soirée
newyorkaise de happy few, comme il en rêvait. Une séquence hallucinée, party psychédélique
avec dope et projection porno aux murs. Il se fait emballer par une femme, mais
n’arrive qu’à la satisfaire que lorsque qu’elle l’humilie. Elle a un bon carnet
d’adresses, Joe pourrait œuvrer pour ses copines mal baisées. C’est sans compter Ratso, l'ami souffreteux, qui doit se
mettre au vert, au soleil de Miami. Et on reprend le bus…
50
ans après MACADAM COWBOY reste une grosse claque. Mise en scène ultra réaliste,
figures de styles propres à ces années-là, zoom, longues focales (donc flou aux
arrières plan, isolant le personnage dans un décor brumeux), surimpressions. Un
style qui vieillit bien sûr, mais c’est sans compter le portrait de ces deux
paumés, la prestation des deux comédiens, à jamais marqués par leurs rôles, et la
crudité du propos. « John Wayne n’était pas un pédé » hurle Joe Buck,
qui tapine sur la 42ème avenue, affublé de sa panoplie de
cowboy. Le mythe hollywoodien vient de s'en prendre une bonne giclée...
Le film est à la fois magnifique et source de malaise. Comment l’Amérique flamboyante a-t-elle pu oublier sur le chemin ces deux types et les laisser crever… A rapprocher de L'EPOUVENTAIL de Jerry Schatzberg (1973, Pacino et Hackman) un de ces films qui radiographient sans complaisance l’Amérique et sonde l’âme humaine.
Le film est à la fois magnifique et source de malaise. Comment l’Amérique flamboyante a-t-elle pu oublier sur le chemin ces deux types et les laisser crever… A rapprocher de L'EPOUVENTAIL de Jerry Schatzberg (1973, Pacino et Hackman) un de ces films qui radiographient sans complaisance l’Amérique et sonde l’âme humaine.
Superbe ? je souscris ...
RépondreSupprimerJ'ai toujours considéré ce film comme un négatif new yorkais des ballades bucoliques en chopper de Easy Rider, les deux sont sortis la même année, et donnent deux visions de l'autre côté du miroir (du mouroir ?) américain ...