vendredi 21 décembre 2018

STEVE WINWOOD & ERIC CLAPTON "Live at Madison Square Garden" (2009) par Luc B.


Un disque de vieux qui jouent du vieux pour des vieux ça vous dit ? Les deux perdreaux sont Steve Winwood et Eric Clapton, qui eux, ne sont pas du genre à désosser un duty free à Orly s’ils se croisent dans le même aéroport. Je ne vous ferai pas l’injure de vous présenter le second, mais le premier, certains ont sans doute oublié qu’il a été dès les années 60 le garant d’une Soul blanche, avec son tube « Gimme some lovin’ » dont beaucoup pensent qu’il a été écrit par des Noirs de chez Stax, et ben non !
Steve Winwood est aussi une voix, haute perchée, caractéristique, marquée par la technique d’un Ray Charles (dont il reprend le « Georgia on my mind ») et qui me rappelle parfois le Peter Gabriel de « Sledge hammer ». Y’en a que ça irrite, moi, je m’y fais… Winwood est un organiste doublé d’un guitariste, et compositeur, donc un gars bien. Avec son SPENCER DAVIS GROUP, il a fait les beaux jours du Swinging London (« Keep on running », « I'm a man ») puis il crée le groupe TRAFFIC, mix de Soul, de Bossa, de Funk, adepte d’impro progressives, dans l’air du temps, la world music avant l’heure.
Amateur de jams, il fraye déjà avec Eric Clapton, incontournable  à l’époque, qu’il va retrouver dans ce qu’on appelait un super-groupe (addition de talents venus d’autres groupes à succès) : BLIND FAITH, en 1969. Un seul album au compteur (qui n'a pas convaincu grand monde... comme la tournée qui a suivi), davantage porté sur le blues psychédélique, controversé à cause de sa pochette laide et libidineuse tendance pédophile (comme le « House of the Holy »). Comment ça a pu passer, même à l’époque ? Il y avait Ginger Baker à la batterie, ex-filtré de CREAM 
40 ans plus tard… Clapton organisateur du Crossroads Festival, invite Steve Winwood en 2007 à reprendre le répertoire de BLIND FAITH. Les deux musiciens apprécient l'exercice, remettent ça en tournée (2009) et propagent la bonne parole Soul Blues qui ont fait leur succès. 
Détaillons le menu, parce qu'il y a du lourd. C’est un quasi un best-of de la bande son du Boom Blues engliche, dont on connait presque tous les titres. Et y’a qui sur la scène de ce bon vieux Madison Square Garden ? Willie Weeks à la basse, Ian Thomas à la batterie, l’indéboulonnable Chris Stainton aux claviers (complice de Clapton depuis avant le Déluge), Eric Clapton guitare et chant, Steve Winwood claviers, guitare et chant. Car les deux chantent, picorent dans leur répertoire respectif, celui de DEREK AND DOMINOES, de TRAFFIC, et quelques reprises bien senties comme « Georgia on my mind » de Ray Charles donc, avec Winwood seul chant/orgue, et puis des blues de Robert Johnson « Rambling on my mind » ou d'Otis Rush « Double Trouble », et du Hendrix.
Et là mesdames messieurs, on a droit à « Little Wing » que Clapton reprenait sur le disque "Layla" (1970), et « Voodoo Child ». Précision à l’attention des jeunes qui nous lisent… Vous connaissez « Voodoo child, slight return », (enfin j'espère...) le classique riff d’Hendrix, mais une autre version était aussi présente sur l’album "Electric Ladyland" (1968), une longue jam bluesy improvisée avec déjà le jeune Steve Winwood à l’orgue Hammond et Jack Cassidy (sans le Kid) à la basse. C’est cette version que les Ehpad's brothers nous balancent pendant plus d’un quart d’heure…
Premier plan, de dos, Chris Stainton et son joli pull.
Bon, le départ de l’album n'est pas terrible, un « Had to cry today » trop long (comme l'original), une mise en bouche, pour que chacun trouve ses marques. Mais après c'est Noël. Du JJ Cale avec « Lay down » et « After midnight » un « Forever man » pour Clapton, et le sublime « Presence of the lord » composition du God pour BLIND FAITH. Un rock 50’s de Buddy Holly « Well all right » tiré aussi de l'album éponyme, l’instrumental « Glad »  et « Pearly Queen » période TRAFFIC, que j’adore. Ca défouraille de solos en veux-tu en voilà, il est clair que les gars ne s’économisent pas. Chacun prend le micro à son tour, mais on ne se marche pas dessus, on est juste là pour célébrer une musique, LA musique, et surtout la manière dont on la jouait à cette époque, sans regarder le chronomètre.
Les tubes arrivent forcément (mais à ce niveau stratosphérique c’est quoi un tube ? si Ton Tube avait existé ce serait 400 milliards de vues !) avec « Can’t find my way home », et cette merveille de « Dear Mr Fantasy » de Winwood, avec tempo dédoublé, une fin bien couillue à deux guitares, et on clôt les débats avec un « Cocaïne » de JJ Cale certes un peu réchauffé, mais avec le bon chorus de Chris Stainton au piano quand il faut.
On peut ergoter sur le manque de place laissée au duo rythmique basse/batterie, solide, mais un peu dans l’ombre. C’est enregistré aux petits oignons, version cd comme dvd (voir la réunion de CREAM, du même principe) les titres font dans les 7 ou 8 minutes de moyenne, on ne s’économise pas, on joue, on joue, on joue, mais pas que : on joue bien (euphémisme). Heu… c’est pas ce qu’on demande à des musiciens ?  
Alors oui, tout cela n’est pas nouveau. Mais on vous propose tellement d’articles sur de jeunes musiciens -  voyez les chroniques de Rockin’ l’ami de Stromaé, Vianney, Maé, Obispo, il nous en parle si souvent qu'il doit y avoir tout de même quelque choses là dessous - que se replonger dans l'âge d'or ne fait pas de mal. Même Claude apprécierait ! Ce disque réécouté récemment donne une telle pêche, fait tellement plaisir, permet de réentendre un répertoire intemporel joué par ses créateurs toujours en verve - et en vie.

Donc, faites-vous plaisir, la musique est faire pour ça. Et c'est pourquoi je fais péter les cinq double croche. On écoute un bon vieux blues...



2 commentaires:

  1. extraordinaire concert que je ressors de temps en temps , soit le cd , soit le dvd. Si tous les Ehpads de France sonnaient comme cela, le personnel qui y travaille serait un peu moins sous pression non? C'est toujours bon de revoir un Clapton en forme, parce que maintenant le pauvre , il sucre les fraises et chante Noël .....Stevie Winwood est un musicien fabuleux , comment ne pas frissonner de plaisir à l'écoute de "Cnt' find my way home" . A part cela je trouve Ian Thomas pas mal bourrin, genre école bûcheron! Mais que faisait Steve Gadd ce jour là ?

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  2. J'ai vu de la lumière dans l'EHPAD je suis venu voir s'il restait pas un morceau de bûche ...

    J'aime bien Winwood, les 60's of course,et même quelques trucs solo dans les 70's, jusqu'à et y compris "arc of a diver" gros succès de rock gentillet FM (de qualité).
    Il a jamais atteint le niveau stratosphérique de son pote en costard Armani avec les autres chansons d'amour assorties (merci Duane et Jim Gordon pour "Layla" quand même), mais il est jamais tombé aussi bas (les horribles productions Phil Collins).
    Blind Faith pas convaincant, ouais ... enfin une rondelle où on trouve "can't find my way home" et l'extraordinaire "Presence of the Lord" on peut pas appeler ça un ratage intégral ...

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