Nema grignote
un morceau d’élan séché. Elle est assise dans le hall de l’immeuble du
Déblocnot’ à côté du grand sapin recouvert de neige artificielle. Elle pense :
quelle barbe d’avoir oublié mon badge je crève de chaud ici avec mes bottes
fourrées… et je vais finir par rater mon avion pour Kiruna… et Sonia qui ne
vient pas chercher la clé USB avec la chronique du jour…
Kiruna ? Vous
ne savez pas où ça se trouve ? C’est une ville d’environ 19000 habitants au
nord de la Suède. Cette cité lapone est très connue pour son immense mine de
fer et par le fait qu’elle doit « déménager » (relocalisation prévue à 3km à
l’est) à cause de toutes les galeries creusées profondément pour extraire le
fameux minerai. Juste pour se donner une idée : le chiffre d’affaires de la
mine était de 1,7 milliards d’euros en 2016…. À part ça, climat rude forcément
(pouvant aller jusqu’à -22°C en hiver) mais des aurores boréales splendides («
énormes monstres de lumière scintillante »). Sans doute ce qui a inspiré le
titre grinçant du roman d’Asa Larsson.
Au commencement était un homme, trouvé mort dans une
église, l’église de Cristal de Kiruna, énucléé et amputé des mains. Pas très
joli, joli, évidemment, d’autant que
l’homme est Viktor
Strandgard, le Pèlerin du Paradis. Lorsqu’il était enfant, il a
failli mourir à la suite d’un accident de voiture, mais il est revenu à la vie
après un arrêt cardiaque. Impressionnant voyage temporaire dans l’au-delà. Et
il est entré dans la foi en Dieu et il est devenu pasteur et prédicateur au
sein de l’Église de la Force originelle.
Cette église est en fait le regroupement de trois églises locales et de ses
trois pasteurs dont l’un d’entre eux était le guide spirituel de Viktor.
Voilà. On démarre une histoire qui va se dérouler sur 7 jours palpitants,
inquiétants, glaçants (au propre et au figuré).
Rebecka Martinsson, avocate fiscaliste à Stockholm, droguée du
travail, revient à Kiruna la ville
de son enfance. En effet, elle a très bien connu Viktor et cette
horrible mort la touche profondément. Dans son adolescence elle a fréquenté
l’église de la Force originelle. Mans Wenngren son patron tout comme Maria Taube
sa collègue suivront, certes d’assez loin, les péripéties du voyage de Rebecka
dans le grand nord. Mais on les sent attentifs à cette curieuse quête qui
pousse l’héroïne à devenir presque par la force des choses l’avocate de la sœur
du défunt, Sanna.
Qui dit meurtre, dit police et enquête. Ce sont Anna-Maria
(enceinte et très proche de l’accouchement qui va donner un coup de main à son
collègue) et Sven-Erick que l’on trouve à la manœuvre. Duo qui doit faire face à un
procureur prétentieux et irritable : von Post. Mais c’est compliqué car
il y a peu, très peu d’indices ou bien des indices qui semblent fabriqués de
toute pièce.
Rebecka, de son côté, rejoint Sanna son amie
d’enfance et ses deux filles Sara et Lova. La remontée
dans le temps n’est pas agréable, de mauvais souvenirs refont surface. En même
temps, retrouver la maison de sa grand-mère à Kumarajiva, l’amitié de Sivvig (drôle de surnom qui en fait
vient de Civ
Ing : ingénieur civil, surnom donné par une maman très fière
d’avoir un fils bien placé dans les mines). Sivvig est un solide
gaillard bien dans ses bottes, un point stable dans l’ambiance pesante de
l’enquête. Pour preuve, il fait griller de la viande de renne dans une grande
poêle en fonte : ça sent bon et ça réconforte quand on rentre d’avoir joué dans
la neige ou pataugé dans à la recherche de l’auteur du meurtre.
Mais qui et pourquoi avoir tué Viktor, cela obsède Rebecka.
Elle reprend donc contact avec les trois pasteurs qu’elle a bien connu : Thomas
Soderberg, Vesa Larsson, Gunnar Isaksson.
Trois gaillards sûrs d’eux et de leur rôle de guide spirituel. On organise des
colloques sur les miracles, on vend des DVD des prêches, on a tendance à ne pas
parler à la police… Glauque, très glauque tout ça. Ah les braves gens ! Rebecka
recontacte également un copain de jeunesse Patrick Mattsson. Ce sera pour le
lecteur l’occasion d’une ballade dans un coin de mine à 500m sous terre,
recyclé en champignonnière. Intéressant.
Beaucoup d’allusions à la Bible. Quelques dérapages en
Audi, nostalgie des ballades en spark (sorte de trottinette sur patins avec un
grand panier dans lequel on peut mettre un enfant), Rebecka se démène à
droite, à gauche. Une fin d’histoire qu’on voit venir mais par toutes petites
touches et qui maintient le lecteur en haleine de bout en bout. Car bien
évidemment Rebecka
aura tout compris, elle, de ce qui s’est passé, du pourquoi de cette mort et de
ce qu’elle devait cacher.
L’art d’Asa Larsson consiste
à nous faire entrer dans l’enquête comme dans un film : on voit et on entend
comme les personnages sont censés voir et entendre, on sent presque le froid
sur nos joues et au bout de nos doigts.
Asa Larsson est née
en 1966 à Upsala. Cette juriste
spécialiste des impôts est également auteur de romans policiers dont toute une
série ayant pour héroïne Rebecka Martinsson. Horreur boréale a obtenu le prix du
premier roman policier en Suède en 2003.
Bonne lecture, bien au chaud !
Editeur Folio
policier - 390 pages
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