lundi 7 janvier 2019

HORREUR BORÉALE d’Asa Larsson (2003 et 2006 traduction française) - par Nema M.



Nema grignote un morceau d’élan séché. Elle est assise dans le hall de l’immeuble du Déblocnot’ à côté du grand sapin recouvert de neige artificielle. Elle pense : quelle barbe d’avoir oublié mon badge je crève de chaud ici avec mes bottes fourrées… et je vais finir par rater mon avion pour Kiruna… et Sonia qui ne vient pas chercher la clé USB avec la chronique du jour…

Kiruna ? Vous ne savez pas où ça se trouve ? C’est une ville d’environ 19000 habitants au nord de la Suède. Cette cité lapone est très connue pour son immense mine de fer et par le fait qu’elle doit « déménager » (relocalisation prévue à 3km à l’est) à cause de toutes les galeries creusées profondément pour extraire le fameux minerai. Juste pour se donner une idée : le chiffre d’affaires de la mine était de 1,7 milliards d’euros en 2016…. À part ça, climat rude forcément (pouvant aller jusqu’à -22°C en hiver) mais des aurores boréales splendides (« énormes monstres de lumière scintillante »). Sans doute ce qui a inspiré le titre grinçant du roman d’Asa Larsson.
Au commencement était un homme, trouvé mort dans une église, l’église de Cristal de Kiruna, énucléé et amputé des mains. Pas très joli, joli, évidemment, d’autant que  l’homme est Viktor Strandgard, le Pèlerin du Paradis. Lorsqu’il était enfant, il a failli mourir à la suite d’un accident de voiture, mais il est revenu à la vie après un arrêt cardiaque. Impressionnant voyage temporaire dans l’au-delà. Et il est entré dans la foi en Dieu et il est devenu pasteur et prédicateur au sein de l’Église de la Force originelle. Cette église est en fait le regroupement de trois églises locales et de ses trois pasteurs dont l’un d’entre eux était le guide spirituel de Viktor. Voilà. On démarre une histoire qui va se dérouler sur 7 jours palpitants, inquiétants, glaçants (au propre et au figuré).

Rebecka Martinsson, avocate fiscaliste à Stockholm, droguée du travail, revient à Kiruna la ville de son enfance. En effet, elle a très bien connu Viktor et cette horrible mort la touche profondément. Dans son adolescence elle a fréquenté l’église de la Force originelle. Mans Wenngren son patron tout comme Maria Taube sa collègue suivront, certes d’assez loin, les péripéties du voyage de Rebecka dans le grand nord. Mais on les sent attentifs à cette curieuse quête qui pousse l’héroïne à devenir presque par la force des choses l’avocate de la sœur du défunt, Sanna.
Qui dit meurtre, dit police et enquête. Ce sont Anna-Maria (enceinte et très proche de l’accouchement qui va donner un coup de main à son collègue) et Sven-Erick  que l’on trouve à  la manœuvre. Duo qui doit faire face à un procureur prétentieux et irritable : von Post. Mais c’est compliqué car il y a peu, très peu d’indices ou bien des indices qui semblent fabriqués de toute pièce.
Rebecka, de son côté, rejoint Sanna son amie d’enfance et ses deux filles Sara et Lova. La remontée dans le temps n’est pas agréable, de mauvais souvenirs refont surface. En même temps, retrouver la maison de sa grand-mère à Kumarajiva, l’amitié de Sivvig (drôle de surnom qui en fait vient de Civ Ing : ingénieur civil, surnom donné par une maman très fière d’avoir un fils bien placé dans les mines). Sivvig est un solide gaillard bien dans ses bottes, un point stable dans l’ambiance pesante de l’enquête. Pour preuve, il fait griller de la viande de renne dans une grande poêle en fonte : ça sent bon et ça réconforte quand on rentre d’avoir joué dans la neige ou pataugé dans à la recherche de l’auteur du meurtre.

Mais qui et pourquoi avoir tué Viktor, cela obsède Rebecka. Elle reprend donc contact avec les trois pasteurs qu’elle a bien connu : Thomas Soderberg, Vesa Larsson, Gunnar Isaksson. Trois gaillards sûrs d’eux et de leur rôle de guide spirituel. On organise des colloques sur les miracles, on vend des DVD des prêches, on a tendance à ne pas parler à la police… Glauque, très glauque tout ça. Ah les braves gens ! Rebecka recontacte également un copain de jeunesse Patrick Mattsson. Ce sera pour le lecteur l’occasion d’une ballade dans un coin de mine à 500m sous terre, recyclé en champignonnière. Intéressant.
Beaucoup d’allusions à la Bible. Quelques dérapages en Audi, nostalgie des ballades en spark (sorte de trottinette sur patins avec un grand panier dans lequel on peut mettre un enfant), Rebecka se démène à droite, à gauche. Une fin d’histoire qu’on voit venir mais par toutes petites touches et qui maintient le lecteur en haleine de bout en bout. Car bien évidemment Rebecka aura tout compris, elle, de ce qui s’est passé, du pourquoi de cette mort et de ce qu’elle devait cacher.       

L’art d’Asa Larsson consiste à nous faire entrer dans l’enquête comme dans un film : on voit et on entend comme les personnages sont censés voir et entendre, on sent presque le froid sur nos joues et au bout de nos doigts. 
Asa Larsson est née en 1966 à Upsala. Cette juriste spécialiste des impôts est également auteur de romans policiers dont toute une série ayant pour héroïne Rebecka Martinsson. Horreur boréale a obtenu le prix du premier roman policier en Suède en 2003.

Bonne lecture, bien au chaud !

Editeur Folio policier - 390 pages


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